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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

«Je ne crois pas que vous ayez une âme»

AFP
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Photo portrait de Luc Laliberté

Luc Laliberté

2021-12-07T14:44:21Z
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En 2011, lors d’une rencontre dans les bureaux de Vladimir Poutine, Joe Biden, alors vice-président, avait lancé à son hôte: «Je scrute votre regard et je ne crois pas que vous ayez une âme.»

Les mêmes hommes se retrouvent aujourd’hui et le contexte est tendu. Chacun de son côté, les deux vétérans de la scène internationale n’hésitent pas à recourir à la rhétorique guerrière dans ce qui ressemble trop souvent à une mise en scène. 

On roule des mécaniques, on menace d'user d’actions militaires ou de sanctions, mais sans jamais perdre de vue une perspective bien plus large que la situation en Ukraine, dont on devrait discuter en priorité.

Biden peut bien douter que son rival ait une âme, il devra surtout s’assurer qu’il a une parole. Poutine et son responsable des affaires étrangères, Sergeï Lavrov, sont passés maîtres dans l’art de déstabiliser et de faire diversion. Pour redonner à la Russie sa grandeur, il faut exploiter chaque faille des alliés européens ou du géant américain.

On soupçonne le dirigeant russe de miser sur les ressources de son pays, grand fournisseur d’énergie, pour faire plier ou réfléchir les Européens, tout en laissant planer l’ombre d’une autre crise des migrants. La situation en Biélorussie est préoccupante et le voisin russe s’assure de maintenir au pouvoir le controversé Alexandre Loukachenko. 

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Bien malin est celui qui peut prédire avec exactitude le comportement du président russe, alors que plus de 100 000 soldats ont été envoyés à la frontière ukrainienne. Verra-t-on une répétition de 2014, alors qu’on annexait la Crimée? Poutine voit-il encore plus grand? Souhaite-t-il tout simplement s’assurer de maintenir à distance l’OTAN et les États-Unis?

L’Ukraine représente une position stratégique importante dans cette région pour les Américains. Les États-Unis et leurs alliés ont maintes fois démontré qu’ils sont prêts à appuyer le gouvernement en place et à le soutenir financièrement. Il est cependant tout aussi clair qu’on ne veut pas intervenir dans un conflit armé.

L’Ukraine a sans aucun doute augmenté sa force de frappe depuis quelques années, mais peut-elle résister bien longtemps à une poussée de la Russie? Biden et ses conseillers ont assurément envisagé le pire scénario avant de rencontrer Vladimir Poutine. Si on ne s’attend pas à ce que la situation dégénère dès aujourd’hui, le président des États-Unis devra faire plus que hausser le ton et y aller d’effets de toge.

Pour que Biden force Poutine à réviser ses plans, il doit s’assurer que les sanctions potentielles évoquées depuis quelques jours sont suffisantes. Alors que l’Américain vient d’annoncer un boycottage diplomatique des Jeux olympiques et que son attention est beaucoup plus centrée sur la Chine, Poutine saura bientôt si le dossier ukrainien est prioritaire pour le 46e président des États-Unis.

Autant Joe Biden que son secrétaire d’État Antony Blinken insistent sur l’importance de la diplomatie pour apaiser les tensions. Il suffisait cependant d’observer le langage non verbal de Blinken et de Lavrov lors d’un point de presse commun pour parvenir à la conclusion que les belles paroles ne suffiront pas. Si Vladimir Poutine recule, c’est qu’on lui répond par la force. Biden le sait.

Je préfère ne pas envisager une escalade dans ce dossier, mais vous devinez que si la situation dégénère, d’autres joueurs interviendront en raison du jeu des alliances ou de la convergence des intérêts stratégiques. Si Joe Biden semble jouir pour le moment d’un rare appui bipartisan aux États-Unis dans ce dossier, en coulisses ses conseillers doivent manœuvrer pour tester la détermination des alliés.

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