«Je croyais que ce n’était pas addictif»: oui, la dépendance au cannabis, ça existe
Gabriel Ouimet
«Comme le pot est avant tout une plante qui pousse dans la nature, je me disais que ce n’était rien en matière de dangerosité. Jusqu’à récemment, je croyais que ce n’était pas addictif et que je pouvais arrêter quand je voulais. Ce n’est pas vrai.»
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Nathan a mis du temps à réaliser que sa consommation de cannabis était problématique.
Il n’avait que 12 ans lorsqu’il a fumé son premier joint. Dans les années qui ont suivi son initiation, il fumait seulement de façon sporadique. Sa consommation est cependant allée en crescendo à la fin de l’adolescence, pour atteindre un pic au début de l’âge adulte.
«Vers 18 ans, c’est devenu plus régulier, donc à toutes les semaines. Puis, rapidement, c’est devenu tous les jours», confie-t-il.
Nathan a ensuite passé ses années universitaires à «attendre impatiemment son joint».
«Je faisais mes travaux, j’allais à mes cours et tout, sauf que mes soirées se répétaient: je fumais un joint vers 18h et après j’écoutais The Sopranos ou je gamais. Je faisais juste ça», lance le trentenaire qui œuvre aujourd’hui dans le domaine de la finance sociale.
La révélation
Même si le pot occupait une place centrale dans sa vie à l’époque, Nathan ne voyait aucune raison de modifier sa consommation. Mais en 2011, alors qu’il était âgé de 21 ans, sa réponse à un événement tragique l’a forcé à se questionner.
«Je suis entré chez mes parents, puis ma sœur, mon père et ma mère étaient en train de pleurer dans le salon. Un ami de ma sœur était décédé à l’âge de 21 ans», se souvient-il.
«J’étais sous le choc aussi, mais ma réaction, ça n’a pas été de vouloir rester avec ma famille pour vivre le deuil avec eux comme j’aurais dû le faire. Ma première réaction, pour gérer ce qui se passait, ç’a été d’aller rejoindre mes amis pour fumer des joints et m’évader.»
Nathan a alors compris qu’il ne consommait pas juste pour le plaisir.
«Ça m’a fait réaliser je n’arrivais plus à connecter avec les gens autour de moi de la même manière. Ça affectait mes relations, ça faisait en sorte que dès que je vivais un minimum de stress, il fallait que je me réfugie dans mon joint», regrette le jeune homme.
C’est à ce moment que Nathan a pris la décision de diminuer sa consommation. Une résolution qui a toutefois été plus difficile à respecter qu’il ne l’anticipait.
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Plusieurs promesses non tenues
Dans les cinq ou six années qui ont suivi, Nathan a essayé de fumer seulement une fois par semaine, ou encore exclusivement la fin de semaine. Il parvenait même parfois à arrêter de fumer pendant quelques semaines, avant de revenir à ses anciennes habitudes.
«J’ai eu plusieurs phases pendant lesquelles je recommençais à fumer vraiment beaucoup. Malgré ça, pendant ces périodes, je rationalisais en me disant que je pouvais arrêter quand je voulais», raconte-t-il.
Des journaux personnels tenus à l’époque témoignent cependant du contraire.
«Quand je regarde mes cahiers de notes des dernières années, c’est fou le nombre de fois où je me suis fait la promesse d’arrêter sans la tenir», souffle-t-il.
Ce n’est que récemment, à 33 ans, qu’il a pris conscience qu’il avait réellement un problème et qu’il a décidé d’en finir une fois pour toutes avec le cannabis.
«J’ai complètement arrêté depuis le mois de décembre dernier, mais encore en ce moment, si quelqu’un me présente un joint, ça me prend toute ma volonté pour ne pas prendre une puff. Je crois que ça va me suivre toute ma vie», confie le Montréalais.
Une dépendance bien réelle
Le cannabis n’a pas la réputation d’être particulièrement addictif. Si bien que plusieurs adeptes, comme Nathan pendant des années, en consomment sans trop y penser.
La dépendance au cannabis est pourtant bien documentée, souligne le chef du département de psychiatrie du CHUM, le Dr Didier Jutras-Aswad.
«On a une minorité non négligeable de gens qui peut développer un trouble lié à l’usage du cannabis et qui va répondre aux critères établis [de la dépendance], comme on en voit pour les autres substances. Que ce soit les opioïdes, la cocaïne ou l’alcool», indique-t-il.
Santé Canada estime que 9% des consommateurs de cannabis développeront une dépendance. Une statistique qui grimpe à 17% pour les personnes qui ont commencé à consommer à l’adolescence. Le risque de dépendance est de 25% à 50% pour les fumeurs de cannabis quotidiens, affirme aussi l’organisme.
Les signaux à surveiller
Pour déterminer si un consommateur souffre d’une dépendance, les médecins surveillent certains changements de comportement et symptômes physiques, explique Didier Jutras-Aswad.
«Chez les gens qui vont s’exposer de façon régulière et prolongée au cannabis, on va voir des symptômes de manque ou de sevrages quand ils vont arrêter de consommer la substance. Certains vont devenir très tolérants, alors que d’autres vont développer des vomissements récurrents», précise de spécialiste.
Voici ce que vous devez surveiller si vous vous questionnez sur vote consommation:
Perte de contrôle
- Vous consommez une plus grande quantité de cannabis ou vous en prenez plus souvent.
- Vous passez beaucoup de temps à consommer du cannabis (ou à tenter de vous en procurer).
- Vous avez des envies incontrôlables de consommer.
- Vous essayez d’arrêter sans en être capable.
Usage risqué
- Vous continuez à consommer malgré des effets physiques ou psychologiques négatifs.
- Votre consommation vous place dans des situations dangereuses (conduite sous l’influence du cannabis, par exemple).
Conséquences interpersonnelles
- Vous manquez des événements sociaux pour consommer.
- Vous avez des conflits avec des proches en lien avec votre consommation.
- Vous avez de la difficulté à assumer vos obligations à cause de votre consommation.
Si vous répondez à certains de ces critères, ou si vous vous posez des questions sur votre consommation, n’hésitez pas à contacter un professionnel:
Drogue: aide et référence est accessible 24/7 partout au Québec
► Par téléphone: 1 800 265-2626
► Par clavardage: aidedrogue.ca
Canna-Coach est une application d’aide qui permet de réfléchir et de réaliser des changements par rapport à sa consommation