Janette Bertrand n’a pas voulu célébrer son 99e anniversaire pour cette raison
François Hamel
Janette Bertrand franchira le cap des 100 ans le 25 mars 2025. Au nombre des célébrations à venir, Janette, une pièce de théâtre, lui sera consacrée. Lorsqu’on s’assoit avec celle qui s’évertue encore aujourd’hui à briser tous les tabous, on peut constater que la vivacité d’esprit, la soif de justice, la générosité, l’humour et l’élégance la font toujours rayonner.
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Madame Bertrand, comment vous a-t-on présenté ce projet qui vous est consacré?
M. Gilles Duceppe m’a téléphoné pour m’en parler et me demander ce que j’en pensais — parce que la pièce sera présentée chez Duceppe. Je n’en suis pas revenue! Je ne pouvais pas m’attendre à ça. J’ai ensuite participé à des réunions; le fait que je puisse prendre part moi-même à cette création me plaît beaucoup.
Janette, qui sera écrite par Rébecca Déraspe, aura une distribution de six comédiens, dont Guylaine Tremblay. Va-t-elle vous interpréter?
Oui. Et comme il s’agit de théâtre, il n’est pas nécessaire qu’elle me ressemble à tout prix. Elle peut me jouer tant à l’âge de 20 ans qu’à 80 ans. Puis Guylaine est tellement bonne!
Mentionnons que Zoé Lajeunesse-Guy, votre petite-fille, fera aussi partie de la distribution.
Oui! Elle est présentement sur scène dans Plastique, où elle joue un homme. Elle est tellement talentueuse! On en vient à oublier qu’elle est une femme. Alors, dans Janette, Zoé va en quelque sorte représenter ma famille. On parlera surtout de l’histoire de ma vie professionnelle, mais il sera aussi question de ma vie personnelle, bien sûr. Je suis très contente et excitée par ce projet. Si, au cours de la période de création, je trouve qu’ils exagèrent, je vais le leur faire savoir. Au besoin, je ne me gênerai pas pour leur dire: «Je ne suis pas comme ça pantoute!» (rires)
Où en êtes-vous rendue dans l’écriture de la suite de votre autobiographie?
Elle sera lancée le 23 octobre. À l’heure actuelle, elle s’intitule Cent ans d’amour. Sur l’une des premières pages, j’ai écrit: «Ceci est mon dernier livre, peut-être.» J’y aborde tout ce que j’ai vécu au cours des 20 dernières années. Les gens me demandent tellement ce qui fait qu’on peut vivre vieux comme moi, alors je vais en parler. Pendant la pandémie, les vieux ont été dépeints comme des personnes malades. Mais je suis le symbole de quelqu’un qui vieillit bien; ce qui explique le succès que je remporte à l’heure actuelle. Quand je participe à des salons du livre, les files d’attente devant le kiosque où je suis assise sont longues, ça n’a pas de bon sens! Récemment, j’étais à celui de Québec: c’était fou!
Alors, qu’est-ce qui fait qu’on peut bien vieillir comme vous?
Ah! mon Dieu! Il faut penser aux autres et s’impliquer. Je continue à faire du bénévolat. Plus tu t’isoles et plus tu ne fais qu’écouter la télé, plus tu vieillis. Le travail, c’est extraordinaire! L’être humain est né pour être aimé et valorisé. Quand tu arrêtes de travailler, tu ne reçois plus de valorisation. Il ne faut pas arrêter de travailler. Si tu n’aimes pas ta job, change de job.
À quoi d’autre peut-on s’attendre dans Cent ans d’amour?
À des conseils aussi. Il y a plein de services à la disposition des personnes âgées que les gens ne connaissent pas. Bien sûr, je parle également de moi, entre autres, de mes problèmes d’incontinence — ce dont personne ne parle jamais! J’aborde tous mes petits problèmes et inconvénients qui rendent la vie compliquée.
Vous parlez sûrement aussi de vos problèmes de dos qui vous obligent maintenant à vous déplacer soit avec une canne, soit en fauteuil roulant...
Oui. Je n’ai plus de disques entre les vertèbres; c’est la maladie du grand âge. D’après certains médecins, notre corps n’est pas fait pour vivre si vieux.
Parmi vos nombreuses activités, cuisinez-vous encore?
Moins. Donald a pris la relève lorsque j’ai eu un cancer du sein.
Donald qui partage votre vie depuis 42 ans...
Oui. À ce moment-là, il m’a dit: «Tu ne peux pas être dans la cuisine en même temps que moi.» J’étais d’accord, parce que j’étais tellement fatiguée. Ce n’est pas le cancer comme tel qui m’avait épuisée, mais les traitements de radiothérapie.
Vous avez eu 99 ans le 25 mars. Avez-vous célébré votre anniversaire?
Non, je trouvais ça tellement anticlimax! J’ai envoyé des courriels aux membres de ma famille et je leur ai écrit que de fêter 99 ans, je trouvais que ça faisait trop «rabais». J’aimais mieux attendre 100 ans pour me gâter. (rires)
Qu’est-ce que vous inspire ce cap que vous vous apprêtez à franchir?
Que la vie passe tellement vite! Là où j’en suis, j’arrive au vendredi et je n’ai pas vu la semaine passer. Parfois, je me dis que je devrais ne rien faire pendant une journée. Mais je me ravise parce que, comme je le disais, ne rien faire ne valorise personne.
Feriez-vous certaines choses différemment?
Non. Moi, je me donne très facilement droit à l’erreur. Si je me suis trompée, j’ai essayé de faire de mon mieux. Par exemple, des parents parfaits, ça n’existe pas. Finalement, je suis une fille très terre à terre.
Quel âge vos enfants ont-ils et comment vont-ils?
Dominique a 75 ans, Isabelle, 73, et Martin, 64. Isabelle a vécu un deuil terrible, la perte de son conjoint; elle peine à s’en remettre. Mais les autres vont très bien, tout comme mes petits-enfants et mes arrière-petitsenfants. Le plus jeune a deux ans et il est venu se baigner dans ma piscine il y a quelques jours.
Avez-vous d’autres conseils à prodiguer pour vieillir en beauté?
Il faut aimer la vie. C’est ton énergie qui fait que tu demeures jeune et que tu projettes l’image d’une personne jeune. Aimer la vie, c’est aimer les autres et donner. Je pense que tout ça aussi me garde jeune.
Janette sera présentée chez Duceppe, à Montréal, du 9 avril au 10 mai 2025, et à Québec, du 26 au 29 juin 2025. Les billets seront mis en vente le 2 mai. Le prochain livre de Janette Bertrand sortira le 23 octobre 2024.