Ray-Ban Stories : j’ai essayé les lunettes Facebook
Les nouvelles lunettes connectées de Facebook sont plus que des caméras et des écouteurs cachés dans une paire Ray-Ban. Elles permettent aussi de voir dans l’avenir, explique notre chroniqueur techno Maxime Johnson.
Maxime Johnson
Les nouvelles Ray-Ban Stories ne sont pas des lunettes fumées ordinaires.
De loin, les lunettes sur ma tête en ce moment sont les mêmes que Tom Cruise arborait sur l’affiche de Risky Business (et portées par à peu près tout Hollywood à un moment ou un autre depuis les années 50). Mais contrairement aux Ray-Ban de James Dean dans Rebel Without a Cause, les miennes sont dotées de deux caméras, trois microphones, deux haut-parleurs et un assistant vocal. Maxime Johnson 1, James Dean 0.
Qu’est-ce que c’est (et qu’est-ce que ce n’est pas)
Les Ray-Ban Stories dévoilées jeudi par Facebook et EssilorLuxottica (la société mère de Ray-Ban) sont des lunettes connectées qui permettent de « capturer, partager et écouter », pour reprendre la formule de l’entreprise. On s’en sert d’abord pour filmer des vidéos de 30 secondes ou moins et pour prendre des photos, mais aussi pour écouter de la musique ou passer des appels grâce à ses haut-parleurs discrets dirigés vers nos oreilles. On peut ensuite partager le contenu enregistré, qui doit au préalable être transféré des lunettes à une nouvelle application, Facebook View.
Il est probablement encore plus important de mentionner ce que les Ray-Ban Stories ne sont pas. Contrairement aux Google Glass avant elles, ce ne sont pas des lunettes de réalité augmentée. Rien ne s’affiche dans les verres.
Des lunettes de réalité augmentée qui afficheront devant nos yeux des informations numériques pour complémenter le monde qui nous entoure arriveront bien un jour – les ambitions de Facebook à ce sujet sont claires – mais ce n‘est pas pour tout de suite.
Des lunettes qui livrent la marchandise
La présence de deux caméras sur les lunettes permet de créer des effets complexes avec les photos dans l’application Facebook View. Photo : Maxime Johnson.
Voilà quelques jours maintenant que j’essaie les Ray-Ban Stories. Je n’ai pas encore eu assez de temps pour les tester dans toutes les conditions possibles, mais plusieurs constats s‘imposent déjà.
La qualité des photos est tout d’abord tout à fait correcte. L’angle est plus restreint que ce à quoi je m’attendais (les photos prises ressemblent plus à celles d’un téléphone que d’une caméra GoPro, par exemple), mais l’appareil gère adéquatement les couleurs et les clichés sont quand même nets, du moins lorsque l’éclairage est suffisant.
À vue d’œil, les deux capteurs de 5 mégapixels permettent de prendre des photos d’une qualité similaire à celle des téléphones intelligents d’il y a quelques années, mais avec un traitement logiciel digne de 2021. Grâce au logiciel, les vidéos sont par exemple d’une fluidité exemplaire.
Une promenade à vélo avec les Ray-Ban Stories.Vidéo: Maxime Johnson.
L’avantage d’avoir une caméra sur son nez est principalement la rapidité à laquelle il est possible d’enregistrer, surtout en touchant le bouton sur la monture. On peut aussi faire appel à l’assistant vocal (« Hey Facebook, take a picture », en anglais seulement pour l’instant), mais il y a alors un petit délai, et on a un peu l’air d’un agrès en public. L’assistant vocal m’a aussi semblé capricieux, du moins avec mon accent français.
Je qualifierais la qualité des photos et des vidéos de satisfaisante. Vous obtiendrez mieux avec votre téléphone, mais elle est assez bonne pour vous donner envie d’en prendre et d’en partager. C’était la barre à atteindre.
Par rapport aux petits haut-parleurs, je suis un peu plus tiraillé. D’un côté, force est de constater que la qualité n’est pas vraiment au rendez-vous. Le son manque de finesse, surtout dans les hautes fréquences. Mais de l’autre, j’adore pouvoir me promener et entendre ma musique tout en ayant les oreilles dégagées (on entend donc bien les bruits qui nous entourent, et c’est plus confortable).
Tel un Corey Hart des temps modernes, je me suis d’ailleurs surpris à porter mes lunettes la nuit cette semaine, pour pouvoir écouter un balado de cette façon.
J’ai aussi apprécié la subtilité de la technologie. À bas volume, personne ne sait que vous écoutez de la musique, à moins de vraiment entrer dans votre bulle personnelle. Quand la musique est plus élevée, les autres entendent un léger bruit de fond, mais c’est tout.
Notons que Facebook n’est pas la première entreprise à intégrer des haut-parleurs à des lunettes, puisque Bose offre aussi depuis quelques années les Bose Frame.
Je n’achèterais pas les Ray-Ban Stories pour leurs haut-parleurs intégrés seulement, mais c’est tout de même un bon ajout, qui augmente l’intérêt de l’appareil. C’est néanmoins l’un des aspects qui mériterait quelques améliorations lors des prochaines générations.
Pour ce qui est de l’autonomie, les Ray-Ban Stories devraient tenir sur une charge pendant environ 6 heures, selon Facebook. Dans mes tests, j’observe toutefois une très grande variation, surtout si vous prenez beaucoup de vidéos. Les lunettes peuvent alors se décharger aussi rapidement qu’en deux heures seulement. Il est ensuite possible de les recharger en les insérant dans leur étui.
Côté design, si vous aimez l’allure des plus grosses lunettes Ray-Ban, vous aimerez les Stories. Les Wayfarer que j’ai essayées sont un peu plus imposantes que les Wayfarer régulières, mais pas trop, et elles sont surtout pratiquement du même poids, à 5g près. Notons que l’appareil existe aussi avec les designs Wayfarer Large, Meteor et Round. On peut les acheter avec les verres de notre choix (progressifs, prescription, Transitions, polarisés, fumés ou transparents).
Elles sont en vente dès aujourd’hui à partir de 369$, soit 169$ de plus les Ray-Ban non-connectées équivalentes, ce qui représente une belle surprise.
La première pièce d’une stratégie à long terme
« Derrière ses pauvres Ray-Ban, j’vois pas ses yeux et ça m’énerve. Si ça s’trouve, y m’regarde », chantait Renaud à une autre époque. S’il avait sorti Marche à l’ombre en 2021 plutôt qu’en 1980, le chanteur français aurait probablement remplacé la dernière partie par « Si ça s’trouve, y m’filme ».
C’est évidemment le plus gros problème avec les caméras intégrées à des lunettes. On a toujours l’impression que l’on peut être photographié d’un instant à l’autre. Il y a bien une ampoule DEL sur les Ray-Ban Stories pour indiquer lorsque la caméra ou l’appareil photo est utilisé, mais il est clair que l’appareil pourra rendre certaines personnes mal à l’aise.
J’ai commencé cette critique en affirmant que les Ray-Ban Stories permettent de voir dans le futur. Ce n’est pas tout à fait exact. J’aurais plutôt dû dire qu’elles tentent d’écrire ce futur.
Même si les Ray-Ban Stories me semblent un bon produit, elles ne feront probablement pas courir les foules, et il s’agira au mieux d’une source de revenus mineure pour une entreprise comme Facebook. Le but du réseau social n’est toutefois pas de vendre le plus de lunettes connectées possible, mais plutôt d’augmenter leur acceptabilité sociale.
D’ailleurs, les Ray-Ban Stories sont probablement l’un des produits de Facebook qui respecte le plus la vie privée (la barre était basse, direz-vous). On nous propose par exemple à l’installation de ne pas permettre que nos enregistrements soient utilisés pour améliorer la reconnaissance vocale du système. Et quand vient le temps de partager une photo ou une vidéo, l’application View ne donne aucun avantage à Facebook ou Instagram. Vous voulez utiliser les lunettes pour n'envoyer vos photos que sur Snapchat? C’est possible.
Les lunettes ne permettent pas non plus de diffuser en direct. Tout doit tout d’abord être importé dans l’application mobile. « Il n’y a aucun partage automatique, et c’est par design », a confirmé Monisha Perkash, directrice de produit au Facebook Reality Labs, lors d’une rencontre virtuelle avant le lancement des lunettes.
Il y aura certainement des gens pour trouver des failles et abuser du système, mais une attention a clairement été apportée pour être sûr que tout le monde apprécierait les lunettes, autant ceux qui les portent que ceux qui se font photographier. Et quelqu’un qui diffuse tout en direct sur son compte Instagram à partir de ses lunettes, ce n’est pas agréable pour les autres.
En se montrant sur son meilleur jour, et en présentant les meilleurs côtés des lunettes connectées, Facebook espère que – contrairement aux Google Glass - ses futures lunettes de réalité augmentée ne seront pas accueillies avec une brique et un fanal.
Les Ray-Ban Stories représentent en quelques sortes la première étape d’une longue opération de séduction pour le réseau social. Une opération de séduction somme toute plutôt réussie jusqu’à présent.