«J’ai décidé du reste de ma vie en cinq minutes», −Danielle Ouimet
Hélène Fleury
En 1969, Denis Héroux déshabillait «la petite Québécoise» pour la première fois avec son film érotique Valérie. Pour souligner le cinquantenaire de cet événement, ARTV et Radio-Canada présentent le documentaire Valérie et moi, pour lequel le neveu de Danielle, Olivier Ouimet, agissait comme photographe de plateau.
À 72 ans, Danielle Ouimet est toujours resplendissante. Le temps a passé, mais les beaux yeux bleus et le sourire chaleureux sont demeurés. En 1969, la jeune Danielle, 21 ans — l’âge de la majorité à cette époque —, apprenait à voler de ses propres ailes. Ayant eu un fils hors mariage à 19 ans, elle a dû le placer en pension. La jeune femme gagnait 60 $ par semaine et la pension coûtait... 60 $ par semaine. Danielle rêvait d’émancipation. Or, quand le scénariste et réalisateur Denis Héroux la voit à la télé, où elle est hôtesse à La Poule aux œufs d’or, il lui demande de passer une audition pour son prochain film: Valérie. Elle gagnera 2500 $ pour un tournage d’un mois et demi. Bingo! Puisqu’elle est choisie, Danielle pourra offrir une belle vie à son fils!
Une grave décision
Elle a lu le scénario, mais seulement les dialogues. Elle ne sait donc pas qu’elle devra être nue à plusieurs reprises. Pour elle, il n’y a qu’une scène où on la verra nue, de dos. Arrive cependant la scène où elle doit se dévêtir de face, dans une cabine d’essayage. Denis Héroux installe un plateau restreint, demandant aux gens de sortir. Danielle hésite. Le réalisateur lui dit gentiment, mais fermement: «Danielle, ça fait une semaine qu’on tourne. Si tu ne veux pas, je vais aller chercher quelqu’un d’autre.» La comédienne raconte: «Je me suis assise sur une caisse de pommes. Je me suis mise à réfléchir, et je me suis dit: “J’ai besoin de cet argent-là, j’ai besoin de ce métier-là. De toute façon, le cinéma québécois, ça n’existe pas. Ça va durer trois semaines, un mois, puis on va passer à autre chose.”» Oh! Que non!
Un an à l’affiche
Le film restera à l’affiche plusieurs mois à Montréal, et même pendant un an à Santiago, au Chili! Il sera distribué dans plus d’une trentaine de pays, se souviennent des gens qui ont travaillé à la production. Pour la Chine, on lui bride les yeux sur l’affiche. Comme Danielle le confie dans le documentaire: «J’ai décidé du reste de ma vie en cinq minutes.» Elle est conspuée par certains, adulée par d’autres. Le père dominicain Marcel-Marie Desmarais va même jusqu’à dire en ondes qu’elle est la fille du diable! À Vancouver, des gens l’attendent à la première avec des pancartes sur lesquelles on peut lire: «Sortez cette fille de la ville!»
Des menaces
Elle sera du défilé de la Saint-Jean-Baptiste le 24 juin 1969. On lui demande de parader dans une voiture décapotable, mais les organisateurs l’appellent: ils ont reçu des menaces à son endroit. Quelqu’un menace de lui lancer du vitriol dans le visage! On lui demande si elle préfère annuler sa présence, ce qu’elle refuse. On dépêche deux polices montées pour accompagner sa voiture, et pour se protéger, Danielle porte des verres fumés, au cas où. À Calgary, étonnamment, on lui remet le White Hat, l’équivalent des clés de la Ville. Pierre Elliott Trudeau l’avait reçu avant elle, le prince Charles le recevra juste après. La folie est pancanadienne! Quant à son père et sa mère, ils ne lui ont jamais parlé de son film. Pas une seule fois.
Mais revenons à Valérie. Danielle doit simuler une relation sexuelle lorsque Valérie décide de devenir une prostituée. Pour que cela soit plus facile, Denis Héroux a l’idée de demander à son amoureux de l’époque, le chanteur français Michel Paje, de lui donner la réplique. Mal lui en prit: le jeune homme, devant repartir pour la France, ne reviendra jamais.
Rétrospectivement, la comédienne confie que si elle avait le corps de ses 21 ans, elle le referait. Denise Bombardier dit que ce film célébrait la beauté du corps de la femme. Danielle Ouimet était, et est toujours, très belle.
- Le documentaire Valérie et moi, suivi du film Valérie, sera diffusé le vendredi 13 décembre à 21 h, à ARTV, et le mardi 17 décembre à 21 h, à Radio-Canada.