«Jordan Harris n’a aucune faiblesse flagrante»
Louis-André Larivière
Dans le nord-est des États-Unis, Jordan Harris est vu comme un modèle par les étudiants-athlètes. Pour vous donner une idée du potentiel de l’espoir des Canadiens de Montréal, plusieurs recruteurs de la région s’en servent comme point de comparaison pour mesurer le progrès de jeunes hockeyeurs.
Timothy Whitehead, celui qui a dirigé le défenseur américain l’année que le CH en a fait la 71e sélection au total au repêchage de 2018, décrit avec émerveillement un joueur solide dont le jeu ne comporte presque aucune faille.
Ci-dessus, voyez les explications de Louis-André Larivière à «JiC».
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«Jordan est un de ces rares jeunes joueurs à démontrer une grande maturité depuis un jeune âge, insiste l’entraîneur de hockey à l’Académie Kimball Union, où Harris a évolué pendant trois saisons.
«Très tôt, il ne faisait aucun doute pour nous qu’il personnifiait un athlète spécial. On le connaissait, puisque son frère Elijah, un gardien, était déjà avec nous. Nous avons repéré son talent dès l’enfance et il a été exceptionnel ici.»
Whitehead demeure à ce jour en contact avec la famille Harris, dont il soulève la gentillesse des parents. Pendant que le talent du défenseur de 21 ans alimente les discussions dans les parages de l’Université Northeastern et ailleurs au Massachusetts, l’instructeur chevronné est au fait que la discussion de l’autre côté de la frontière porte sur le contrat qu’il signera ou non avec le Bleu-blanc-rouge.
«Montréal a assurément un beau projet en Harris, s’est-il maintes fois exprimé avec sincérité. J’ai entièrement confiance qu’il jouera dans la Ligue nationale de hockey bientôt. À savoir dans combien de temps, je ne sais pas.
«C’est à l’organisation d’y voir. Je ne prétends pas connaître la profondeur de sa relève à la position de défense, mais ça ne sera pas long avant qu’il s’y établisse.»
Des liens avec Kent Hughes
Même si tel n’est pas l’objectif de son propos, Whitehead a corroboré ce que le directeur général Kent Hughes a réitéré lundi : le DG du Tricolore connait bien le capitaine des Huskies, ses parents et tous ceux impliqués dans son développement à Northeastern.
«Le père de Jordan, Peter, et Kent ont dirigé ensemble», ajoute Whitehead.
Hughes a lui-même dirigé Harris à quelques occasions chez les moins de 16 ans, puis les moins de 18 ans, derrière le banc des Eagles junior de Boston et des Bruins junior, entre 2016 et 2018.
«Kent est un excellent entraîneur et leader, informe Whitehead, qui a déjà été l’adjoint du DG montréalais. Il a dirigé Jordan à différents moments dans sa jeunesse. Il a été un facteur majeur dans sa courbe d’apprentissage.
«La confiance que Kent témoigne en Jordan n’est pas injustifiée, c’est du vrai. Il l’a vu sur la glace. Il sait que le potentiel de ce "kid" est plutôt élevé.»
Si le lien entre Hughes et Harris semble effectivement soudé, à la lumière de ces explications, le destin de cet intrigant espoir l’amènera-t-il pour autant avec le CH? Son ancien entraîneur-chef n’ose pas se mouiller en ce qui a trait aux intentions du patineur de 5 pieds 11 pouces, mais il se montre certainement optimiste.
«À nouveau, je ne serais pas étonné de le voir dans l’uniforme des Canadiens très bientôt, mais je ne veux pas parler pour les autres.»
Une mobilité hors pair
Lorsque Tim Whitehead décrit Jordan Harris, on croirait entendre le compte rendu d’un éclaireur. L’entraîneur de 61 ans compte plus de 30 années d’expérience sous la cravate. Il en a vu d’autres. Seulement, il en a vu peu comme Harris.
«Il n’a aucune faiblesse flagrante. Son gabarit est peut-être inférieur à la norme dans la LNH, mais il est très courageux et robuste sur le plan physique. Ce qui lui manque en pouces, il le compense par sa mobilité et son flair.
«Il est un joueur extrêmement intelligent et complet. Il aidera les Canadiens offensivement et défensivement aussi. Il a tellement de potentiel. Quand un jeune patine avec autant d’agilité et qu’il fait aussi bien les choses, ce n’est pas par accident si son progrès saute aux yeux.»
Les recruteurs amateurs du Club de hockey Canadien pensent exactement comme Whitehead, selon ses dires.
«Pour ce qui est de son avenir à Montréal, de belles choses se pointent à l’horizon. Pour avoir parlé à des recruteurs de Montréal avant et après son repêchage, ils sont très enthousiastes.»
Sur le plan personnel, Harris marque aussi des points dans l’évaluation qu’on en fait. Le travail des parents y est pour quelque chose : Peter (un ancien gardien repêché par les Islanders de New York en 1986) et Ginny Harris ont fait un travail remarquable à inculquer de belles valeurs à leurs garçons.
«S’il sortait avec votre fille, vous diriez "Comment se fait-il qu’elle ne l’a pas encore épousé?", s’esclaffe Whitehead. C’est un très sympathique jeune homme et ce n’est pas par hasard quand tu as été guidé par des parents de la sorte et un entraîneur comme Kent Hughes.»
Quel rôle chez les professionnels?
Les experts voient en Jordan Harris un défenseur calme, confiant, dont le coffre à outils est bien garni, et qui met ses bottes de travail chaque jour. L’effort et le talent y sont pour beaucoup, mais il est difficile même pour Whitehead de prédire quel rôle exactement l’attend dans l’échiquier d’un club professionnel.
S’il ne faut pas s’attendre à ce qu’il devienne un quart-arrière de l’attaque massive, ou qu’il marque 20 buts, il reste que ses qualités sont fort intéressantes.
«Sa mobilité est au sommet. Quand tu es aussi mobile que lui offensivement et défensivement, avec une bonne accélération, tu peux te lancer aisément en contre-attaque.
«En plus, son endurance est impressionnante. S’il effectue une longue présence sur la glace, l’entraîneur n’a pas à se soucier de lui. Il pourra s’en faire pour les autres joueurs, mais pas pour Jordan!
«Il est fiable en supériorité, en infériorité et son tir est précis. Il possède toutes ces forces. Il rencontrera des défis chez les professionnels, mais il est prêt.»
Une comparaison vient en tête de Whitehead : un ancien espoir de premier tour du CH qui a disputé plus de 1000 matchs dans le circuit Bettman.
«Il a un peu de Ron Hainsey en lui, estime Whitehead, mais Ron est plus grand. Leur mobilité est semblable, les deux peuvent appuyer l’attaque et ils se servent habilement de leur bâton. Ils n’ont pas une grande robustesse, mais leur courage compense.
«À la fin, tu ne peux pas avoir une brigade avec six quarts-arrières sur le jeu de puissance ou six défenseurs à caractère défensif. "Ronnie" a prouvé qu’il était complet en ce sens et je suis sûr que Jordan en fera autant.
«Je crois que la comparaison est juste et vous avez vu la (longue) carrière que Ron a connue. Une des raisons pour lesquelles il a joué si longtemps, c’est qu’il était un très bon athlète et que sa mobilité l’a bien servi à la fin.»
Pour illustrer le talent d’athlète naturel que possède Harris, Whitehead raconte une anecdote qu’il n’est pas près d’oublier.
«Une année, il a joué à la crosse. Il a pris son bâton le 1er avril et l’a déposé deux mois plus tard. Selon l’entraîneur, et je l’ai vu aussi, il était le meilleur joueur de l’équipe pendant ces quelques semaines. Il aurait pu jouer en division I!»
Bientôt la fin à Northeastern
Avant de penser à faire le grand saut, Harris disputera dès vendredi le championnat régional de hockey masculin de la NCAA, au Massachusetts, face aux Broncos de l’Université Western Michigan, les favoris du tournoi.
À Worcester, ce sera le tout pour le tout pour les Huskies. Le décompte final sera amorcé le temps de ce match d’élimination. L’avenir de Harris avec les Canadiens pourrait devenir plus clair si Northeastern plie l’échine.
D’une façon ou d’une autre, l’année 2022 est faste pour le jeune défenseur. Tout comme le DG qui garde espoir de s’entendre avec lui dans le cadre d’une reconstruction qui s’annonce expéditive.
«Je ne peux même pas imaginer tout ce que Kent a dans son assiette présentement. Je voudrais lui souhaiter bonne chance, mais je ne veux pas le déranger avec tout ce qu’il a devant lui, avoue Whitehead, qui a été déjà été son adjoint.
«Je lui témoigne un énorme respect. Quand j’ai eu vent de sa nomination, je n’étais pas surpris. Il l’a mérité d’un bout à l’autre. Il connait le hockey du point de vue d’un entraîneur et d’un gestionnaire de personnes.
«Son intelligence s’étire dans tous les aspects du jeu. C’est une étoile montante.»