Invitées dans la délégation canadienne: que font les pétrolières à la COP27?
Andrea Lubeck
Des représentants de l’industrie des sables bitumineux ont été invités par le Canada à assister et à participer à la Conférence des Nations unies sur le climat (COP27). Sachant que cette industrie est l’une des plus polluantes au monde, que font-ils au Sommet sur les changements climatiques, au juste? On fait le point.
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Plusieurs militants et groupes environnementaux ont qualifié de «gênante» la présence, au pavillon du Canada, de l’Alliance Nouvelles voies, qui représente 95% de l’industrie pétrolière canadienne.
Face aux critiques des militants, le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a répondu qu’il ne peut pas «censurer» l’industrie pétrolière dans les discussions sur la transition climatique.
«Sans la pleine participation de toutes les industries, nous n’y arriverons pas. Nous devons tous faire notre part», a répondu son cabinet au quotidien Le Devoir, qui a d’abord rapporté l’information mercredi.
Un message contradictoire
Mais pour les militants, la présence des pétrolières va carrément à l’encontre de la raison d’être de la COP, qui vise à trouver des solutions collectives pour lutter contre la crise climatique.
«Ça envoie le message que le Canada est une économie pétrolière et qu’il n’est peut-être pas prêt à faire un pas vers cette transition rapide éloignée de l’énergie pétrolière», croit Eddy Pérez, du Réseau action climat Canada, en entrevue avec le 24 heures.
«On ne peut pas inviter les pyromanes à souper quand la maison est en feu», résume pour sa part Émile Boisseau-Bouvier.
Catherine Potvin, biologiste et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’atténuation des changements climatiques et la forêt tropicale, à l’Université McGill, abonde dans le même sens.
«Ça nous donne, comme citoyen, une impression de statu quo. Qu’on ne veut pas trop brasser la cage [à l’industrie pétrolière]. C’est très démoralisant», dit-elle en entrevue avec le 24 heures.
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Arrêter d’utiliser du pétrole
L’industrie a notamment participé vendredi à un événement intitulé «Collaborer afin de trouver des solutions pour les sables bitumineux», au cours duquel des représentants du secteur pétrolier ont présenté la technologie de captation de carbone comme étant la solution pour diminuer les gaz à effet de serre (GES) des sables bitumineux.
Pour Catherine Potvin, «c’est une solution adéquate pour produire du pétrole moins salement».
Or, les émissions de GES de la production du pétrole ne comptent que pour 20% des émissions totales associées au cycle de vie des sables bitumineux. C’est lorsqu’on brûle le pétrole que le gros des GES (80%) est émis.
«Ça ne change rien à l’utilisation du pétrole et aux émissions de GES du secteur du transport. C’est correct pour l’industrie, mais ce n’est pas une solution adéquate pour le climat. Ce qu’il faut, c’est d’arrêter d’utiliser du pétrole», insiste Catherine Potvin.
Des membres de la société civile présents à Charm el-Cheikh, en Égypte, où se tient la COP27, ont mené un coup d’éclat lors de l’événement organisé par les pétrolières canadiennes afin de dénoncer la présence de cette industrie à la COP.
Ce matin nous sommes sortis du panel de l'@AllianceNetZero pour dénoncer la place accordée aux fausses solutions comme le #CCUS
— Émile Boisseau-Bouvier (@EmileBoisseau) November 11, 2022
La vitrine accordée par le @Pavillon_Canada est honteuse.
La #COP27 et le Canada doivent miser sur les vraies solutions. #KickBigPollutersOut https://t.co/OrcZIDfmng
Une importante délégation
En tout, il y aurait 636 représentants de l’industrie pétrolière à la COP27, rapporte l’AFP. C’est 25% de plus qu’à la COP26 de Glasgow, au Royaume-Uni, l’an dernier.
Si tous les représentants de l’industrie des sables bitumineux présents à Glasgow représentaient le même pays, ils auraient d'ailleurs été la plus grande délégation, fait remarquer Émile Boisseau-Bouvier.
Leur présence fait sourciller d’autant plus que certains pays africains, qui font partie des États les moins responsables des changements climatiques, mais qui comptent parmi les plus touchés par leurs conséquences, n’ont pu envoyer que quelques représentants chacun, a souligné Thuli Makama de l’ONG Oil Change International, en entrevue à l’AFP.
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«Cela fait déjà pencher la balance en défaveur de l’Afrique dans la conversation», a-t-elle déploré.
Fait à noter, l’Accord de Paris, qui fixe l’ambitieux objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, ne contient pas les mots «charbon», «pétrole», «gaz», ni «énergies fossiles» dans son texte.
On a seulement trouvé la première mention de ces énergies polluantes dans une décision signée par les 200 pays signataires à la COP26, qui avait été saluée comme «historique». Le texte final a cependant été édulcoré sous la pression de l’Inde, de la Chine et de l’Arabie saoudite.
– Avec l’AFP