Invasion de Gaza: on vous explique pourquoi Israël pourrait avoir du mal à éliminer le Hamas
![Photo portrait de Gabriel Ouimet](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2FGabriel_Ouimet9e4e3cfd-ef86-44f3-92f3-d25f3a4e5c26_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Gabriel Ouimet
Les autorités israéliennes promettent que l’invasion de la bande de Gaza par leurs troupes armées se soldera par l’extermination définitive du Hamas. L’hostilité du terrain et la coriacité de l’ennemi risquent toutefois de rendre la vie dure aux soldats de l’État hébreu, nous explique un expert.
Depuis que le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007, il y a 16 ans, Israël a mené diverses offensives terrestres contre le groupe palestinien. Mais l’objectif de l’opération terrestre que mène Israël depuis le 28 octobre est bien différent, souligne le professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes, Éric Ouellet.
«Avant, les soldats pénétraient à Gaza pour réduire les capacités du Hamas et le maintenir sous contrôle. Il y en a qui utilisaient l’expression ‘’aller couper le gazon’’. Aujourd’hui, ils veulent vraiment définitivement rayer le Hamas de la carte», précise-t-il.
Plus de 360 000 réservistes israéliens ont été mobilisés depuis que les combattants du Hamas ont tué 1400 personnes le 7 octobre dernier. Ces réservistes s'ajoutent aux quelque 169 000 soldats actifs de l’armée israélienne. On se sait pas combien de ces soldats sont impliqués dans les assauts en cours à Gaza.
![AFP](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2Fed2c61b0-6e4d-11ee-a5bd-d7144924a0bf_ORIGINAL.jpg%3Fh%3D800%26impolicy%3Dcrop-resize%26w%3D1200%26width%3D1600%26x%3D0%26y%3D0&w=3840&q=75)
La branche armée du Hamas, les Brigades Izz al-Din al-Qassam, compterait quant à elle entre 15 000 et 20 000 combattants à Gaza.
Malgré des avantages notables en matière d’effectifs et d’armement, l'opération militaire israélienne est à la merci de plusieurs facteurs qui pourraient la faire dérailler.
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Le territoire urbain
Israël a lancé son offensive dans la moitié nord de Gaza, en zone urbaine. Or, «dans tous les conflits, la prise d’une ville est une opération militaire très complexe, notamment en raison de la géographie urbaine», indique Éric Ouellet.
![Un char israélien près de la frontière avec le Liban.](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F7ca530f0-6805-11ee-8118-d769fec3872f_ORIGINAL.jpg%3Fh%3D800%26impolicy%3Dcrop-resize%26w%3D1200%26width%3D1600%26x%3D0%26y%3D0&w=3840&q=75)
On n'a qu'à penser aux déplacements. Dans les villes, il est difficile de faire circuler les chars d’assaut, qui doivent être soutenus en tout temps par des soldats à pied.
«Ce que les gens ne savent pas, c’est que lorsque vous êtes dans un char d’assaut, vous êtes complètement aveugle. Vous réagissez donc moins vite. En plus, en ville, on n’a pas d’autre choix que d’emprunter les rues pour se déplacer, donc vous devenez plus facilement la cible d’embuscades avec des roquettes antichars, des mines, etc. Ça devient vite très dangereux», explique-t-il.
Ce n’est pas tout. Les combattants du Hamas connaissent mieux Gaza que leurs opposants. Entourés de bâtiments dans lesquels l’ennemi peut se cacher, les Israéliens devront avancer lentement et prudemment, insiste Éric Ouellet.
«Il y a un risque très élevé d’être attaqué par des tireurs d’élite, des snipers. Si vous êtes avec un peloton de soldats, vous êtes trop visible pour rester à découvert. Vous devez donc vous cacher pour essayer de trouver d’où proviennent les tirs. Ça peut prendre des heures.»
Mardi, les combattants du Hamas disent avoir attaqué des troupes israéliennes et deux véhicules avec des obus de mortier, près d'Erez et d'Al-Atatra, selon la BBC.
Sur Telegram, le Hamas et le Djihad islamique affirment avoir tué un soldat israélien et détruit deux véhicules qui tentaient de progresser dans le nord-ouest de l'enclave, rapporte le média britannique.
![Des soldats israéliens près de Gaza.](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F246a62d0-675f-11ee-8118-d769fec3872f_ORIGINAL.jpg%3Fh%3D800%26impolicy%3Dcrop-resize%26w%3D1200%26width%3D1600%26x%3D0%26y%3D0&w=3840&q=75)
En 2014, des bataillons d'infanterie israéliens ont subi de lourdes pertes à cause de mines antichars, de tireurs embusqués et d'embuscades dans des combats au nord de la ville de Gaza.
Un réseau de plus de 500 tunnels
Le Hamas a construit un réseau souterrain complexe qui atteint 25 mètres de profondeur sous la bande de Gaza. Ses combattants auraient ainsi plus de 500 tunnels dans lesquels disparaître. C’est dans ces passages que seraient dispersés les otages israéliens capturés le 7 octobre dernier, estiment de nombreux analystes.
Ce réseau pourrait poser problème à l’armée israélienne, même si elle possède de l’armement lui permettant de s’y attaquer, affirme Éric Ouellet. Israël avait d’ailleurs tenté de détruire les tunnels palestiniens en 2014, ne parvenant pas à en détruire plus de 32.
Le contexte actuel est différent, rappelle toutefois Éric Ouellet. Lors de ses opérations passées, Israël devait faire preuve de retenue, en raison des pressions exercées par la communauté internationale.
«Cette fois-ci, ils ont plus de soutien, notamment du côté des Américains. Ils vont probablement être capables d’aller plus loin, pendant plus longtemps», soutient-il.
La destruction de ces tunnels est donc encore une fois un objectif important pour Israël. Mardi, les troupes de l'État hébreu indiquent avoir frappé environ 300 cibles, y compris des complexes militaires situés dans des tunnels souterrains.
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Un ennemi bien préparé
Lors de l'attaque du 7 octobre, la pire menée contre Israël en 50 ans, le Hamas a tiré plus de 2500 roquettes. Des combattants utilisant des parapentes, des motos et des quatre-roues ont aussi débordé les défenses israéliennes, tuant 1300 personnes et en prenant environ 200 autres en otage.
Cette attaque illustre l’évolution des capacités militaires du Hamas depuis sa prise du pouvoir, selon des entrevues menées par Reuters auprès de personnalités de l’organisation terroriste, de responsables de la sécurité régionale et d’experts militaires.
Par exemple, lors de la guerre de Gaza de 2008, les roquettes du Hamas avaient une portée maximale de 40 km. Depuis 2021, les roquettes palestiniennes peuvent parcourir 230 km.
Le Hamas disposerait également d'une académie militaire capable de former des membres dans de nombreuses spécialisations, dont la cybersécurité, a déclaré à Reuters une autre source proche du groupe palestinien.
Cette même source a finalement indiqué que les défenseurs de Gaza disposeraient de plus de 40 000 hommes, ce qui est deux fois plus que les chiffres avancés par les experts occidentaux.
Des attaques suicides et des stratégies de terreur
Si Israël devait tenter de s’emparer du territoire palestinien pour de bon, la guerre pourrait s’enliser davantage, craint Éric Ouellet.
«On risque de voir le Hamas se camoufler dans la population palestinienne pour mener des attaques suicides. Ils pourraient aussi orchestrer des attaques contre leur propre peuple afin de faire porter la faute aux Israéliens», croit-il.
Le Hamas pourrait d’ailleurs n’avoir d’autres choix que de mener une guerre d’image contre Israël, qui dispose de moyens militaires et financiers bien plus importants que les siens, mentionne Éric Ouellet. Israël, pour sa part, aura besoin de garder ses appuis dans le reste du monde.
«Si Israël pouvait se permettre d’ignorer la communauté internationale, la bande de Gaza pourrait être réduite en poussière très facilement. Mais cette facette politique pèse lourd dans la balance», conclut-il.