Inonder les tunnels de Gaza? Un pari risqué
![](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F70812_03771128ed7f53-54d3-4461-acc6-539aab7623d7_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Agence France Presse
Inonder les tunnels souterrains de Gaza pour régler définitivement le sort du Hamas qui s'y cache est «une bonne idée», pour le chef de l'armée israélienne. Mais pas forcément facile à mettre en oeuvre et surtout hasardeuse au plan écologique, objectent des experts.
• À lire aussi: Trois otages israéliens tués «par erreur» par des soldats de l'armée israélienne à Gaza
• À lire aussi: Gaza: Israël autorise l'entrée «temporaire» d'aide par un de ses points de passage
• À lire aussi: Israël multiplie les frappes sur Gaza malgré les pressions américaines
L'armée israélienne aurait, d'après des médias israéliens, commencé à tester l'injection d'eau de mer dans le tentaculaire réseau de galeries creusé par le mouvement islamiste palestinien dans la bande de Gaza.
Ce dernier y attaque les militaires israéliens et y séquestre des otages enlevés lors de son attaque sanglante sur le sol israélien le 7 octobre. Ces massacres ont fait 1 200 morts, selon Israël qui s'est aussitôt juré d'«anéantir» le groupe armé et a lancé une offensive dans le territoire palestinien ayant fait plus de 18 780 morts, d'après le dernier bilan du gouvernement du Hamas.
Le «métro de Gaza»
Surnommé «le métro de Gaza» par les militaires israéliens, le dédale de galeries a d'abord servi à contourner le blocus imposé par Israël après la prise de pouvoir du Hamas dans ce territoire en 2007.
Des centaines de galeries ont été creusées sous la frontière avec le Sinaï égyptien pour faire circuler personnes, marchandises, armes et munitions entre Gaza et le monde extérieur.
Après la guerre entre Israël et le Hamas en 2014, le Hamas a étendu le réseau, d'où surgissent ses combattants pour tirer leurs roquettes vers le sol israélien, à travers tout le territoire gazaoui.
Dans une étude publiée le 17 octobre, l'Institut de la guerre moderne de l'académie militaire américaine West Point évoque 1 300 galeries sur 500 kilomètres.
Dans quel état est-il depuis le 7 octobre?
Depuis qu'ils sont entrés dans la bande de Gaza le 27 octobre, les militaires israéliens réalisent que «le réseau de tunnels est encore plus étendu et profond que ce qu'ils pensaient», analyse pour l'AFP Raphael Cohen, expert militaire pour le centre américain de recherche, Rand Corporation.
L'armée israélienne a indiqué début décembre avoir découvert plus de 800 descentes de tunnels, dont 500 ont été détruites.
«Les puits étaient situés dans des zones civiles et un grand nombre se trouvaient à proximité ou à l'intérieur d'établissements scolaires, de crèches, de mosquées et d'aires de jeux», a-t-elle détaillé, ajoutant que des explosifs avaient été placés à l'entrée de certains tunnels.
Otages
Outre le piège mortel que constituent les tunnels pour les soldats israéliens, plusieurs des 105 otages libérés (sur quelque 250 enlevés le 7 octobre) lors de la trêve d'une semaine achevée le 1er décembre ont raconté y avoir été séquestrés, déplacés au gré des frappes et des combats au sol.
Fin novembre, l'armée israélienne a pris d'assaut l'hôpital al-Chifa, affirmant avoir trouvé dans ses sous-sols un tunnel «utilisé pour du terrorisme» et diffusé des vidéos de télésurveillance prouvant, selon elle, que des otages y avaient été détenus.
Le porte-parole de l'armée Daniel Hagari a expliqué mardi que les corps de deux otages avaient été retrouvés «dans une infrastructure souterraine» à Gaza.
Détruire les tunnels
L'armée israélienne reste discrète sur la façon dont elle entend condamner les tunnels après la guerre et lorsque les 132 otages restants -dont 19 corps - auront été ramenés.
Selon des sources israéliennes dans la presse, elle pencherait pour inonder les galeries avec de l'eau de mer pompée dans la Méditerranée, qui borde le petit territoire côtier. Des tests ont même commencé, qui se sont révélés probants, a affirmé jeudi la chaîne de TV publique Kan 11.
Le chef de l'armée, Herzi Halevi, s'est contenté de dire que c'était «une bonne idée».
Le problème, met en garde Raphael Cohen, c'est qu'«il n'y a pas de bonne façon de détruire un tunnel sans affecter les infrastructures en surface».
De son côté le Hamas dit douter de la capacité d'Israël à parvenir à ses fins.
«Ces tunnels ont été construits par des ingénieurs bien formés et qualifiés, et ils ont pris en compte toute sorte d'attaques potentielles, y compris les bombardements et l'eau», a déclaré jeudi Oussama Hamdane, un des responsables du mouvement islamiste palestinien au Liban.
Un risque écologique
Certains scientifiques et responsables humanitaires disent craindre une contamination des nappes phréatiques par l'eau salée, aux conséquences catastrophiques pour l'accès déjà précaire des Gazaouis à l'eau potable.
La bande de Gaza fait entre six et 12 kilomètres de large, et la salinisation des nappes phréatiques y est déjà un fléau, aggravé par la montée du niveau des océans.
Ce à quoi il faut ajouter un réseau d'évacuation des eaux usées chroniquement défaillant et une «utilisation incontrôlée des pesticides et herbicides dans les zones d'agriculture intensive» de Gaza, s'alarme le professeur Eilon Adar de l'Institut Zuckenberg pour la recherche sur l'eau à l'université Ben-Gourion du Néguev.
Ces trois facteurs «ont des conséquences très lourdes sur la qualité de l'eau à Gaza».
Au point de «pouvoir affecter des générations à venir», a lancé jeudi la coordinatrice humanitaire de l'ONU pour les Territoires palestiniens, Lynn Hastings.