La loi 101 au cégep est cruciale pour un marché du travail en français

Georges-Rémy Fortin, Professeur de philosophie, Collège de Bois-de-Boulogne
Benoît Dubreuil, le commissaire à la langue française, confirme scientifiquement ce qu’on observe quotidiennement: le français décline sur plusieurs plans en même temps.
De 2001 à 2021, la part de la population consommant surtout de la culture en français a diminué de 8%. La proportion de la population qui travaille exclusivement ou en général en français a diminué, elle, de 11% depuis 1997.
Le déclin du français est général, mais le progrès de l’anglais dans le domaine du travail est particulièrement préoccupant. Compte tenu de l’importance de l’économie, une baisse du français dans ce secteur met en danger son statut de langue commune de la société québécoise.
L’heure est grave, mais il y a de l’espoir.
Carrière en français
Les analyses du commissaire montrent que le cégep joue un rôle crucial pour le futur professionnel des étudiants.
Un jeune qui a fait toute sa scolarité en français, soit ses études au secondaire, au collégial et à l’université, a 88% de probabilité de travailler en français. S’il a fait son secondaire et son université en français, mais son collégial en anglais, la probabilité qu’il travaille en français est de 70%. Une différence de 18%. C’est énorme.
Oui, deux ou trois ans de cégeps, cela fait une différence!
La CAQ claironne que la loi 96 a réglé le problème une fois pour toutes. Dangereuse illusion! Pendant que la proportion de francophones dans les cégeps anglais diminue très lentement, l’anglicisation, elle, progresse rapidement.
Les professeurs de cégep sont bien placés pour voir que, pendant leurs études au collégial, les étudiants préparent leur future carrière.
Pendant qu’ils étudient au cégep, les jeunes discutent de leur carrière entre eux et avec leurs professeurs. Ils font des expériences de travail et souvent même un stage dans le domaine où ils désirent travailler plus tard. Cela est vrai aussi bien pour les étudiants des techniques que pour ceux du préuniversitaire.
Freiner l’anglicisation des marchés
Étendre la loi 101 au cégep garantirait que les étudiants poursuivent leurs rêves professionnels en français.
La loi 101 au cégep n’est pas la seule mesure qui est nécessaire pour renverser le déclin du français, mais c’est la plus rapide à réaliser et celle qui aurait le plus d’impact sur le marché du travail en permettant aux jeunes de bâtir leur plan de carrière en français.
C’est pourquoi le Regroupement pour le cégep français réclame depuis des années l’extension de la Charte de la langue française au collégial. C’est aussi pourquoi 41 syndicats locaux de professeurs de cégep ont pris position en ce sens, suivis par la FNEEQ-CSN, la FEC-CSQ et l’AQPF (Association québécoise des professeurs de français).
La loi 96 ne va pas assez loin pour freiner l’anglicisation du marché du travail. Qu’attend le premier ministre du Québec pour protéger efficacement le français comme langue du travail?

Georges-Rémy Fortin
Professeur de philosophie
Collège de Bois-de-Boulogne