Immigration et minorités: la CAQ devant un casse-tête pour réparer les pots cassés
Anne-Lovely Etienne
BILLET - Lundi, après sa victoire, François Legault a dit être «le premier ministre de tous les Québécois», après une campagne pourtant marquée par des déclarations choquantes sur l’immigration. Ma première réaction : «difficile à croire!»
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Durant les dernières semaines, le PM a commis de graves erreurs en matière d’immigration. Récapitulatif: le discours qui amalgamait violence et immigration, les mensonges proférés par son ancien ministre de l’Immigration Jean Boulet, laissant croire que les immigrants ne participaient pas à la société québécoise, et finalement la cerise sur le sundae – le qualificatif «suicidaire» pour parler du projet d’accueillir plus de 50 000 immigrants par année. Ouch...
Comment-va-t-il réussir à calmer le jeu?
Pour répondre à mes questions, je me suis entretenue avec Catherine Xhardez, professeure adjointe au département de sciences politiques à l’Université de Montréal, elle-même issue de l’immigration.
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Après de nombreuses gaffes en matière d’immigration durant la campagne électorale, François Legault et son gouvernement ont-ils avantage à regagner la confiance des immigrants?
«En campagne électorale, on cherche à attirer l’attention ou à éveiller des passions.»
«Mais lorsqu’on gouverne, c’est un discours différent : on doit être rassembleur. Il faut quitter cette posture plus électoraliste et provocatrice pour passer à l’action et rassembler autour des projets.»
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Est-ce que M. Legault aurait avantage à mettre de l’avant les élus de la CAQ issus de la diversité pour faire taire ceux qui dépeignent le parti comme hostile à celle-ci?
«Ces élus sont les forces vives d’un parti politique. Les gens ont voté pour eux, donc oui, ces élus vont compter. On ne connaît pas la place qu’ils prendront, mais ça peut définitivement changer le visage d’un parti politique.»
La députée Shirley Dorismond, qui a semé la polémique au sein de la communauté noire pour avoir changé son fusil d’épaule sur la question du racisme systémique en se présentant pour la CAQ, a été réélue. Si elle était nommée ministre responsable de la Lutte contre le racisme, est-ce que ça passerait bien? Mieux que la nomination d’un homme blanc (Benoit Charrette) la dernière fois?
«C’est certain, lorsqu’on vient d’un milieu communautaire et qu’on rejoint l’establishment, on est obligé d’avoir un discours différent. Il faut rappeler qu’on rejoint un parti ou un groupe. On ne peut plus dire ce qu’on veut comme on veut.»
«Pour revenir à la question, est-ce que Mme Dorismond devrait prendre la place de Monsieur Charrette... deux choses. Il y a ce qu’on appelle le role model : nommer une femme de couleur projette une valeur symbolique très importante et il y a des effets positifs sur des gens qui se reconnaissent en elle. En même temps, il ne faut pas la limiter ou la réduire à cause de sa couleur de peau. Si elle est compétente, pourquoi ne pas lui donner un ministère autre pour normaliser les femmes de couleur à la tête de toutes sortes de postes?»
Et pour Kateri Champagne Jourdain? Elle marque tout de même l’histoire de la politique québécoise en devenant la première femme autochtone à l’Assemblée nationale. Est-ce que M. Legault a intérêt à la nommer ministre responsable des Affaires autochtones?
Je garde le même argument. C’est important d’avoir des role models, de voir une femme ministre issue de la communauté autochtone occuper ce rôle est noble et symbolique. Mais est-ce son unique cheval de bataille? A-t-elle un attachement à ce dossier? Tout dépend de l’agenda et du programme politique de l’élu.
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À la suite de ses propos controversés (et faux) sur les immigrants, Jean Boulet a tout de même été réélu. Pensez-vous qu’il siégera quand même au conseil des ministres?
«C’est sûr qu’il ne sera pas ministre de l’Immigration! La politique est une bête curieuse, car la polémique d’hier n’est pas celle d’aujourd’hui! L’histoire nous l’a souvent prouvé. Je n’ai pas de boule de cristal. Tout ce que je peux dire c’est que Monsieur Boulet est l’objet d’attention médiatique négative. Il n’est pas dans une aura positive. Il est un point d’attaque facile pour les gens qui veulent s’opposer...»
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Je remarque que de plus en plus de femmes issues de toutes les communautés font partie de la sphère politique québécoise, est-ce que vous croyez que la Chambre de l’Assemblée nationale est représentative du Québec d’aujourd’hui?
«Il y a une belle évolution. C’est remarquable comparativement à d’autres gouvernements du monde. Des tendances de la société se reflètent de plus en plus à l’Assemblée. Toutefois, les électeurs n’ont pas tant changé. C’est comme les femmes qui ont toujours existé; on leur a juste donné du pouvoir. Alors, aujourd’hui le changement c’est qu’il y a des personnes issues de ces communautés qui se sont engagées et qui sont désormais supportées par leurs partis politiques.»
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