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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Ils refusent de se faire «planter des éoliennes dans la gorge» par le géant Boralex

Des citoyens d’un petit village de 400 âmes partent en guerre contre des éoliennes mal placées

Pascal Aguettaz, un ancien vice-président des approvisionnements d’énergie de Cascades à la retraite, Jean Morin, de la Fromagerie du Presbytère, Valérie Dumas, une productrice, et Rémi Barmettler, un producteur, ne veulent pas de ce projet d’éoliennes.
Pascal Aguettaz, un ancien vice-président des approvisionnements d’énergie de Cascades à la retraite, Jean Morin, de la Fromagerie du Presbytère, Valérie Dumas, une productrice, et Rémi Barmettler, un producteur, ne veulent pas de ce projet d’éoliennes. Photo Francis Halin
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Photo portrait de Francis Halin

Francis Halin

2023-05-09T04:00:00Z
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Chicanes, drames, pression... des agriculteurs du Centre-du-Québec à bout de nerfs en raison d'un projet éolien de Boralex lancent un message au gouvernement Legault: pas question de venir «planter des éoliennes dans la gorge» des Québécois.

«J’ai une grande admiration pour les frères Lemaire et Cascades, mais leur bébé Boralex, aujourd’hui, j’en ai honte. J’ai honte de ce qu’ils font avec nos terres», lâche Jean Morin, de la Fromagerie du Presbytère, à Sainte-Élizabeth-de-Warwick.

Jean Morin, de la Fromagerie du Presbytère, à Sainte-Élizabeth-de-Warwick.
Jean Morin, de la Fromagerie du Presbytère, à Sainte-Élizabeth-de-Warwick. Photo Francis Halin

Ces derniers jours, Le Journal a rencontré des citoyens de la ville de 400 âmes en furie contre le géant québécois Boralex, valorisé à quatre milliards de dollars en bourse, et qui a parmi ses actionnaires la Caisse de dépôt et placement (515 millions de dollars).

«On n’en veut pas à nos voisins qui veulent des éoliennes. On a quelque chose à dire à la politique, à ceux qui sont venus nous planter des éoliennes dans la gorge», dit Jean Morin, connu pour son célèbre fromage Louis d’Or.

  • Écoutez l'entrevue avec Jean Morin, propriétaire de la Fromagerie du Presbytère à Sainte-Élizabeth-de-Warwick sur QUB radio :

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Pression sur les agriculteurs

D’après lui, l’appétit du ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui veut multiplier par quatre le nombre de mégawatts installés en éolien d’ici 2040, crée la panique. 

Planter des éoliennes au beau milieu de terres agricoles entre aussi en contradiction avec l’autonomie alimentaire du ministre de l’Agriculture André Lamontagne, soupire le fromager Jean Morin.

«On nous fait peur en disant qu’il va manquer d’électricité au Québec», s’exaspère Valérie Dumas, une productrice laitière du coin qui possède 200 animaux.

Valérie Dumas, une productrice laitière qui possède près de 200 animaux.
Valérie Dumas, une productrice laitière qui possède près de 200 animaux. Photo Francis Halin

«On met beaucoup de pression sur nous pour l’électricité. Moi, je veux vivre de l’agriculture, pas d’autre chose», laisse tomber avec émotion celle qui craint les nuisances pour ses bêtes.

«La seule approche est monétaire. On n’a jamais parlé des effets sur la santé. C’est impensable», s’insurge à son tour Rémi Barmettler, un producteur laitier ayant 200 hectares de terrain.

Rémi Barmettler, un producteur laitier ayant 200 hectares de terrain.
Rémi Barmettler, un producteur laitier ayant 200 hectares de terrain. Photo Francis Halin

Pour Pascal Aguettaz, un ancien vice-président des approvisionnements d’énergie de l’Amérique du Nord pour Cascades à la retraite, Boralex doit refaire ses devoirs.

«Ce n’est pas avec 400 mégawatts mal placés que l’on va régler le problème. Ce n’est pas normal que ce soit les cultivateurs qui reçoivent cette pression-là. On leur dit: “Si on manque de courant, ça sera votre faute”», peste-t-il.

Pascal Aguettaz, un ancien vice-président des approvisionnements d’énergie de l’Amérique du Nord pour Cascades à la retraite.
Pascal Aguettaz, un ancien vice-président des approvisionnements d’énergie de l’Amérique du Nord pour Cascades à la retraite. Photo Francis Halin

Au Journal, Pascal Aguettaz insiste: son groupe est pour les éoliennes, mais contre ce projet mal fignolé dans sa région.

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«On a besoin d’électricité»

À deux coins de rue, la mairesse de Sainte-Élizabeth-de-Warwick, Claire Rioux, se dit pour le projet qui aidera les agriculteurs serrés plus financièrement à aller chercher un revenu supplémentaire en ces temps plus difficiles.

Celle qui a rencontré Boralex à quelques reprises est claire: il faut de l’argent pour le transport en commun, l’asphaltage et la garderie.

Claire Rioux, mairesse de Sainte-Élizabeth-de-Warwick.
Claire Rioux, mairesse de Sainte-Élizabeth-de-Warwick. Photo Francis Halin

«Si on a le maximum de 22 éoliennes sur le projet de 67 de la région, ça doublerait les revenus de la Ville de 600 000$ à 1,2 million de dollars», souffle-t-elle.

À la MRC d’Arthabaska, son préfet Christian Côté, qui prévoit allonger 12% du coût total de 1,2 milliard de dollars, soit 114 millions de dollars, se veut rassurant.

«Personne ne va se faire imposer une éolienne sur son terrain», assure celui qui porte aussi le chapeau de maire de Kingsey Falls. Il affirme au contraire que le projet pourrait même permettre d'agrandir le territoire agricole avec de nouvelles parcelles dans les environs.

  •  Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Martin Caron, président général de l’Union des producteurs agricoles via QUB radio : 

Boralex se défend

Chez Boralex, on souligne avoir organisé de nombreuses séances d’information depuis juin dernier.

«Chaque agriculteur est libre de prendre sa propre décision, à savoir s’il souhaite participer au projet», rappelle son porte-parole Jordan Longchamps.

Boralex rappelle que le projet doit être retenu par Hydro-Québec, puis obtenir l’approbation du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et de la Commission de protection du territoire agricole du Québec.

«Le projet représente des retombées économiques significatives et pérennes, non seulement pour les agriculteurs, mais pour l’ensemble de la communauté», conclut-il.


Faits saillants

Des opposants aux éoliennes regrettent qu’elles puissent être installées à 700 m d’une maison, à 300 m d’un bâtiment d’élevage et à 30 m d’un puits.

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