Incursion dans le métier de jeunes pêcheurs de homards aux îles de la Madeleine
Jean Balthazard
Un photographe professionnel, une pilote d’avion colombienne et un serveur montréalais: l’image que vous vous faites des pêcheurs de homards des îles de la Madeleine est en train de se modifier, alors que des jeunes au parcours unique sont en train de changer le visage de la profession. Le 24 heures en a rencontré trois.
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Isaac LeBlanc
Aide-pêcheur et photographe professionnel
Depuis maintenant neuf ans, Isaac partage sa vie entre ses deux passions: la photographie professionnelle et la pêche aux homards.
À 18 ans, après s’être exilé à Québec pendant deux ans pour réaliser ses études, l’appel des îles se faisait de plus en plus ressentir. Il devait retourner chez lui. C’est à ce moment qu’il a eu envie de tenter l’expérience de la pêche aux homards avec son oncle Denis Cormier, qui est capitaine. Il a tout de suite eu la piqûre et, depuis, il n’a pas manqué une seule saison.
«La pêche, ça fait partie de moi, ça fait partie de mon identité», insiste Isaac, qui est loin d’être le seul dans sa «gang d’amis pêcheurs» à avoir un profil particulier.
«Il y a des étudiants à l’université, des gens qui travaillent dans des bars, des kitesurfeurs qui viennent parce qu’ils ont pogné la piqûre. Il y en a de tous les genres maintenant qui font la pêche, et c’est ça qui est beau.»
Maria Giraldo Torres
Aide-pêcheuse et pilote d’avion
Née en Colombie, Maria détonne dans le monde plutôt masculin et blanc de la pêche aux homards. La jeune femme sent toutefois qu’elle a sa place dans cet univers qu'elle adore.
C’est en 2019 qu’elle a goûté à la pêche aux homards pour la première fois, après avoir rencontré le capitaine du Galet Rouge, Martin Nadeau, dans une microbrasserie des Îles. Ce dernier l’a invitée à venir passer une journée sur son bateau avec son équipage.
Maria, qui est passionnée de pêche depuis qu’elle a 7 ans, a tellement aimé son expérience qu’elle a pris une semaine de congé pour donner un coup de main à Martin cette année.
«La pêche aux homards, c’est un métier traditionnel souvent fait par des hommes, souligne celle qui a partagé son enfance entre les États-Unis et Montréal. Je trouve que Martin m’a laissé la chance de casser cette tradition-là. Je trouve ça vraiment cool parce que je me sens comme si j’ai ma place ici.»
Raphaël Poirier
Aide-pêcheur et serveur
Comme pour bien des gens, en 2020, la pandémie est venue chambouler la vie de Raphaël.
Après avoir passé une quinzaine d’années à Montréal, où il s’était établi pour travailler dans le monde de la restauration, il décide de revenir s’installer aux Îles-de-la-Madeleine. Il participe alors à sa première saison de pêche, avec son beau-frère.
Avant ce moment, Raphaël n’a jamais vraiment baigné dans l’univers de la pêche aux homards. Il avait suivi les traces de ses parents, qui ont toujours travaillé en restauration sur l’archipel.
«Pour moi, c’était abstrait un peu, la vie qui reprend aux Îles [au début de la saison de pêche en mai]. Mais maintenant que je suis rentré dans cet univers-là, c’est fou», s'exclame celui qui vient de compléter sa troisième saison de pêche.
Et même s’il en a encore beaucoup à apprendre comparativement à d’autres aides-pêcheurs qu’il côtoie, il apprécie beaucoup sa nouvelle vie.
«Mes amis de la ville trouvent ça hot que je sois pêcheur», lance-t-il, le sourire aux lèvres.
Les saisons de la pêche aux homards en péril?
Malgré une saison 2022 record, les changements climatiques font craindre le pire aux pêcheurs de homards des îles de la Madeleine.
«En ce moment, les conditions sont favorables pour le homard autour des îles. C’est les belles années de la pêche aux homards, c’est certain. Dans les cinq dernières années, les prises ont explosé», affirme Isaac Leblanc, un aide-pêcheur de 27 ans.
«Mais dans le golfe du Maine, la température est un petit peu trop chaude et on s’aperçoit que les prises diminuent. Ça va peut-être finir par arriver aux Îles, mais on ne sait pas quand», s’inquiète-t-il.
À l’heure actuelle, l’eau se réchauffe dans le golfe du Saint-Laurent, ce qui pourrait mener à une expansion de l’habitat des homards, expliquait en 2021 la biologiste spécialiste des crustacés Amélie Rondeau, en entrevue à Radio-Canada.
Mais si ce réchauffement devient trop important, la quantité de prises autour des îles de la Madeleine pourrait baisser, ce qui pourrait être problématique pour les homardiers madelinots.
En chiffres
325 permis de pêche aux Îles
Chaque pêcheur peut jeter à l’eau 273 cages
La saison de la pêche dure neuf semaines, de mai à juillet
C’était la 147e saison de pêche aux homards aux Îles
On a débarqué à quai pour 14,75 millions de livres de homards en 2022
118,2 millions de dollars en homards débarqués en 2022