Il y a 80 ans, le «Rambo québécois» libérait à lui seul une ville de 50 000 habitants
Sa fille témoigne de l'humilité de son père


Mathieu-Robert Sauvé
Les descendants de Léo Major étaient aux Pays-Bas le 13 avril pour participer aux célébrations en l’honneur de ce soldat montréalais qui a libéré Zwolle en 1945.
Comme éclaireur, il avait eu la mission de rapporter à son bataillon les positions allemandes avec son frère d’armes Welly Arsenault. Malheureusement, ce dernier est abattu par deux Allemands qui tiraient à vue tout intrus. Major entre dans une telle colère qu’il abat à son tour les deux Allemands, s’empare de leurs armes et s’avance seul vers les positions ennemies. Dans un éclair de génie stratégique, il convainc un officier allemand qu’il a capturé de prendre la fuite avec ses soldats afin d’éviter un bain de sang. Dans la nuit, il lance plusieurs grenades et tire à profusion, donnant l’impression que la ville est entourée d’artilleurs.

Son plan fonctionne et la ville de 50 000 habitants est désertée par l’occupant durant les heures suivantes. Quand la nouvelle parvient au quartier général, l’ordre est donné d’annuler le bombardement de la ville par les Alliés, une mission prévue pour le lendemain.

Héros obscur
À ce jour, Léo Major est la seule personne connue pour avoir libéré une ville à lui seul. Si plusieurs hommages lui ont été rendus depuis 50 ans, il a longtemps été un héros discret.
«Mon père n’avait jamais parlé de son exploit à ma mère jusqu’au moment où ils ont été invités en Europe pour des cérémonies de commémoration dans les années 1970. Défilé en carrosse, rencontre avec la reine Juliana et remises de décorations l’ont convaincue que Léo, comme on l’appelle ici, est un héros national», explique au Journal sa fille, Hélène Major, elle-même présente à Zwolle avec ses frères pour souligner de nouveau l’événement en 2025.

Surnommé «le Rambo québécois», Léo Major n’en était pas à ses premières prouesses militaires. En octobre 1944, durant la bataille de l’Escaut, il avait réussi à capturer seul une garnison allemande. Il est revenu au camp de l’armée canadienne avec 93 prisonniers...
Un homme paisible
Blessé à de multiples reprises – il a même perdu un œil à la suite d’un bombardement –, il n’avait de cesse de retourner sur le champ de bataille.

Mais en famille, Léo Major était un homme paisible, un grand lecteur d’essais historiques et philosophiques. Il aimait écouter du jazz. Pourquoi n’avait-il jamais parlé de ses succès militaires à sa femme, Pauline? Parce qu’il n’était pas vantard «et parce qu’elle ne [l]’aurait pas cru», disait-il.
«Il a été fortement marqué par la guerre, même s’il n’en parlait jamais. Lorsqu’il entendait de l’accordéon, par exemple, il sombrait dans une telle nostalgie qu’il pleurait abondamment», mentionne Mme Major, une comptable qui a longtemps travaillé pour la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Il est décédé en 2008 à l’âge de 87 ans. Le Régiment de la Chaudière de l’armée canadienne a créé un trophée qui porte son nom. Il est décerné annuellement à sa compagnie la plus efficace.