Travailleurs temporaires étrangers: il voudrait baisser les exigences en français pour éviter un exode vers l’Ontario
Chantiers Chibougamau craint que ses travailleurs temporaires étrangers soient tentés de partir
Patrick Bellerose
Le directeur d’une importante entreprise de transformation du bois, Chantiers Chibougamau, plaide pour abaisser le niveau de français exigé de précieux travailleurs étrangers temporaires lorsqu’ils veulent devenir résidents permanents, afin d’éviter leur exode vers l’Ontario.
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Présentement, Québec exige une maîtrise minimale du français d’un niveau 7 (intermédiaire avancé) pour accorder des points sur la grille de sélection visant à accorder la résidence permanente. Cela signifie, par exemple, d’utiliser correctement le subjonctif et de pouvoir formuler des phrases avec des subordonnées relatives (par exemple : avec qui, etc.).
Une telle maîtrise du français à l’oral ou à l’écrit, « bien des Québécois l’échoueraient eux-mêmes », plaide le directeur exécutif de Chantiers Chibougamau, Frédéric Verreault.
«Ce niveau 7, ça date d’une époque où l’immigration était assez homogène, essentiellement avec des professionnels qui souhaitaient déménager au Québec. Des professionnels pour qui il y avait une nécessité de maîtrise du français oral et écrit extrêmement pointue», explique M. Verreault qui siège également à l’Office québécois de la langue française.
On peut penser à une greffière, un comptable ou un ingénieur, illustre-t-il.
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25% de travailleurs étrangers
Depuis quelques années, son entreprise située à 700 kilomètres au nord de Montréal mise sur des travailleurs philippins pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre. Si bien qu’ils représenteront 25% des employés d’ici l’été prochain, soit près de 120 travailleurs.
Chantiers Chibougamau fait d’importants efforts pour franciser ceux-ci, en leur payant des cours à temps plein avant même leur arrivée au Québec. Au total, l’entreprise débourse près de 20 000$ pour chaque Philippin qu’elle fait venir.
Frédéric Verreault explique miser sur cet archipel d’Asie du Sud-Est notamment parce que les travailleurs y sont bien formés pour le travail manufacturier automatisé.
Mais il craint que ces travailleurs temporaires recrutés à fort prix échouent à se qualifier pour la résidence permanente lorsqu’ils y seront admissibles dans quelques années. Pour les travailleurs de Chantiers Chibougamau, la question se pose généralement deux ans après qu’ils ont acquis les compétences de base en français.
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Exode des travailleurs
Il pose la question: doit-on exiger le même niveau de français écrit pour un avocat que pour les nombreux travailleurs manufacturiers qui viennent combler nos emplois vacants dans le secteur manufacturier?
«La conséquence directe de ça, c’est qu’on pourrait avoir des travailleurs intégrés en français à nos communautés, dans nos entreprises, qui à défaut d’avoir le niveau 7 pourraient être tentés par des emplois équivalents en Ontario pour pouvoir régulariser leur statut et obtenir leur résidence permanente», dit le directeur exécutif de Chantiers Chibougamau.
Certains travailleurs, révèle-t-il, l’ont déjà fait. «On veut les garder avec nous, on a mis des sommes financières importantes, mais notre cœur aussi à préparer l’accueil de ces gens-là», souligne-t-il.
Frédéric Verreault insiste, il reconnaît l’importance de maîtriser le français. Mais pour Chibougamau, ces travailleurs pourraient représenter près de 120 nouvelles familles dont les enfants seront francisés à l’école. «Il va falloir avoir le doigté d’aborder cette question-là», plaide-t-il.
EN GRAND NOMBRE
En 2021, les travailleurs étrangers temporaires représentaient 10% des immigrants en sol québécois, soit près de 24 000 personnes.
SOURCE: MINISTÈRE DE L’IMMIGRATION DU QUÉBEC
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