Il ne s’est jamais produit et consommé autant de cocaïne dans le monde
Gabriel Ouimet
Après avoir chuté au début de la pandémie, «la production mondiale de cocaïne a fait un bond spectaculaire au cours des deux dernières années», révèle le plus récent Rapport mondial sur la cocaïne de l’ONU. Une tendance qui n’est pas près de se renverser.
• À lire aussi: La xylazine, surnomée «drogue zombie», pourrait faire des ravages
Des nouvelles plaques tournantes
La culture de la feuille de coca, la matière première de la cocaïne, a bondi de 35% entre 2020 et 2021, atteignant un niveau record. Elle est particulièrement importante dans trois pays: la Colombie (61% de la culture mondiale), le Pérou (26%) et la Bolivie (13%).
De plus petits pays producteurs, comme le Guatemala, le Honduras et le Venezuela, ont également vu les saisies de coca augmenter sur leur territoire. Bien que ces pays demeurent surtout des points de passage de la drogue produite dans les pays voisins, la production pourrait s’intensifier au cours des prochaines années, selon site spécialisé InSight Crimes.
Parallèlement, le rapport de l’ONU indique que «le rôle de l'Afrique, en particulier de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale, en tant que zone de transit pour la cocaïne à destination des marchés européens s'est considérablement renforcé depuis 2019».
«Tant la quantité totale saisie en Afrique que le nombre de saisies importantes semblent avoir atteint des niveaux record au cours de l'année 2021», mentionne le rapport.
Si la consommation dans ces régions n'est pas encore élevée, son potentiel de croissance constitue un risque sérieux, prévient l’ONU.
• À lire aussi: Le crystal meth, cette puissante drogue plus présente que jamais à Montréal
Le crack en augmentation en Europe
Autre facteur pouvant expliquer la hausse de la production de cocaïne: la forte demande en Europe pour le crack, la cocaïne sous forme de cristaux que l’on peut fumer. Cette drogue est en progression tout particulièrement en Belgique, en France et en Espagne, où les admissions pour des traitements de désintoxication liés à la substance ont doublé dans les 10 dernières années.
C’est toutefois en Amérique du Nord, où se consomme 30% de toute la cocaïne produite dans le monde, que la demande est la plus élevée. L'Amérique centrale, l'Amérique du Sud et les Caraïbes arrivent en deuxième position, avec 24 % des consommateurs à l’échelle planétaire. L'Europe occidentale et centrale arrive en troisième position, avec 21% de la consommation mondiale. Le continent africain est loin derrière, avec 9%.
Plus de drogue pour la même quantité de feuilles de coca
Le procédé de conversion des feuilles de coca en cocaïne s’est également considérablement amélioré dans les dernières années, souligne l’ONU.
Sans donner de détails sur ces nouvelles façons de faire, le rapport indique que les trafiquants sont désormais capables de produire de plus grandes quantités de drogue avec la même quantité de feuilles de coca.
Pour fabriquer de la cocaïne, les feuilles de coca sont trempées dans de l'essence et d'autres produits chimiques (éther, acide sulfurique, ammoniaque, etc.) pour permettre l'extraction du chlorhydrate de cocaïne. L'essence et les solvants sont ensuite évacués et la base de cocaïne se solidifie en une pâte. Cette pâte est ensuite cuite jusqu'à ce que le liquide et les autres produits chimiques se soient évaporés pour produire des «briques» contenant du chlorhydrate de cocaïne.
Ces briques sont emballées, puis vendues et traitées avec d'autres produits chimiques tels que l'acide chlorhydrique, l'ammoniaque et le sel de potassium pour créer de la cocaïne en poudre qui est consommée partout dans le monde.
• À lire aussi: 12 conseils faciles pour rendre votre consommation de drogue plus sécuritaire
Comme une lettre à la poste
La suppression de la majorité des vols pendant la pandémie a compliqué la vie des trafiquants, qui ne pouvaient plus recourir à des mules, c’est-à-dire à des voyageurs qui transportent de la drogue dans d’autres pays.
Les criminels se sont alors tournés vers les services postaux internationaux pour envoyer un grand nombre de petites cargaisons de drogues. Cette technique, qui s’est montrée efficace grâce à des techniques sophistiquées de camouflage de la drogue, est restée en place même après la reprise des voyages.
Certaines saisies importantes ont permis de découvrir que, dans les cas les plus élaborés, la drogue est décomposée chimiquement, mélangée à des liquides, des cires ou des tissus de manière à être invisible. Elle est ensuite extraite et retransformée en poudre une fois à destination.