Publicité
L'article provient de 24 heures

Expulsé du campement Hochelaga, Louis Rouillard n’a nulle part où installer sa roulotte

Guillaume Cyr/24heures
Partager
Photo portrait de Guillaume Cyr

Guillaume Cyr

2021-05-07T18:00:00Z
Partager

Depuis qu’il a été expulsé de son HLM à l’été 2020, Louis Rouillard vit dans la rue. Jusqu’à lundi dernier, lorsque le campement Hochelaga a été démantelé, il dormait dans une petite roulotte, qui a depuis été relocalisée derrière un ancien incinérateur.  

Avant que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) n’évacue le campement d’itinérants érigé dans le boisé Steinberg, dans l’arrondissement d’Hochelaga-Maisonneuve, l’homme de 61 ans aurait reçu comme information par la Ville de Montréal que sa roulotte serait déplacée. Il ne s’attendait pas, toutefois, à retrouver son logis dans un tel environnement. Ses choses y ont été entassées pêle-mêle, mais lui, il dort à l'hôtel. Il se demande où il va bien pouvoir déplacer sa roulotte. 

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

La roulotte a été transportée sur un terrain vague appartenant à la Ville, sur la rue Dickson, derrière un ancien incinérateur. Installée près d’une montagne de vieux pneus, elle fait face à un chemin de fer et à l’avenue Souligny, que voitures et camions empruntent en grand nombre pour accéder notamment à l’autoroute 20.  

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

Avec les camions qui passent et l’absence de trottoir, le terrain est difficilement accessible, surtout pour une personne itinérante, déplore une amie de Louis Rouillard, l’écrivaine Marie Larocque, qui lui a donné un coup de main au cours des dernières semaines.  

Publicité

Bouger sa roulotte pour aller où?

Selon Marie Larocque, il aurait reçu un avis l’obligeant à déplacer sa remorque dans les 72 heures. La Ville, pour sa part, nous a indiqué par courriel que le «propriétaire de la roulotte est invité à venir la récupérer dès que possible». 

Pas facile, toutefois, pour l’itinérant, de déplacer sa roulotte. D’abord, elle n’est pas immatriculée. Ensuite, l’attache de remorquage a été endommagée lors du déplacement, selon son propriétaire. 

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

«Une femme voulait peut-être la plaquer», nous a appris Guylain Levasseur, un campeur de première heure qui est très impliqué auprès de ses amis itinérants.

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

«J’ai offert à Louis d’aller la chercher et de la mettre ailleurs [sa roulotte], mais il n’a plus de lumières sur sa roulotte et il a de l'ouvrage à faire dessus», a-t-il poursuivi. 

Et même s’il déplace sa roulotte, où ira-t-il l’installer? 

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

La Ville affirme que «les propriétaires d’une roulotte peuvent immobiliser leur véhicule sur un terrain privé en accord avec le propriétaire des lieux et en respect des règles en vigueur». Montréal soutient aussi être en discussion avec Louis Rouillard pour trouver une solution. 

«Madame, faites pas une scène»

Bien que la Ville soutienne que Louis Rouillard n’était pas au campement lorsque sa roulotte a été déplacée, Marie Larocque et une autre de ses proches, Kate, nous ont garanti qu’il y était. Le campement a été évacué à la suite d’un avis du ministère des Transports du Québec (MTQ), à qui appartient le terrain. 

Publicité

• À lire aussi: Le campement Hochelaga démantelé

Kate, une comptable qui se présente comme la «marraine» de Louis Rouillard, assure qu’elle était près de la roulotte pendant le démantèlement du camp. Elle voulait s’assurer qu’aucun de ses effets personnels ne soit laissé derrière pendant l’opération, même si tout a été mis en désordre.   

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

Elle aurait même eu un échange avec une policière du SPVM.   

«[La policière] m’a dit: “Madame, faites pas une scène.” Je voulais juste m’assurer que tout était correct et qu’il n’allait pas perdre son stock», nous a-t-elle raconté, alors qu’elle venait donner un coup de main à son ami qui aime bien gratter la guitare. Elle lui a donné un cadenas pour qu’il ne se fasse pas voler.  

Sa roulotte, «c’est sa vie», a-t-elle ajouté.  

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

L’homme à tout faire

Ses dernières nuits, Louis les a passées dans un hôtel de la métropole qui a été transformé en refuge pour itinérants. Mais c’est le confort de sa roulotte qu’il souhaite retrouver.  

L'homme qui aime visiblement le travail manuel regrette aussi l’action des campements, que ce soit celui de la rue Hochelaga ou encore celui de la rue Notre-Dame, où des centaines d’itinérants s'étaient regroupés l’été et l’automne derniers. 

• À lire aussi: Menacés d'expulsion, les locataires du Manoir Lafontaine manifestent

• À lire aussi: Évictions à la hausse, du jamais-vu en 30 ans à Montréal

«Je ne peux pas passer ma journée à ne rien faire. J’étais l’homme à tout faire. Je m’appelais Monsieur Tente, parce que je suis un gars manuel. J’ai été soudeur, machiniste, et j’ai fait de la menuiserie», raconte celui qui vit en situation d’itinérance pour la première fois de sa vie.   

Publicité

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

Un détour par Oka

Pour arriver au campement Notre-Dame l’été dernier, du chemin, Louis Rouillard en a parcouru. Après avoir été évincé de son habitation à loyer modique (HLM), le sexagénaire nous a raconté avoir senti le besoin de «quitter la ville».  

Il serait alors monté sur son vélo, avec une couverture de laine pour seul bagage, et aurait pédalé... jusqu’à Oka. Après qu'il eut profité du «grand air», des policiers «très “smattes”» de la Sureté du Québec (SQ) lui auraient trouvé un refuge à Montréal. Après quoi, il se serait installé au campement de la rue Notre-Dame. 

Guillaume Cyr/24heures
Guillaume Cyr/24heures

C’est d’ailleurs grâce au campement Notre-Dame et aux gens qu'il y a rencontrés qu’il a pu mettre la main sur sa roulotte, qui servait autrefois de kiosque au parc du Pied-du-Courant.  

Guillaume/24heures
Guillaume/24heures

La Ville toujours opposée au campement

Mais un campement, il n’en retrouvera peut-être pas de sitôt, puisque la Ville s’y oppose. La mairesse de Montréal Valérie Plante a en effet réaffirmé son opposition aux campements clandestins, jeudi, disant espérer installer les itinérants dans des logements permanents. 

• À lire aussi: Les nouveaux propriétaires d’un immeuble veulent évincer une vingtaine de locataires

Permis ou pas, Guylain Levasseur, l’un des premiers à s’être installés au campement Notre-Dame l’été dernier, compte bien replanter sa tente quelque part. Et Louis Rouillard pourrait bien le suivre. 

«On veut garder notre prochain endroit secret pour l’instant», s’est contenté de nous dire Guylain Levasseur. 

Guylain Levasseur
Guylain Levasseur LOUIS-PHILIPPE MESSIER/24 HEURES/AGENCE QMI

Publicité
Publicité