Il faut qu’on se parle de la vulve
C’est officiel : la vulve est tendance. On en parle, on la démocratise... et on réalise qu’on ne la connaît pas très bien, finalement.
Andréa Sirhan Daneau
On est en 2021; on lit nos courriels sur une montre, un robot cherche des traces de vie sur Mars et, malgré cela, un quart des femmes nord-américaines ne peuvent différencier le vagin de la vulve.
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«On doit encore expliquer la différence entre la vulve – la partie externe des organes génitaux – et le vagin – soit le canal à l’ouverture de la vulve allant jusqu’au col de l’utérus – et défaire le mythe voulant qu’un tampon ou une coupe menstruelle empêche d’uriner», explique la Dre France Leduc, obstétricienne gynécologue. Au banc des accusés: le contexte culturel, familial et religieux, l’enseignement à l’école (considéré comme limité par les professionnels de la santé), mais aussi le tabou sexuel. Comment savoir que 50 % des personnes possédant une vulve ont des petites lèvres qui dépassent des grandes lèvres ou que la grossesse peut altérer la taille et la forme de la vulve si la seule qu’on voit est la nôtre? «Beaucoup de patientes me demandent si elles sont “normales”, poursuit la Dre Leduc. Il y a une pression sociale par rapport à l’apparence de la vulve et de ses lèvres, notamment leur coloration et leur taille, qui cause de l’anxiété chez les personnes de tout âge. Le marché des produits pour changer l’apparence de la vulve est très lucratif, mais il influence aussi beaucoup la perception de ce qui est considéré comme étant “normal”, faute d’un meilleur terme.»
La réalité est que nos organes génitaux sont à la fois différents et semblables. À l’instar des traits du visage et des morphologies, l’apparence de la vulve varie d’une personne à l’autre. Il suffit d’un coup d’œil sur le compte Instagram @the.vulva.gallery, créé par l’artiste anglais Hilde Atalanta (se considérant comme non binaire, par le pronom ils/eux), pour constater l’étendue de la diversité de la vulve. «Même si les formes, les couleurs, les tailles et le placement des organes génitaux externes peuvent varier, l’anatomie de la vulve reste généralement la même, précise Alexandra Fine, PDG et cofondatrice de Dame. Il est aussi important de se rappeler que les personnes de tout sexe et de tout genre ont une vulve, pas seulement des personnes qui s’identifient comme femmes.» La diversité, c’est dans les genres autant que dans les vulves!
Apprivoiser sa vulve
L’engouement relativement récent pour les produits de soins intimes nous a en quelque sorte fait perdre de vue le rôle des différentes parties de notre anatomie. Les grandes lèvres forment un bouclier devant les organes internes, plus fragiles; les poils nous protègent des microorganismes nuisibles; les petites lèvres sont vascularisées et enflent en phase d’excitation, afin de diminuer la friction et rendre les relations sexuelles plus agréables. Or, certains produits en vente libre finissent par perturber ces fonctions essentielles et nuire à la santé, explique la Dre Leduc: «Le vagin se nettoie par lui-même et la vulve n’a besoin d’être lavée qu’une fois par jour avec un soin doux, pour éliminer la présence potentielle de bactéries néfastes. Mais on voit de plus en plus de réactions allergiques sur la vulve causées par l’utilisation de nouveaux soins et de produits d’hygiène, comme des crèmes parfumées et des parties adhésives de serviettes hygiéniques. Et lorsqu’une irritation survient, on entre dans un cercle vicieux: on lave et on frotte davantage, ce qui aggrave la situation et augmente les pertes et les odeurs qui incommodent encore plus...»
Même son de cloche du côté des jouets sexuels, qui peuvent eux aussi perturber l’équilibre délicat de la vulve et du vagin. «La plupart des marques reconnues ont recours à du silicone de qualité alimentaire, alors que seul le silicone de qualité médicale (utilisé pour les implants mammaires et les équipements médicaux) a été testé pour garantir notre sécurité sanitaire, souligne Alexandra Fine. Les autres matériaux sûrs comprennent le verre, l’acier inoxydable de qualité médicale et le pyrex. Les jouets poreux (faits de matériaux comme les élastomères thermoplastiques et le chlorure de polyvinyle) sont à éviter, puisque leur surface peut accumuler des bactéries qui résistent au nettoyage.»
Connaissez-vous bien votre vulve?
On teste notre QI vulvaire avec ces trois faits divers.
1. Vous mettriez-vous ça dans l’œil?
On ne songerait même pas à se laver les yeux avec du savon ou à les parfumer. La vulve est pourtant une muqueuse aussi fine et sensible que celle de l’œil! Ce qu’on n’oserait pas mettre dans nos yeux ne devrait donc pas s’y retrouver; les ingrédients irritants, comme les huiles essentielles et l’alcool, risquent de déséquilibrer la flore faite de levures et de bonnes bactéries qui nous protègent des infections.
2. Ce n’est pas toujours une vaginite
Ça brûle? Ça pique? La solution ne se trouve pas toujours sur une tablette de pharmacie; les maladies cutanées comme le psoriasis, l’eczéma et le lichen affectent aussi la vulve. Si un antifongique en vente libre ne soulage pas les symptômes, une consultation médicale avec examen de la peau est de rigueur.
3. Votre vulve vieillit comme... votre visage
Avec l’âge, les tissus graisseux sous la peau s’affaissent; ce relâchement cutané s’accentue avec la diminution de production d’oestrogène à la ménopause, et crée un amincissement de la peau, une perte d’élasticité et une sécheresse généralisée. C’est ainsi que les rides creusent le visage... et la vulve! La graisse sous-cutanée des lèvres externes s’amenuise. Sans ce «coussin» de protection, la muqueuse affinée et desséchée peut causer de l’inconfort. Les soins lubrifiants vendus en pharmacie, à base d’eau pour prévenir les dommages aux préservatifs en latex, ne suffiront probablement pas à soulager la sécheresse de la vulve. À l’instar de nos crèmes riches pour le visage, on doit se tourner vers des produits à base d’huile et de silicone.