Montréal-Nord : il faut aussi parler des histoires à succès
Anne-Lovely Etienne
BILLET - Faites l’exercice : googlez «Montréal-Nord» dans l’actualité. Que des titres négatifs qui se résument en quelques mots : meurtres, homicides, gangs de rue, coups de feu, armes...Y’en a marre. Ce narratif a besoin de changer, car il y a aussi du bon à Montréal-Nord.
Il y a quelques mois, je m’étais penchée sur l’extraordinaire ténacité de Lujah Dauphin, un entrepreneur passionné qui a grandi à Montréal-Nord. À 20 ans seulement, il est en train de révolutionner le monde des sneakers. Je crois avoir été l’une des seules journalistes à parler de son histoire.
Puis, il y a aussi Luguentz Dort, joueur de basketball dans la NBA, qui a dernièrement été invité à Tout le monde en parle et qui se disait fier d’avoir grandi à Montréal-Nord. Difficile de ne pas médiatiser positivement ce jeune homme qui atteint de hauts sommets.
Même success story pour Chris Boucher, lui aussi joueur de basket à la NBA élevé à Montréal-Nord.
Tai TL, une autre histoire à succès
Aujourd’hui, je vous parle de Tai TL, mais différemment des autres médias. Comme l‘ont relaté plusieurs journaux, il est le fameux animateur des directs Instagram Occupation Hood.
• À lire aussi: Le single Occupation Hood fait connaître le compas
En pleine pandémie, il a attiré jusqu’à 90 000 de curieux sur sa page, lors de ses fameux lives. À 19 ans, il a réussi à capter l’attention de milliers de jeunes, rivés sur leurs tablettes ou leurs téléphones intelligents, en attente des candidats en mode séduction.
Moi, je préfère creuser derrière Occupation Hood. Les histoires humaines, c’est mon truc.
Comme Lujah, Luguentz et Chris, Tai est un jeune homme qui habite Montréal-Nord et qui a de grandes ambitions. C’est pourquoi il en a marre du stéréotype du jeune noir de son quartier toujours associé aux gangs de rue.
«Il y a toujours une image fucked up avec Montréal-Nord. Ce sont des préjugés qui font croire aux gens que tous les jeunes sont dans les gangs de rue. On a l’impression qu’il n’y a que des fusillades ici. On me dit même de faire attention pour ne pas me faire voler», se décourage-t-il.
«Cela fait 5 ans que j’habite ici et rien de tout ça m’est arrivé. Si tu as des mauvaises fréquentations, c’est une chose, mais si tu n’as rien à faire avec personne, tout le monde fait leurs petites affaires. C’est loin de ce qu’on raconte dans les médias», observe-t-il.
L’influenceur d’origine haïtienne qui détient près de 98 000 abonnés sur Instagram est catégorique : «il n’y a pas assez de positif qui ressort de Montréal-Nord. Les jeunes ont aussi besoin d’entendre des histoires qui les motivent», soutient-il.
Une association dérangeante
Les données de recensement en 2016 de Statistique Canada de la population de Montréal-Nord révèlent que «les cinq principaux pays d’origine des immigrants sont, dans l’ordre, Haïti, l’Algérie, l’Italie, le Maroc et le Liban».
Montréal-Nord est donc un arrondissement au caractère multiculturel. Une forte proportion des nouveaux arrivants s’y installent.
Je trouve dommage que les titres de journaux envoient une corrélation entre gangs de rue et communautés de blacks, arabes et latinos, plutôt que de souligner l’apport bénéfique de cette immigration à la société québécoise.
Parce que pour l’amour de Dieu, il y a du positif à souligner. Par exemple, les résidents de Montréal-Nord sont plus éduqués que l’on ne croit, malgré le revenu moyen par ménage d’environ 42 000$ par année.
«Plus du tiers de la population âgée de 25 à 64 ans détient un diplôme d’études collégiales ou universitaires», peut-on lire dans le rapport sociodémographique de 2016.
• À lire aussi: Voici à quoi ressemblera le réseau de transport en commun au Québec dans 10 ans
Les héros du quotidien
Il existe également un esprit communautaire incroyable, qui joue un rôle essentiel sur le terrain et qui est palpable à Montréal-Nord et dans les quartiers adjacents.
Ce serait chouette mettre en lumière des héros du quotidien qui tendent la main aux plus démunis comme Maud Pierre-Pierre, Présidente du Ralliement des infirmières et infirmières auxiliaires haïtiennes de Montréal, Stéphanie Germain, militante et administratrice de l’organisme Hoodstock ou encore Paul Evra, Directeur général du Centre Lasallien.
À Montréal-Nord, il y a la violence, les crimes, les gangs de rue, c’est vrai. Toutefois, il y a l’ensemble de la population, des gens comme vous et moi, qui désirent contribuer à une société meilleure, tout en poursuivant leurs rêves... comme Tai, Lujah, Luguentz et Chris.