Il faudra s’habituer aux fake news
Simon Baillargeon | Agence France-Presse
Ne manquez pas notre émission spéciale sur la soirée électorale américaine mardi dès 18h30 à LCN et au TVANouvelles.ca
S’il n’a pas inventé l’expression fake news, Donald Trump a certainement aidé à populariser ces deux mots lourds de sens qu’il n’hésite pas à lancer dans plusieurs de ses déclarations. Un phénomène qui n’est pas près de disparaître, estiment des experts.
Le 11 janvier 2017, lors d’une conférence de presse à New York, le milliardaire républicain rabroue un journaliste de CNN et refuse de répondre à sa question.
• À lire aussi: À quoi servent les populistes?
• À lire aussi: Les années Trump
• À lire aussi: Donald Trump ou Joe Biden: qui va remporter l’élection américaine?
«Fake news», accuse le président américain, reconnu pour ne pas aimer la chaîne d’information et ses journalistes.
Depuis, le président américain lance cette expression comme un mantra pour s’en prendre aux médias et aux personnes qui le critiquent, même si la nouvelle est vraie. Cette manière d’agir risque bien de perdurer, même sans Trump.
«J’ai bien l’impression que le retour en arrière va être difficile», lance la professeure Karine Prémont, de l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke et directrice adjointe de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, à l’UQAM.
Les réseaux sociaux et la vitesse à laquelle l’information se diffuse ont grandement contribué à l’essor des fausses nouvelles. Et quand on y ajoute une crise mondiale où les gens vivent beaucoup d’incertitude, tous les ingrédients sont réunis pour créer un cocktail explosif.
«En période de crise, ce genre de réaction prolifère. C’est-à-dire de croire ce qu’on veut croire parce que ça nous conforte dans nos opinions ou ça donne un peu de sens à ce qui se passe dans un monde un peu plus difficile à comprendre chaque jour», explique-t-elle.
«Étant donné les moyens technologiques qu’on a, étant donné la polarisation des gens, ça va devenir difficile de revenir en arrière et de trouver un terrain d’entente», ajoute Mme Prémont
«Plein de complots»
Le même constat est fait par Kyle Matthews, professeur à l’Université Concordia et directeur général de l’Institut montréalais d’études sur le génocide et les droits de la personne.
«Les grandes compagnies comme Facebook et Twitter, ils sont en train de prendre tout l’argent. C’est là où les gens vont pour prendre leurs nouvelles. [Les citoyens] vont moins regarder les médias traditionnels et voient plutôt ce que leurs amis vont partager. Il y a plein de complots. N’importe qui peut mettre n’importe quoi en ligne», affirme l’expert.
Au Canada aussi
Le Canada n’est évidemment pas en reste. Il cite en exemple la montée en popularité du mouvement QAnon au nord de la frontière.
«Il faut faire attention, car ç’a un impact chez nous», mentione M. Matthews.
«C’est sûr, quand on voit un type comme Trump qui a du succès avec ce qu’il dit et la façon dont il le dit, il y en a qui vont essayer de l’imiter, c’est bien clair», soutient Mme Prémont, précisant que ce n’est pas d’hier que des populistes s’illustrent en politique.
«Des populistes, il y en a toujours eu, ce n’est pas un phénomène nouveau. Mais ce sont les moyens technologiques à la disposition de ces gens-là qui font la différence aujourd’hui et qui leur permet de parler, de rencontrer des centaines, des milliers voire des millions de personnes d’un coup, plutôt qu’un à la fois dans les sous-sols obscurs d’églises.»
5 mensonges qui ont marqué les Américains
1. La construction d’un mur à la frontière mexicaine, promesse phare de sa campagne de 2016, sera payée par le Mexique, a-t-il répété à de nombreuses occasions. Ce sont plutôt les Américains qui doivent sortir leur portefeuille pour le financer. Le Mexique a refusé d’y investir de l’argent.
2. Le président se vante à plusieurs reprises d’avoir offert «la plus grosse baisse d’impôts de l’histoire» des États-Unis à ses concitoyens. En réalité, les 1500 milliards $ de baisse d’impôts sur 10 ans se retrouvent en huitième position, selon le Committee for a Responsible Federal Budget.
3. Le virus va finir par «disparaître», clame Donald Trump depuis le début de la pandémie. Même s’il a répété cette phrase en campagne électorale, la COVID-19 frappe encore sévèrement les États-Unis. Le 24 octobre, un peu plus de 83 000 nouveaux cas ont été confirmés aux États-Unis, un record.
4. «Aucune collusion, aucune obstruction, exonération totale et complète. Gardez la grandeur de l’Amérique!» Le président jubile sur Twitter après la publication du rapport Mueller, qui n’a pas de preuve de collusion entre l’équipe de Trump et les Russes. Le rapport du procureur spécial parle cependant de mensonges, de manigances et de tentatives d’entraves.
5. Lors de la cérémonie d’investiture, le milliardaire républicain se vante d’avoir attiré une foule qui «ressemblait à un million et demi de personnes». Même s’il le répète à quelques reprises, les photos comparant sa cérémonie à celle de Barack Obama prouvent hors de tout doute que c’est faux.