Nico Racicot s'ouvre sur l’intimidation vécue dans sa jeunesse
Michèle Lemieux
L’intimidation peut parfois briser certains jeunes, qui se relèvent péniblement de ces passages difficiles, mais Nico Racicot est ressorti grandi de cette situation vécue durant sa jeunesse. Non seulement cette expérience lui a permis de métaboliser une grande palette d’émotions, mais elle lui donne aussi l’occasion aujourd’hui de les partager avec le grand public par le biais du jeu ou de ses toiles. Rencontre avec un artiste qui s’exprime dans différentes sphères culturelles.
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Nico, on pourra bientôt te voir dans la série Nuit blanche. Que peux-tu nous dire au sujet de ton personnage?
C’est un super beau rôle! Depuis mes débuts, j’ai eu la chance de gravir les échelons et de jouer des personnages riches et complexes. Initialement, je n’ai pas auditionné pour le rôle d’Aidrian Flanagan, mais il m’a été offert lors d’une autre audition. Je suis son interprète dans les années 1970. C’était magnifique de plonger dans un tel univers. J’ai tellement entendu parler de cette période, notamment par ma mère qui a grandi dans les années 1970. Aidrian est un aristocrate irlandais très fortuné. C’est un mécène. Il rencontre Louise Hébert (Rose-Marie Perreault), dont il tombe amoureux. Il veut l’aider dans sa carrière, la sortir de son milieu où on prône qu’on est né pour un petit pain.
On te retrouve aussi dans l’ultime saison de L’heure bleue...
Oui, j’ai eu la chance de tourner dans la cinquième et dernière saison de L’heure bleue. Le rôle de David est celui qui a permis au public de me découvrir. Je trouve ça agréable: les gens me reconnaissent et veulent partager leurs commentaires avec moi. Ils veulent connaître le personnage, le métier, etc. J’ai toujours envie de leur demander ce qu’ils font eux-mêmes... (sourire) Tout cela est nouveau pour moi. L’heure bleue est un rendez-vous hebdomadaire avec les gens. Ils s’attachent. J’ai aussi fait une apparition dans la deuxième saison des Honorables. J’ai également participé à une série documentaire sur l’affaire Marion, intitulée 82 jours. J’incarne un ravisseur. On verra cette série en 2022. On essaie d’y démystifier les accusations et les rumeurs autour de l’enlèvement de M. Marion.
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À quel moment as-tu senti l’appel pour ce métier?
Je n’ai pas grandi dans le milieu du cinéma ou de la télé, mais mon parcours artistique s’est dessiné très tôt dans ma vie. J’ai grandi dans un milieu créatif où je me suis exprimé avec mes dessins. Je rêvais d’être peintre! Devenir comédien n’était pas du tout sur ma liste. J’avais le désir de m’exprimer visuellement. Après le secondaire, j’ai décidé d’étudier en cinéma et communications, car j’étais un grand amateur de cinéma. Je dévorais tous les films! J’ai été très inspiré par le côté visuel et créatif de certains réalisateurs colorés tels que Tim Burton. J’ai obtenu mon diplôme avec le désir de réaliser un jour. Après mes études à Dawson, je suis entré à l’École nationale de théâtre. Je suis francophone, mais j’ai baigné dans un univers anglophone durant mes études. Je suis un touche-à-tout, j’adore utiliser mes mains: je suis des cours de poterie, de peinture. J’ai donc développé ma carrière visuelle en parallèle. Mon pseudonyme d’artiste est LezAutres. Je suis représenté par une galerie à Vancouver, la Galerie Merrick. Le but est de trouver une galerie à Montréal éventuellement, mais pour le moment, je me concentre surtout sur ma carrière de comédien. Comme on ne peut pas travailler 365 jours par année à titre d’acteur, ça ne me suffisait pas. Pouvoir me réfugier dans mon studio et explorer mon intérieur, cet univers profond qui m’habite et que j’essaie de comprendre, ça me nourrit beaucoup.
Comment tes parents ont-ils accueilli ton projet de devenir artiste peintre?
Disons que c’était polarisé! (rires) Mes parents étaient, comme plusieurs, en quête de sécurité. Les deux ont travaillé pour une grande entreprise pendant toute leur vie et ils sont aujourd’hui retraités. Moi, dès mon jeune âge, je savais que le 9 à 5 ne me convenait pas. J’avais besoin d’être libre. Mes parents l’ont vu très tôt. J’avais fait du théâtre et du cirque lorsque j’étais jeune. J’avais exploré la scène, mais je ne me voyais pas devenir comédien, car j’entendais dire que c’était trop difficile. On m’encourageait à faire de bonnes études, à étudier les mathématiques enrichies, à m’inscrire en sciences au cégep pour garder toutes les portes ouvertes devant moi. Mais mon désir profond, c’était l’art, et j’ai une tête de cochon, comme mes parents! Lorsque j’ai une idée en tête, je vais jusqu’au bout. Je pense que mes parents avaient la crainte de ne pas me voir réussir.
Commencent-ils à être rassurés face à ta carrière?
Oui, absolument! (rires) Ils veulent toujours plus pour moi, mais ce métier nous apprend à être patient. La pandémie a été une période idéale pour aller en profondeur, réfléchir à ce que je voulais, confirmer mon choix d’être comédien, car c’est ce qui m’excite le plus dans la vie. Comme tous mes projets ont été annulés, je me suis réfugié dans mon studio pour peindre. J’ai aussi profité de ce temps pour jardiner. J’aime cuisiner, créer.
Quel enfant as-tu été?
J’ai été coquin, clown, pince-sans-rire, taquin, mais pas avec tout le monde. J’ai beaucoup été intimidé durant ma jeunesse. Mon enfance a été un combat. J’étais très androgyne. À l’école, on me demandait souvent si j’étais un garçon ou une fille. Je ressentais un climat de peur qui m’empêchait d’être moi-même et d’être authentique. On parle beaucoup de la masculinité toxique actuellement. J’ai grandi dans ce monde. Je suis doux, efféminé, maniéré. On m’a vraiment brisé. J’ai appris à passer inaperçu. Avec mon groupe d’amis en théâtre, j’étais un bouffon, un clown. Je sentais que je pouvais être moi-même. J’ai perçu très tôt à qui je pouvais faire confiance ou non.
C’est difficile de vivre tout cela durant sa jeunesse...
Oui, mais ça crée une carapace. Dans ma famille, nous avons de très forts caractères. Ma mère est une personne extrêmement résiliente et forte. Elle a combattu deux cancers, et elle ne s’est jamais apitoyée sur son sort. On peut choisir de voir la lumière au bout du tunnel. Dans ma famille, c’est le choix qu’on a fait. Lorsque j’étais jeune, je gardais secret ce que je vivais. Je n’en parlais pas à mes parents.
Quelle solitude, quand même...
Mais cela a dicté ma carrière. Il y a beaucoup de sentiments et d’émotions qui ont été opprimés, de la colère que j’ai gardée à l’intérieur, et ce, pendant longtemps... Aujourd’hui, ça me nourrit et ça nourrit mes personnages. Quand on me dit que je suis caméléon, c’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire!
Crois-tu que cette expérience t’a apporté une grande maturité?
Oui, mais aussi une compassion dont on manque tellement en ce moment dans notre société. Si je peux apporter un peu de cela dans mes rapports humains, tant mieux. Personnellement, j’aime l’intériorité. Je suis un solitaire. Je ne m’ennuie jamais avec moi-même. J’aime connecter avec la nature, l’observer, la contempler.
Nuit blanche, lundi 21 h, à Radio-Canada. L’heure bleue, mardi 20 h, à TVA. On peut voir les œuvres de LezAutres sur son Instagram.
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