Hôpital de Gaza: la guerre de la désinformation
L’explosion à l’hôpital de Gaza aurait été causée par une roquette hors de contrôle d’un groupe terroriste
Olivier Faucher
Le flou entourant l’explosion sur le site d’un hôpital de la bande de Gaza, alimenté par les versions contradictoires du Hamas et d’Israël, illustre comment la désinformation est une arme redoutable de propagande en temps de guerre, selon des experts.
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Mercredi, les deux protagonistes du conflit armé et leurs alliés se sont de nouveau renvoyé la balle sur l’origine du tir qui a atteint le site de l’hôpital al-Ahli Arab, au centre-ville de Gaza.
Le Conseil de sécurité nationale des États-Unis a évalué qu’Israël n’en était pas responsable, en se basant entre autres sur des séquences vidéo de l’incident et sur son service de renseignement.
« Sur la base des informations que nous avons eues jusqu’à maintenant, il semble que [la frappe] soit le résultat d’une roquette hors de contrôle tirée par un groupe terroriste à Gaza », a déclaré le président Joe Biden lors de sa visite en Israël, mercredi, qui assure avoir des éléments probants venant du Pentagone.
Des manifestants en colère contre Israël ont malgré tout continué de descendre mercredi dans les rues du Liban, de l’Iran, en passant par la Cisjordanie occupée.
De nombreux pays arabes, signataires ou non de la paix avec Israël, et l’Iran, ont imputé le tir à l’armée israélienne, en dépit du démenti de l’État hébreu.
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Nombre de décès contesté
Ajoutant aux nombreuses questions sur l’événement tragique, le nombre de décès est également contesté tout comme ce qui a réellement été frappé par la détonation.
Mercredi, le ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir à Gaza, a avancé que 471 personnes étaient mortes dans une frappe qu’il a attribue à l’armée israélienne, information reprise par de nombreux médias internationaux.
Or, une source du renseignement européen consultée par l’AFP a plutôt fait état mercredi de « quelques dizaines de morts » seulement.
Des images satellites du lieu de détonation, qui s’est produite dans l’obscurité, ont été publiées mercredi par Maxar Technologies. Selon la société, ce serait plutôt dans le stationnement de l’hôpital qu’a eu lieu « la probable zone d’impact », alors que le bâtiment n’a subi « aucun dommage structurel significatif ».
Aucun élément ne corrobore la présence de centaines de personnes sur le stationnement où aurait atterri le tir, a également affirmé la source de renseignement européen à l’agence de presse.
De nombreux témoignages rapportés par des médias ayant visité les lieux mercredi font toutefois état d’un chaos total dans l’hôpital et d’horribles blessures, alors que la collecte des corps se poursuivait.
Propagande
Houchang Hassan-Yari, professeur au Collège militaire royal du Canada, est convaincu que cet incident est un coup de propagande de guerre de la part du Hamas.
Selon lui, le groupe qui contrôle la bande Gaza éprouvait des difficultés sur le plan de son image depuis son attaque du 7 octobre et « devait faire quelque chose » pour faire mal paraître l’armée israélienne et également essayer de faire dérailler la visite de Joe Biden qui tentait de rallier des pays voisins à la cause d’Israël.
« Les pays arabes commençaient à se poser des questions sur la logique de l’atta-que du Hamas, le nombre de morts israéliens, mais aussi les otages qui comptent des femmes, des bébés, des vieillards », croit M. Hassan-Yari.
« À qui ça peut servir qu’il y ait eu 500 morts versus les informations qu’il y ait eu 50 morts ? » soulève Simon Thibault, professeur en science politique à l’Université de Montréal. Pour certains analystes, ça mettrait de la pression sur Joe Biden ».
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Sur les médias sociaux
M. Thibault souligne également que la désinformation peut allègrement circuler sur des médias sociaux, entre autres sur X, propriété d’Elon Musk, qui a fait en sorte, depuis son arrivée, d’alléger le contrôle des contenus qui y sont publiés.
Les chefs d’État avaient été plusieurs à réagir fortement à l’incident de l’hôpital, dont Justin Trudeau.
Pour M. Hassan-Yari, « c’est vraiment irresponsable » de leur part de « s’embarquer dans cette propagande sans prendre une distance pour étudier la chose ».
La désinformation depuis le début de cette guerre a aussi été relayée par Israël. Quelques jours après l’attaque du Hamas, un porte-parole du pouvoir de l’État hébreu a allégué que des bébés avaient été décapités, une information relayée ensuite par Joe Biden. Or, aucune preuve n’a ensuite été fournie pour appuyer ces allégations, et les gouvernements américain et israélien ont par la suite reconnu qu’ils ne pouvaient pas en confirmer la véracité.
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