«Hommes morts»: Israël traque les cerveaux de l'attaque du Hamas
Agence France Presse
Israël, qui a juré d'éradiquer le Hamas après l'attaque inédite du 7 octobre, répète que chaque membre du mouvement islamiste est voué à être tué, avec tout en haut de sa liste les deux cerveaux présumés de l'assaut.
• À lire aussi: Civils palestiniens et israéliens, enjeu d'accusations réciproques de crimes de guerre
• À lire aussi: EN DIRECT | Israël-Hamas: 13e jour de guerre
Mohammed Deif, qui dirige la branche militaire du Hamas, et Yahya Sinouar, son chef politique à Gaza, ont déjà fait l'objet de multiples tentatives d'assassinats mais la chasse à l'homme semble cette fois avoir pris une nouvelle tournure.
Depuis le 7 octobre et l'attaque menée par des commandos du Hamas ayant pris Israël par surprise et semé l'effroi, 1 400 personnes ont été tuées sur le sol israélien, en majorité des civils, et 199 enlevés.
«Les terroristes du Hamas ont deux options: être tués ou se rendre sans condition. Il n'y a pas de troisième option», a assuré le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant.
Le mouvement islamiste palestinien, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007 et considéré comme «terroriste» par les États-Unis et l'Union européenne, assure «ne pas avoir peur».
D'après des sources de sécurité extérieures à Gaza, Yahya Sinouar et Mohammed al-Deif sont probablement tapis dans les réseaux de tunnels construits pour échapper aux frappes que l'armée israélienne mène dans la bande de Gaza, qui ont fait plus de 3 700 morts depuis le début de la guerre, selon les autorités locales.
Les deux hommes, héros aux yeux de nombreux Palestiniens pour qui ils incarnent la lutte armée contre l'occupation israélienne, ont agi dans l'ombre pendant des années.
Selon des experts, leur mouvement a un plan B s'ils venaient à disparaître.
- Écoutez la chronique politique américaine avec le professeur Luc Laliberté via QUB radio :
«L'invité»
Yahya Sinouar, 61 ans, est particulièrement dans le viseur de l'armée israélienne, pour qui il est «le visage du diable» et «un homme mort qui marche».
Elu chef du Hamas à Gaza en 2017 lorsque son prédécesseur, Ismaïl Haniyeh, a pris la direction du bureau politique du mouvement avant de s'exiler, il a rejoint l'organisation en 1987 pendant la première Intifada.
Diplômé de l'Université islamique de Gaza, ce partisan farouche de la lutte armée a appris l'hébreu pendant ses 23 années dans les prisons israéliennes. Il purgeait quatre peines de prison à vie pour l'assassinat de deux soldats israéliens lorsqu'il a été libéré en 2011 dans le cadre d'un échange de 1 000 prisonniers palestiniens, dont il était la figure la plus importante, contre le soldat franco-israélien Gilad Shalit.
Tout comme M. Sinouar, Mohammed al-Deif est né dans le camp de réfugiés de Khan Younès (sud de la bande de Gaza), et a été inscrit en 2015 sur la liste américaine des «terroristes internationaux» les plus recherchés.
Mais le chef des brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, est davantage méconnu. Un seul portrait, vieux d'au moins 20 ans, circule, tandis que les autres clichés le montrent masqué ou dans l'ombre.
Né Mohammed Diab al-Masri en 1965, son surnom «al-Deif» («l'invité» en arabe) vient supposément du fait qu'il ne dort jamais plus d'une nuit au même endroit.
Son épouse et au moins un de ses enfants sont morts dans un raid aérien israélien en 2014.
«Plan de secours»
Ayant survécu à au moins six tentatives d'assassinat, qui lui auraient notamment fait perdre un oeil, ses ennemis disent de lui que c'est «un chat aux neuf vies».
«La rage de notre peuple et de notre nation est en train d'exploser», l'entend-on dire dans un audio diffusé par les canaux du Hamas au matin de l'attaque.
Il s'est engagé dans les rangs du Hamas dans les années 1980 et a été arrêté lors de la Seconde Intifada (2000-2005) mais s'est échappé ou a été libéré d'une prison de l'Autorité palestinienne en 1999.
Il est devenu le chef de la branche armée du Hamas en 2002, et en conséquence, la bête noire d'Israël qui l'accuse d'avoir organisé des attentats suicide à la bombe, des enlèvements et d'autres attaques.
Sinouar, Deif ou tout autre chef du Hamas: ils sont tous des «hommes morts», a assuré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.
Mais comme par le passé, lorsqu'Israël a éliminé des chefs du Hamas dont son chef spirituel cheikh Ahmad Yassine puis son successeur Abdel Aziz Rantissi en 2004, leur assassinat pourrait porter un coup au mouvement sans toutefois l'affaiblir durablement, ce qui est pourtant l'objectif assumé d'Israël, selon des experts.
En outre, d'autres poids lourds du groupe opèrent depuis l'étranger.
«Sinouar et Deif sont clairement la priorité parmi les dirigeants, leur perte esquintera le Hamas mais on peut supposer que le groupe a déjà prévu un plan de secours», estime Dr H.A. Hellyer, spécialiste de sécurité internationale à l'institut Royal United Services de Londres.