Heille, les médias anglos, arrêtez de nous expliquer notre amour pour le CH
Philippe Melbourne Dufour
Ce matin, quand j’ai appris la triste nouvelle du décès de Guy Lafleur à l’âge de 70 ans, j’ai ressenti un fort besoin d'appeler mon père pour lui dire que je l’aimais.
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À l’autre bout du fil, j’ai entendu le trémolo dans sa voix alors qu’il me parlait de ses meilleurs souvenirs du Démon blond.
Le même trémolo que j’ai entendu au décès de Jean Béliveau et de Maurice Richard. Entre autres.
Pour mon père francophone qui a grandi à l’extérieur du Québec, il est impossible de quantifier l’importance que ces trois figures monumentales ont eue sur son estime personnelle. À l’époque, avoir un héros qui parlait français était d'une importance monumentale.
Mon père n'est évidemment pas le seul homme d’un certain âge à être dévasté par le départ prématuré de Guy. Plusieurs autres messieurs de la génération qui ne parle pas beaucoup de ses émotions ont indiqué sans honte que, ce matin, ils ont pleuré.
C’est pourquoi je suis resté bouche bée quand, parmi les hommages au numéro 10, j’ai vu passer sur Facebook un article publié jeudi par Cult MTL, intitulé The Montreal Canadiens are a sports team, not simply a cultural monolith.
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L’article écrit par Dave MacIntyre traite d’un tweet du député bloquiste Denis Trudel dans lequel ce dernier indique qu’il n'accepte pas le fait que Carey Price n’ait pas encore appris le français.
Entendu Carey Price hier soir à la télévision : la plus grande vedette du sport à Mtl incapable de parler la langue de la majorité des gens qui achète des billets pour aller applaudir ses exploits !
— Denis Trudel (@trudel_denis) April 19, 2022
Après des années !!!
Je ne l'accepte tout simplement pas !@CanadiensMTL
M. MacIntyre soulève des points intéressants sur cet enjeu précis. Cependant, il passe à côté d’un aspect important concernant la relation du CH avec ses fans francophones.
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On peut avoir des opinions divergentes sur la nécessité, pour un joueur qui décide de jouer à Montréal, de parler français. Par contre, le fait de minimiser l’importance culturelle du Tricolore pour les Québécois en rappelant que «c’est une simple équipe de sport» n’est pas anodin.
«But in an increasingly globalized world, and with hockey having a much wider reach now compared to the days of Richard, Jacques Plante, Guy Lafleur et al, they aren’t the only demographic that gets to call the team theirs.»
Bon. OK. Premièrement, merci de nous expliquer que le CH est un business.
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Deuxièmement, le fait de publier ce texte alors que tout le monde était au courant qu’un des Québécois les plus marquants de l’histoire était sur son lit de mort est plutôt de mauvaise foi.
Troisièmement, qu'il le veuille ou non, le Canadien de Montréal restera toujours une source de fierté pour le peuple québécois, ayant été, historiquement, un vecteur d'affirmation nationale à une époque où les francophones étaient sous le joug colonialiste des anglophones. Et le lien qui unit le Québec à ses Glorieux est infiniment plus puissant qu’un simple lien entre équipe et partisans. Comme le FC Barcelone, le CH est «plus qu'un club».
M. MacIntyre, oui, le monde est de plus en plus géré par l’argent, c’est pourquoi il est important de protéger les rares trésors qui nous restent et qui sont toujours capables d’unir.
Guy était un de ces symboles. Et il va nous manquer profondément.
Bon voyage, Guy, merci pour tout.
P.-S. – Si votre père est un fan de hockey, appelez-le. Ça va sûrement lui faire plaisir.