Heather O’Neill lance un nouveau roman: Montréal à l’époque victorienne


Marie-France Bornais
Véritable magicienne des mots, écrivaine primée, saluée par la critique en anglais et en français, la Montréalaise Heather O’Neill invite ses lecteurs (des vrais fans!) à suivre les aventures de deux jeunes filles dans le Montréal de l’époque victorienne dans son nouveau roman, Perdre la tête. Marie, enfant gâtée d’un baron du sucre, rencontre la sombre Sadie en 1873, une fille d’un quartier pauvre. Contre toute attente, elles joueront un rôle inattendu dans des événements qui bouleverseront leur ville.
En 1873, Marie Antoine, enfant gâtée et charismatique du Mile doré que tous les adultes admirent pour ses propos fantaisistes, rencontre Sadie Arnett, qui vient du milieu ouvrier. Entre elles naît une amitié forte, mais tumultueuse : les filles jouent à des jeux de plus en plus dangereux. Au point où un jour, il faudra les séparer.
Chacune de leur côté, les filles traversent l’adolescence, à leur manière. Marie Antoine cherche le plaisir et le luxe, mais découvre que des enfants travaillent dans la raffinerie de sa famille. Sadie, envoyée en Angleterre après un drame, se lance dans l’écriture et revient ensuite à Montréal pour découvrir un quartier malfamé où la classe ouvrière prépare une révolution.
Combler un manque
Heather O’Neill a adoré s’immerger dans le Montréal de la fin des années 1800 pour écrire ce roman coloré, plein de surprises, magnifiquement écrit, dont la traduction française est signée Dominique Fortier. «C’était une période très intéressante. Je trouvais qu’il n’y avait pas grand-chose d’écrit sur l’époque victorienne. Il y avait plein d’affaires écrites qui venaient d’Europe, mais il y avait un manque de littérature qui prenait place à Montréal», explique-t‐elle, en français, en entrevue.

«Je trouvais que pour le quartier Golden Mile (Mile doré), c’était facile de faire des recherches sur les édifices, le quartier, les événements qui se sont produits. Mais ce qui était difficile, c’était de recréer le quartier que j’ai créé, et que j’ai appelé dans mon livre le Mile sordide, parce que c’était un quartier construit de manière très vite, très pénible, où les gens pauvres, les immigrants qui venaient d’Irlande ou de Russie, ont tous habité.»
«C’était difficile de tout trouver sur ce quartier. J’ai cherché. J’ai regardé dans les musées, cherché des détails pour le reproduire. Mais j’ai trouvé tellement de détails merveilleux : j’ai lu quelque part qu’il y avait un ours en train de danser dans une ruelle, pour les enfants.»
C’est une histoire qui a disparu, note-t-elle. «Mais quand je l’ai recherchée, c’était tellement vivant ! Il y a un aspect théâtral. C’était intéressant pour moi et chaque fois que je trouvais un nouveau détail, ça me donnait de la joie, parce que c’était comme une petite graine qui allait ensuite grandir.»
Heather O’Neill parle d’amitié entre femmes, d’industrialisation, de pouvoir et de classes sociales dans son roman. «À cette époque, au Canada, 75 % de la richesse était détenue par environ 50 gars. Ce sont les ouvriers et les femmes qui ont travaillé pour eux qui ont vraiment construit Montréal. C’est à cette époque-là que la ville s’est construite.»