Guerre des trafiquants à Québec: les Hells Angels veulent éviter le pire
Les motards criminalisés tentent de régler par la négociation le violent conflit qui les oppose à des trafiquants dans la Capitale-Nationale
Eric Thibault, Kathryne Lamontagne et Félix Séguin
Pour éviter de déclencher une autre guerre sanglante, les Hells Angels tranchent avec leurs habitudes et tentent de régler par la négociation le violent conflit qui les oppose à des trafiquants dans la Capitale-Nationale.
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Les membres de l’impitoyable gang impliqué dans la guerre des motards, qui a fait 165 morts au Québec entre 1994 et 2002, ont en effet entrepris des pourparlers avec des trafiquants rebelles d’un groupe mené par le jeune caïd Dave «Pic» Turmel, a appris notre Bureau d’enquête.
Ces derniers refusent depuis un an de verser aux Hells des redevances de 10% de leurs ventes – communément appelées une «taxe» ou un «loyer» dans le monde interlope – comme c’est devenu la règle au sein de ce milieu depuis plus de dix ans.
Même s’ils sont réputés pour régner sans partage sur le marché de la drogue au Québec, les Hells ont encaissé sans trop riposter aux attaques répétées dont ils sont les cibles en lien avec cette querelle, dans les derniers mois.
Profil bas
Selon nos informations, les Hells veulent rester low profile et éviter que ce conflit dégénère en guerre ouverte qui pourrait s’étendre ailleurs, comme à Montréal où les trafiquants récalcitrants ont notamment des liens avec le redoutable gang de rue Profit Boys.
- Écoutez le segment judiciaire avec Félix Séguin via QUB :
De plus, nos sources croient que la quinzaine de membres des Hells du chapitre de Québec, qui ont tous retrouvé leur liberté ces dernières années après avoir purgé de longues peines d’incarcération pour leur rôle dans la guerre meurtrière qu’ils ont menée aux Rock Machine à la fin des années 90, ne seraient pas enclins à risquer de nouveau la prison en se mouillant dans une autre bataille armée.
«Ils sont plus sur l’axe de la négociation pour essayer de trouver des ententes, plutôt que d’aller vers la violence.»
«Les [motards] ont appris beaucoup de choses dans les dernières années et ils sont plus sur l’axe de la négociation pour essayer de trouver des ententes, plutôt que d’aller vers la violence», nous a déclaré l’inspecteur-chef Michel Patenaude, directeur des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec, dans un reportage qui sera diffusé vendredi soir à l’émission J.E sur les ondes de TVA.
Les forces de l’ordre croyaient observer une accalmie en début d'année. Mais depuis une semaine, trois commerces liés aux Hells ont flambé à Québec, en Beauce et à La Pocatière.
«On tue la concurrence»
La «méthode douce» actuellement préconisée par les Hells tranche de façon radicale avec les méthodes traditionnellement utilisées depuis que le gang de motards a implanté son premier chapitre canadien à Montréal, en décembre 1977.
«On tue la concurrence. Par exemple, dans la drogue, si ton compétiteur veut pas faire affaire avec toi, s’il comprend pas, tu l’élimines. Pis là, les autres vont comprendre qu’ils sont mieux de faire affaire avec toi», avait d’ailleurs déclaré l’ex-Hells Angels Sylvain Boulanger à des enquêteurs de la SQ lorsqu’il est devenu le délateur vedette de l’opération SharQc.
Fuite en Europe
Selon nos sources, en plus des négociations, les motards espèrent en venir à «isoler» leur leader Dave Turmel, dont la chicane avec son ancien fournisseur en stupéfiants et porte-couleurs recrue des Hells de Québec, Mathieu Pelletier, est à l’origine de cet affrontement.
Décrit dans des documents policiers comme le chef du gang de rue Blood Mafia Family (BMF), Turmel a fui le pays l’été dernier, juste avant de faire l’objet d’un mandat d’arrestation par le Service de police de la Ville de Québec à la suite d’une enquête antidrogue.
Le caïd de 27 ans vivrait présentement en exil dans un pays d’Europe à partir duquel il continuerait à diriger ses activités criminelles, ainsi que sa rébellion contre l’organisation criminelle que les autorités considèrent présentement comme la plus puissante au Canada.
De leur côté, les autorités canadiennes ont entrepris des démarches auprès de l’agence Interpol dans l’espoir de mettre fin à la cavale outre-mer de Dave Turmel et de le rapatrier à Québec pour l’amener devant la justice, d’après nos informations. Toutefois, rien ne laisse croire que son arrestation soit imminente.
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