Guerre des trafiquants à Québec: Interpol ira-t-elle traquer le caïd en exil Dave «Pic» Turmel en Europe?
Le jeune gangster mène sa guerre contre les Hells Angels de la capitale pendant qu’il est en fuite au Portugal
Eric Thibault, Félix Séguin et Kathryne Lamontagne
Le jeune caïd Dave «Pic» Turmel, qui parvient à mener avec son gang une violente guerre contre les Hells Angels dans la région de Québec même s’il est en cavale en Europe depuis plusieurs mois, ne fait toujours pas l’objet d’un avis de recherche mondial de l’agence Interpol.
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Pourtant, plusieurs criminels québécois qui ont fui la justice dans le passé, dont des Hells Angels, ont déjà été traqués sans délai à l’étranger par Interpol.
Des sources policières ont confirmé à notre Bureau d’enquête que des démarches sont en cours afin d’intensifier la traque visant le leader du Blood Family Mafia (BFM), qui se cacherait au Portugal.
La «notice rouge»
Pas moins de 196 pays sont membres d’Interpol, ce qui en fait la plus imposante organisation policière au monde.
À l’heure actuelle, un total de 6817 criminels en cavale provenant des quatre coins de la planète sont recherchés dans ces 196 pays, en vertu d’une alerte que les autorités appellent une «notice rouge».
Une cinquantaine de Canadiens font présentement l’objet d’un tel avis de recherche international.
Crimes graves
La gravité des crimes dont on accuse le fuyard dans son pays d’origine est un critère primordial dans l’évaluation et le traitement d’une demande de «notice rouge» d’Interpol, selon des sources policières que nous avons consultées.
Dave Turmel est recherché par la police de Québec pour des crimes qui ne sont pas passibles des peines les plus sévères dans le Code criminel canadien: trafic de stupéfiants, complot et voies de fait armées.
- Écoutez l'entrevue avec Éric Thibault, journaliste au bureau d’enquête de Québecor, via QUB :
La plupart des Canadiens en cavale qui sont traqués par Interpol sont inculpés de meurtre, de tentative de meurtre, de terrorisme ou d’évasion d’une garde légale.
L’un d’eux, le trafiquant montréalais Rabih Alkhalil, est recherché par Interpol depuis qu’il s’est évadé d’une prison de la Colombie-Britannique, le 21 juillet 2022, où il était détenu en attente de son procès pour meurtre.
L’urgence d’agir
Est-ce que le criminel recherché est un dangereux tueur ou prédateur qui risque de faire d’autres victimes de façon imminente? L’urgence d’intervenir pour les forces de l’ordre représente l’autre grand facteur susceptible d’accélérer l’émission d’une telle alerte via Interpol.
Dans le cas Turmel, nos sources se demandent si la capture éventuelle et le rapatriement du jeune caïd devant la justice canadienne pourraient vraiment freiner cette guerre des trafiquants à Québec. Si Turmel peut diriger l’affrontement contre les Hells à partir de l’Europe, il pourrait vraisemblablement faire de même à partir de sa cellule au Centre de détention de Québec.
Diplomatie et bureaucratie
Les démarches avec Interpol peuvent s’enliser dans des dédales bureaucratiques ou politiques, d’après nos sources. «Tout passe par le fédéral», rappelle l’une d’elles, en insistant sur l’importance capitale des bonnes relations diplomatiques que le Canada entretient avec les pays où les fuyards se cachent, ainsi que le rôle important joué par le ministère fédéral de la Justice à Ottawa. Questionné sur ce dossier, le ministère s’est abstenu de commenter.
- Écoutez la revue de presse commentée par Alexandre Dubé via QUB :
Le cas Magnotta
Le tristement célèbre Luka Rocco Magnotta, condamné pour avoir tué et démembré un étudiant dans le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, fut étiqueté d’une «notice rouge» en un temps record – moins de deux jours – et capturé à Berlin en moins d’une semaine de cavale en 2012. Le jour même où la police de Montréal a découvert des restes de la victime, le quartier général du Parti conservateur du Canada à Ottawa recevait un colis contenant un pied, ainsi que des messages de menaces à l’endroit du premier ministre Stephen Harper, que le tueur avait lui-même postés après le meurtre. Pas étonnant qu’Interpol se soit vite mêlé du dossier, d’après nos sources.
Pas un gage de succès
La «notice rouge» d’Interpol ne garantit pas qu’un fuyard notoire sera retrouvé ni capturé à l’étranger. Cela fait maintenant près de 23 ans que les autorités tentent de localiser le Hells Angels David «Wolf» Carroll, qui habitait à Morin-Heights, dans les Laurentides. Maintenant âgé de 71 ans, le motard a fui le Canada juste avant l’opération Printemps 2001 qui a décimé le chapitre Nomads du chef déchu des Hells Maurice «Mom» Boucher, et dont il faisait partie. Depuis, les autorités canadiennes ont été avisées que le motard aurait été vu dans de nombreux pays. Des accusations de meurtres, de complot, de trafic de stupéfiants et de gangstérisme pèsent toujours contre lui.
Les Hells y ont goûté
Les Hells Angels, à qui le gang de Turmel fait la vie dure depuis près d’un an dans la région de la capitale, comptent plusieurs membres québécois ayant eux-mêmes été appréhendés à l’étranger avec l’aide d’Interpol. Ce fut le cas d’une dizaine de Hells qui avaient fui le pays avant la vague d’arrestations de l’opération SharQc, où la quasi-totalité des membres du gang fut inculpée de meurtre en 2009. Entre autres, Martin Robert, maintenant considéré comme le plus influent membre du gang au Québec, avait été capturé au Mexique après neuf mois de cavale. Quant à Michel «L’Animal» Lajoie-Smith, qui contrôlait alors une partie du marché de la drogue à Laval, il s’était réfugié au Panama où il a pu se cacher durant trois ans avant d’être repris.
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