Guérir le sida grâce au Québec
Montréal figure dans l’élite internationale de la recherche pour contrer le VIH
![Le virologue Éric Cohen dans son laboratoire de l’Institut de recherche clinique de Montréal. Il traque le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) depuis ses études à l’Université Harvard, il y a plus de 30 ans.](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F65461949_393569ad0383e3-83e1-4112-a535-7f90114c5979_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
![Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2FMathieu_Robert_Sauvebb9b8799-e890-4a94-a066-dbd79a9c5fd6_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Mathieu-Robert Sauvé
La guérison du vih-sida pourrait devenir une réalité d’ici cinq ans et Montréal est aux premières loges pour y assister grâce à un virologue québécois et son équipe, qui s’affairent présentement à cet exploit.
C’est une combinaison de vaccins et de médicaments qui pourrait mener à une guérison de cette maladie 40 ans après le signalement des premiers cas, croit Éric Cohen, virologue à l’Institut de recherche clinique de Montréal et professeur à l’Université de Montréal.
« Un peu comme dans le cas des cancers, nous aurions en face de nous des patients qui ne sont pas totalement débarrassés de la maladie, mais qui vivraient sans symptômes sur plusieurs années », indique-t-il.
Le Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH (CanCURE), qui a obtenu des fonds de 14,6 M$ sur 10 ans, réunit les forces vives de la recherche fondamentale et clinique, et ce, en direct de la métropole québécoise.
« Nous avons beaucoup progressé dans la compréhension du virus et nous avons bon espoir de surmonter les principaux obstacles vers la rémission d’ici les cinq prochaines années », affirme son directeur.
Patients guéris
Ces recherches se sont basées sur un phénomène rarissime : la guérison d’un patient infecté du virus sans aucun traitement en 2009. Le « patient de Berlin » avait toutefois reçu une greffe de moelle osseuse, ce qui a permis de recharger son système immunitaire.
Un autre patient, à Londres, a connu le même sort dix ans plus tard. Traité sans succès contre la progression du syndrome, le patient de Londres a reçu lui aussi une greffe de moelle osseuse et s’est débarrassé du virus...
Pour le journaliste scientifique Yanick Villedieu, qui publie ces jours-ci un livre sur l’histoire du sida intitulé Le deuil et la lumière, la présence du réseau CanCURE dans la métropole québécoise n’est pas surprenante compte tenu de son importance dans le monde scientifique.
Événement historique
En 1989, Montréal était l’hôte d’une conférence mondiale aujourd’hui considérée comme un tournant.
« Des activistes ont bloqué la conférence d’ouverture, attirant l’attention des médias sur l’importance d’un financement adéquat. Ça a été un moment historique », reprend M. Villedieu.
Plus important encore, c’est à Montréal qu’on a découvert le premier vrai médicament contre la maladie, le 3TC, de BioChem Pharma.
Encore utilisé de nos jours, il a pavé la voie à la trithérapie, qui permet de vivre presque normalement avec le virus.
Selon l’Université McGill, les quatre partenaires à l’origine du 3TC, Bernard Belleau, Mark Wainberg, Francesco Bellini et Gervais Dionne, ont permis de « sauver des millions de vies » en transformant une infection mortelle en maladie chronique.
Atlas des réservoirs
Un des problèmes cliniques auxquels se heurtent les experts est la capacité du virus à se cacher dans l’organisme infecté et à demeurer ainsi pendant des mois, voire des années, avant de se mettre en marche.
Ces « réservoirs » à virus sont encore mal connus et seul un échantillonnage rapide suivant le décès permettra d’identifier les sites de dormance, une des clés pour trouver une « cure ».
Grâce à un programme spécial, l’équipe du professeur Cohen a eu accès à deux corps qui leur permettront de cartographier les organes où se cache le virus.
« Cette étape est cruciale et nous sommes très reconnaissants aux personnes qui acceptent de donner leur corps à la science après leur décès du sida », commente le chercheur.
Malgré son optimisme, le professeur Éric Cohen rappelle que le VIH infecte encore 34 millions de personnes.
Le sida a 40 ans
1981 : Première publication sur le sida
Un article dans Morbidity and Mortality Weekly Report rapporte la mort étrange de six jeunes hommes de Los Angeles victimes d’une pneumonie. Le sida se manifeste, mais n’est pas encore « découvert ».
1983 Découverte du sida
Le virologue Luc Montagnier, de l’Institut Pasteur, à Paris, est le premier à décrire scientifiquement le virus du sida, ce qui lui vaut le prix Nobel en 2008.
1989 Cinquième conférence internationale sur le sida, à Montréal
Des activistes manifestent pour attirer l’attention du public et des gouvernements sur les ravages du sida.
1989 Découverte du 3TC
Le médicament, découvert à BioChem Pharma, à Montréal, permettra de sauver des millions de vies. C’est un « médicament essentiel », selon l’Organisation mondiale de la santé, depuis 2002.
1996 : Mise au point de la trithérapie.
Additionnée à deux autres traitements, le TTC pave la voie à la trithérapie, qui permet de retarder les ravages du sida.
2022 : 24e conférence sur le sida
En juillet 2022, les experts du sida ont rendez-vous à Montréal.