Grève des CPE et 3e lien: François Legault creuse un tunnel... et enterre la petite enfance


Shophika Vaithyanathasarma
J’ai fait un rêve cette nuit. J’ai rêvé à un Québec où l’éducation serait aussi prioritaire que le troisième lien. Dans ce Québec idéal, les éducatrices seraient parmi les professionnelles les mieux rémunérées du réseau public. Le gouvernement les mettrait même de l’avant dans ses campagnes de pub!
Les éducateurs auraient du temps de préparation, des ressources spécialisées à portée de main, des ratios enfants/adultes qui leur permettraient de respirer. Leurs carrières seraient longues, stables, stimulantes. Le Québec rayonnerait à l’international pour la qualité de ses programmes éducatifs en CPE, pour leur accessibilité universelle et pour son respect envers ces personnes qui élèvent nos enfants pendant qu’on alimente l’économie.
Et surtout: personne n’oserait dire aux éducatrices que ce qu’elles font est naturel, instinctif, ou un don. Collectivement, on comprendrait que c’est une expertise.
C’était juste un rêve.
CSN: le parcours des combattantes
La FTQ et la CSQ ont signé leur entente en janvier. Les 13 000 éducatrices de la CSN en sont à leur 13e jour de grève.
Pendant ce temps, Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor, et Suzanne Roy, ministre de la Famille, s’applaudissent. Pour elles, les hausses salariales sont suffisantes pour rendre la profession «plus attractive».
Le salaire, c’est important, évidemment. Mais la grève des éducatrices, on la résume trop souvent juste à ça. Ce que ces femmes demandent, ce sont de meilleures conditions pour offrir un service de qualité aux enfants. Et, par ricochet, elles défendent aussi le droit des parents, surtout des mères, à pouvoir travailler, à ne pas s’épuiser à compenser un système qui s’effondre.
Voyez-vous le mur? Moi, oui.
Personne ne veut devenir éducatrice.
Celles qui le sont encore, par miracle, ben... elles partent. Épuisées, découragées. Le gouvernement fait semblant d’être surpris et fait du gaslighting en faisant croire qu’on en demande... trop!
Petite enfance, gros mépris
En mai 2024, le rapport de la vérificatrice générale du Québec révélait que 30% des CPE échouaient sur le plan de la qualité éducative. En novembre, le journaliste Thomas Gerbet nous apprenait que le salaire chez Costco dépassait celui des éducatrices. Et la ministre de la Famille? Elle se réjouit du nombre de places et d’infrastructures ouvertes. Comme si une chaise vide pouvait compenser une éducatrice... inexistante!
Et pendant ce temps, on prive plus de 27 000 enfants de services de garde de qualité. Marylin Dion, directrice générale de Ma place au travail, résume bien les constats du rapport sur les répercussions de la crise dans les services de garde sur les familles: «S’il n’y a pas d’éducatrices, il n’y a pas de services. Donc, des centaines de parents ne travaillent pas, ne paient pas d’impôts, ne contribuent plus à l’État.»
L’Observatoire des tout-petits est clair: chaque dollar investi dans l’éducation à la petite enfance rapporte 6$ en bénéfices économiques. Investir tôt en petite enfance, ça améliore la réussite scolaire, réduit la pauvreté et le taux de criminalité, et profite à toute la société.
C’est aussi simple (et aussi grave) que ça.