Gestion moderne des soins intensifs
Un centre d’appel s’assure que les grands malades se retrouvent dans le meilleur milieu de soins possible
Nora T. Lamontagne
Une équipe méconnue d’infirmières, de médecins et de gestionnaires se casse la tête jour et nuit pour optimiser l’utilisation de nos soins intensifs, qui n’ont jamais été aussi occupés qu’en cette période de vague d’Omicron.
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En ce jeudi où Le Journal visite virtuellement le COOLSI, le Centre d’optimisation d’occupation des lits de soins intensifs, une certaine fébrilité règne.
Sur les quatre grands écrans affichant en temps réel l’occupation des lits aux soins intensifs des hôpitaux du Québec, il y a beaucoup de rouge.
« On doit faire toute une gymnastique pour mettre le patient qui en a le plus besoin dans la bonne unité de soins », affirme la Dre Caroline Ouellet, anesthésiste intensiviste du centre basé au CHUM.
Les déplacements coordonnés par le COOLSI servent à aiguiller un malade vers les soins hyperspécialisés d’un autre hôpital, ou encore à désengorger des unités en manque de lits disponibles aux soins intensifs en envoyant un malade ailleurs.
Ce sont des infirmiers-téléphonistes qui prennent en charge le transfert de patients entre les établissements, plutôt que le médecin en milieu hospitalier.
Service essentiel
« La COVID nous a démontré qu’en situation de crise, c’était absolument essentiel », affirme Marie-Ève Desrosiers, gestionnaire du COOLSI.
Inauguré en mars 2019, le Centre a fait ses preuves depuis le début de la pandémie. En cette cinquième vague, il est même sollicité de toutes parts.
« Le nombre d’appels s’est mis à augmenter très rapidement. [Certains jours], on en a eu quatre fois plus qu’à l’habitude », confirme Caroline Riopel, infirmière-cheffe de la petite équipe qui emploie entre trois et six personnes chaque jour.
« On y va une demande à la fois. On a besoin de comprendre le patient de la tête aux pieds pour le transférer au bon endroit », explique Ali El-Akhras, un infirmier clinicien qui travaille de nuit.
Vu l’état instable de certains malades, le jeune homme doit parfois trouver un centre prêt à les accepter en aussi peu que 30 minutes.
Un rempart contre le délestage
Peu importe la vague, la provenance des requêtes varie au gré des foyers de contamination et des enjeux de personnel des établissements.
Ce jeudi, neuf demandes ont été prises en charge par le COOLSI, alors qu’un total de 285 personnes se trouvaient aux soins intensifs.
La majorité des requêtes proviennent de Montréal, étant donné la situation épidémiologique actuelle (voir ci-contre), précise la Dre Ouellet.
Mais peu importe la région, chaque lit libéré grâce au COOLSI permet de minimiser les risques d’annuler des opérations majeures par manque de place aux soins intensifs, rappelle l’intensiviste.
« La coordination en temps de délestage prend encore plus de sens », affirme-t-elle, en saluant le travail invisible de l’équipe qui la rend possible.
Des nouvelles pratiques qui bousculent
Les transferts de patients orchestrés par le COOLSI ont provoqué une petite révolution dans les soins intensifs ici, malgré quelques réfractaires à l’idée.
Jusqu’en 2019, les médecins devaient faire leurs propres démarches pour transférer un patient dans un hôpital qui correspondrait mieux à ses besoins, sans savoir lequel avait des lits disponibles.
En résultait « un travail de coordination inefficace, sans règles, où les médecins se faisaient souvent dire non alors que leur patient avait besoin de soins critiques », affirme la Dre Caroline Ouellet.
Depuis la naissance du COOLSI, les demandes passent plutôt par un numéro unique où un infirmier planifie le transfert du patient tout en ayant accès, en temps réel, aux capacités de chaque hôpital.
Coopération forcée
Si deux centres refusent d’accueillir le malade, un coordonnateur médical entre en jeu et peut imposer le transfert à l’un d’eux.
« Chacun des 34 [CISSS et] CIUSSS est habitué à travailler pour sa région. Alors, quand nous on arrive avec des principes de coordination, ça bouleverse leurs habitudes », observe Caroline Ouellet.
« Au bout du fil, ce n’est pas toujours facile. J’ai parfois été surprise du ton sec ou cassant de certains », déplore-t-elle.
Le Dr Michel de Marchie, de l’Hôpital général juif de Montréal, a fait le même constat en échangeant avec des homologues qui devaient accueillir ses patients.
« Du côté du COOLSI, l’infirmière a fait un bon travail. Mais ça m’est arrivé qu’un médecin se désiste [du transfert] ou qu’il soit soupe au lait », témoigne l’intensiviste.
Post-COVID
Depuis le début de la pandémie, les services du COOLSI ont été très utiles pour transférer des patients des hôpitaux « froids » aux hôpitaux « chauds ».
Or, le tandem derrière le Centre estime qu’il est là pour rester, même une fois la COVID terminée.
« Un patient qui passe trois jours de trop dans une unité spécialisée, ce n’est pas rentable pour personne », souligne la Dre Ouellet.