Plus de 110 morts dans une distribution d'aide qui tourne au «massacre» à Gaza
Agence France Presse
Des soldats israéliens ont ouvert le feu jeudi à Gaza sur une foule affamée pendant une distribution d'aide qui a tourné au chaos avec la mort de plus de 110 personnes, selon le Hamas, le jour où le bilan de la guerre a dépassé les 30 000 morts dans le territoire palestinien.
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Tout en reconnaissant des «tirs limités» par des soldats israéliens se sentant «menacés», un responsable de l'armée a fait état «d'une bousculade durant laquelle des dizaines d'habitants ont été tués et blessés, certains renversés par les camions d'aide».
«La vie quitte Gaza à une vitesse terrifiante», s'est indigné le chef des Affaires humanitaires de l'ONU, Martin Griffiths, près de cinq mois après le début de la guerre entre Israël et le Hamas déclenchée par une attaque sans précédent sur le sol israélien du mouvement islamiste palestinien.
Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir d'urgence à huis clos à 21H15 GMT pour évoquer le drame à Gaza.
L'ONU estime que 2,2 millions de personnes, soit l'immense majorité de la population, sont menacées de famine dans la bande de Gaza assiégée par Israël, en particulier dans le nord, où des Palestiniens ont raconté manger du fourrage ou abattre des animaux de trait pour se nourrir.
Un médecin de l'hôpital al-Chifa à Gaza-Ville a affirmé que des soldats israéliens avaient tiré sur «des milliers de citoyens» qui se précipitaient vers les camions d'aide, le ministère de la Santé du Hamas annonçant 112 morts et 760 blessés dans ce «carnage».
«Ces souffrances doivent cesser»
Selon des témoins et les services de santé de Gaza, les soldats postés à proximité pour protéger le convoi ont ouvert le feu sur la foule qui se ruait sur les camions à leur arrivée à un rond-point de la ville.
L'Autorité palestinienne basée en Cisjordanie occupée, séparée de la bande de Gaza par le territoire israélien, a «condamné un massacre odieux commis par les forces d'occupation».
Le président américain Joe Biden a indiqué que son pays examinait les «versions contradictoires» du drame.
Le jour même, le ministère de la Santé du Hamas a annoncé un nouveau bilan de 30 035 morts et 70 457 blessés, la plupart des civils, depuis le début de la guerre le 7 octobre, dans le territoire palestinien où le Hamas a pris le pouvoir en 2007.
«Le bilan des morts à Gaza a dépassé les 30 000 (...) Ces souffrances doivent cesser», a écrit le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, sur X.
- Écoutez l'éditorial d’actualité de Yasmine Abdelfadel via QUB :
«Probablement» pas de trêve
Pendant ce temps, les espoirs d'une trêve avant le début du ramadan, un mois de jeûne sacré pour les musulmans qui commence le soir du 10 ou le 11 mars, ont été douchés.
Il n'y aura «probablement» pas de trêve à Gaza d'ici lundi, a affirmé Joe Biden après avoir dit en début de semaine qu'il espérait un cessez-le-feu d'ici au 4 mars.
Les médiateurs - Qatar, Etats-Unis, Egypte - tentent depuis des semaines d'arracher un accord qui permettrait une pause dans les combats accompagnée d'une libération d'otages israéliens retenus à Gaza.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, deux Israéliens ont été tués par balles dans une attaque près de la colonie d'Ely. Un «terroriste arrivé à la station-service d'Ely a ouvert le feu» avant d'être «neutralisé», a indiqué l'armée.
La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque lancée par des commandos du Hamas infiltrés depuis la bande de Gaza voisine dans le sud d'Israël, qui a causé la mort d'au moins 1 160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles israéliennes.
Durant l'attaque, quelque 250 personnes ont été enlevées et emmenées dans la bande de Gaza. Selon Israël, 130 otages y sont encore retenus, dont 31 seraient morts, après la libération de 105 otages et de 240 prisonniers palestiniens détenus par Israël lors d'une trêve fin novembre.
En représailles, Israël a juré d'anéantir le Hamas considéré par les Etats-Unis et l'Union européenne, comme une organisation terroriste.
Son armée pilonne sans répit la bande de Gaza et a lancé le 27 octobre une offensive terrestre dans le nord du territoire, qui s'est progressivement étendue jusque dans le sud.
Les combats continuent de faire rage dans plusieurs secteurs du territoire palestinien, notamment à Khan Younès, dans le sud, près de Rafah.
«Le monde devrait avoir honte»
À travers la bande de Gaza, les civils sont pris au quotidien dans les combats et les bombardements, qui n'ont épargné aucune zone, dévasté des quartiers entiers et forcé 1,7 million de personnes à fuir leur foyer.
Selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), «la famine se profile à Gaza (...) Un million d'enfants subissent un traumatisme quotidien.»
Poussés toujours plus vers le sud à mesure que les combats s'étendaient, près de 1,5 million de déplacés selon l'ONU ont gagné Rafah, une ville de quelque 270 000 habitants avant la guerre.
Ils sont massés sans échappatoire dans cette ville collée contre la frontière fermée avec l'Egypte, et bombardée quotidiennement par Israël.
Mais le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est dit déterminé à y lancer une offensive terrestre pour selon lui vaincre le Hamas dans son «dernier bastion».
«J'ai peur qu'ils ne lancent une attaque contre Rafah. Où irons nous? affirme Abdallah al-Masry, 19 ans, déplacé de Beit Hanoun (nord). Nos familles dans le nord n’ont rien, ni nourriture, ni eau. Ils nous disent qu’ils mangent des pigeons morts et de la viande d’âne. Le monde devrait avoir honte!»