François Morency ne ferme pas la porte à écrire une autre série
Daniel Daignault
Ça y est: la septième et toute dernière saison de la comédie Discussions avec mes parents est maintenant sur nos écrans. François Morency, l’idéateur, auteur et comédien derrière ce projet très populaire, nous raconte à quoi on doit s’attendre, et comment il vit la fin de cette grande aventure.
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François, tu sais qu’il y a énormément de téléspectateurs qui sont déçus de cette fin annoncée?
Oui, il y en a beaucoup qui sont tristes. Les gens me demandent si c’est une joke, mais non, ce n’en est pas une. C’est ma décision, et c’est bien assumé. On a fini avec un peu de nostalgie et de pleurs, et c’est ce que je voulais. Je souhaitais que ça se termine et que ça fasse un peu mal. Si tu arrêtes et que tout le monde est content que ça finisse, c’est parce que ça a duré trop longtemps. Ça fait que le tournage était encore plus spécial. À chaque étape, on a vécu des petits deuils: la dernière scène dans le décor; la dernière scène dans la maison des parents; la dernière scène avec tel acteur ou telle actrice. J’ai construit l’horaire de sorte que la toute dernière scène qu’on a tournée réunisse les cinq membres de la famille — les parents et les trois enfants —, pour qu’on finisse en gang. Ça s’est super bien terminé.
Est-ce qu’il était clair que la septième saison serait la dernière?
Après la sixième, je savais que la décision d’arrêter était la mienne, que ce n’était pas le réseau qui allait tirer la plogue là-dessus. J’ai demandé au producteur, Guillaume Lespérance, ce qu’il en pensait, et il m’a dit: «Tournons-en une dernière et annonçons-le longtemps d’avance.» Alors moi, j’ai écrit en conséquence. L’équipe et le réseau ont eu le temps de se virer de bord et les fans étaient avertis. Je trouvais qu’il y avait plein d’avantages à agir comme ça.
Ç’a été toute une aventure. Croyais-tu que ça allait durer aussi longtemps?
Zéro! J’espérais faire trois saisons. Je trouvais qu’au Québec, dans une série qui fait trois saisons, on a le temps d’installer la patente. Mais chaque année, les cotes d’écoute augmentaient. Tout le monde était content. Après six saisons, je me suis demandé où je m’en allais avec ça. C’est rare, dans les médias, qu’on décide de notre destin; il nous est souvent imposé. Souvent, on t’informe que c’est fini et tu n’as même pas l’occasion de le dire à tes fans.
Écrire les épisodes et jouer dans la série, c’était évidemment beaucoup de travail...
Oui, en plus du casting et du montage; j’étais dans toutes les étapes du processus. Mais moi, je suis comme ça: j’aime quand je suis impliqué et je m’entoure de gens compétents. J’ai confiance en leur jugement et en leur talent. En fin de compte, c’est ma face, c’est mon nom, alors c’est normal que je sois celui qui prenne ça le plus au sérieux.
Qu’as-tu appris sur toi en faisant cette série?
J’ai appris à écrire pour une gang, alors que j’avais toujours écrit pour moi. J’écrivais au «je»: je pense ça, je raconte ça. Là, tu as une idée, tu as 10 à 15 personnages qui peuvent la porter, et tu regardes qui sont les plus payants. Ça fait que tu as plusieurs voix dans ta tête, et c’est agréable de leur donner des jokes. C’était très important pour moi d’être un bon passeur de puck et de faire en sorte que ce ne soit pas moi qui remporte le gros rire à chaque scène. Il fallait que tout le monde ait son nanane, sinon les gens se seraient tannés. C’est ce que Jerry Seinfeld disait de Seinfeld: «Moi, je n’ai aucun problème à donner des meilleures jokes aux autres. L’important, c’est que la scène soit bonne.»
Au fil des saisons, est-ce qu’il y a des personnages qui sont devenus plus importants que tu le prévoyais auprès du public?
Le père a toujours été hyper important, et je pense que c’est justement parce que mon père a eu une importance majeure dans ma vie. Il a profondément marqué l’homme que je suis devenu. Je trouve que c’est un personnage très payant, et Vincent (Bilodeau) l’incarne à la perfection. Je dirais qu’on a eu la bonne personne pour le bon rôle. Ce que je n’avais pas prévu, et qui est très difficile à prévoir au départ, c’était de savoir si tous les comédiens allaient s’entendre ensemble. Ça se peut que la chimie ne marche pas entre deux acteurs, même s’ils sont bons. Quand des gens ne peuvent pas se supporter sur un plateau de tournage, ça vient scraper tout le projet. Mais on a eu l’heureuse chance que tout ce monde-là s’entende bien. On dînait ensemble tous les midis, on se donnait des nouvelles de nos vies respectives. J’ai perdu mes vrais parents pendant Discussions, et toute l’équipe a vécu ce deuil-là avec moi. Caroline Bouchard a eu ses deux enfants, Vincent a eu ses problèmes de santé; on échangeait beaucoup. C’était devenu une vraie famille où chacun s’informait de la vie des autres.
À quoi doit-on s’attendre pour cette dernière saison?
Dans cette septième saison, ça va être très compliqué pour les parents de vendre leur maison. Puisque les enfants ne la veulent pas, ils vont faire des auditions d’acheteurs. Et quand ils vont la vendre, ça va être difficile pour eux de se brancher pour savoir où ils vont habiter. Ils vont essayer les RPA, les condos privés, les camps de nudistes, et finalement, il va arriver quelque chose qui va clarifier leur choix. Moi, je vais devenir membre de la FADOQ pour économiser sur mes assurances, mais je ne veux pas que ça se sache. Danielle Cuivre, l’auteure fétiche de Rollande, va sortir une collection pour enfants — et ça pourrait finir en cour, cette affaire-là —, et Madame Dupuis, la femme de ménage qui ne cligne pas des yeux, va commencer à faire du stand-up comme son idole, Marthe Laverdière. C’est une belle saison!
Quelle sera la suite des choses pour toi?
J’ai dit non à tout pendant ce projetlà, mais je vais sûrement revenir à la variété et à l’humour. Est-ce que ce sera sur la scène ou à la télé? Ce n’est pas encore clair. Je suis joueur autonome et je me donne encore septembre et octobre pour me brancher sur ce que sera la suite. En date d’aujourd’hui, je dirais que tout se peut.
Aimerais-tu éventuellement écrire une autre série télé?
L’idée de faire une autre série, ça se peut, mais j’aime alterner les affaires. J’ai une vague idée, mais c’est long, développer une série. Mon impression, c’est que je vais commencer par faire de la variété, et pendant ce temps-là, on the side, je vais développer un one man show ou une autre série.
Quels sont les commentaires que tu reçois souvent en lien avec Discussions avec mes parents?
À quel point ça divertit les gens, que c’est rassembleur, que c’est le seul show qu’ils écoutent en gang et que c’est intergénérationnel. Ça rejoint autant le kid de 10, 12 ans, que l’adulte de 20 ou 30 ans, les grands-parents, les oncles et les tantes. Je ne m’attendais pas à ce que des enfants de 12 ans tripent là-dessus, je n’ai pas fait d’efforts pour les rejoindre. Il n’y a même pas de personnage de leur âge auquel ils peuvent s’identifier, mais ils me parlent beaucoup de l’émission.
Quand tu regardes tout ce que tu as fait depuis tes débuts, cette série représente-t-elle un accomplissement?
Tout à fait, c’est vraiment un gros succès! C’est le projet que j’ai fait qui a connu le plus grand rayonnement, et de loin. J’ai vécu ça avec des galas, qui récoltaient deux millions de cotes d’écoute, mais c’est une fois par année. Avec Discussions avec mes parents, j’étais là toutes les semaines durant sept ans. La télé généraliste, dont on a si souvent prédit la mort, est encore le médium qui tire le plus fort, et rien ne peut accoter ça. La radio n’est pas là, et la scène, oublie ça. Un show d’humour qui marche fort au Québec rassemble 200 000 personnes, mais ça prend trois ans pour les rejoindre. Quand on en a 1,2 million par semaine, c’est sûr qu’on entre dans le foyer des gens. Je pensais que ça s’effriterait, mais non. Les gens aiment se faire raconter des histoires et s’y reconnaître.
Discussions avec mes parents, lundi 19h30, à Radio-Canada.