Fiasco SAAQclic: en pleine campagne électorale, le conseil d’administration de la SAAQ a caché les dépassements de coûts en raison d’un «risque médiatique et politique élevé»

Nicolas Lachance
En pleine campagne électorale 2022, le conseil d’administration de la Société de l’assurance automobile du Québec a choisi de cacher à la population des dépassements de coûts de 222 millions $ du projet SAAQclic en raison d’un «risque médiatique et politique élevé». Le gouvernement Legault rejette le blâme sur les gouvernements précédents.
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Le fiasco SAAQclic a monopolisé l’ensemble des débats à l’Assemblée nationale, mardi. De toute part, les attaques ont été féroces. Le Parti Québécois et Québec solidaire réclament une commission d’enquête publique sur le bordel informatique du gouvernement.
Le coup de théâtre est toutefois venu du libéral Monsef Derraji. Il a brandi un passage du rapport de la vérificatrice générale du Québec qui démontre que le conseil d’administration de la SAAQ a accepté de cacher à la population des dépassements de coûts de 222 millions, en septembre 2022.
Est-ce que les ministres connaissaient les risques et les dépassements de coûts du projet SAAQclic? Le libéral Monsef Derraji en est convaincu. Le ministre Éric Caire et l’ancien ministre des Transports, François Bonnardel, assurent qu’ils n’étaient pas au courant.
«Ils mentent et ils ont menti à la population», peste Monsef Derraji.
Afin de faire la lumière sur le fiasco SAAQclic, le député a demandé que les procès-verbaux du CA de la SAAQ qu’il a obtenus soient décaviardés. Des passages et des titres laissent croire que les ministres étaient informés de l’évolution du projet, plaide le député Derraji. Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon abonde dans le même sens.
Risque politique élevé
Tout juste avant l’élection de 2022, la SAAQ a morcelé la hausse de la facture de 222 millions $ supplémentaires afin qu’elle passe sous le radar et qu’elle ne soit pas immédiatement rendue publique.
La haute direction de la SAAQ avait offert au CA l’option de modifier le contrat existant et d’octroyer d’un trait 222 millions $ aux entreprises SAP et LGS qui ont conçu le projet, mais la nouvelle aurait entraîné «un risque médiatique et politique élevé», indique la VG.
Finalement, «malgré le fait que le comité de direction de la SAAQ avait établi que l’option 2 exposait la SAAQ à plusieurs risques contractuels, d’affaires, juridiques, financiers», le conseil d’administration a décidé de cacher les sommes, note la VG.
Le député de Nelligan a également dévoilé que depuis 2020, le projet CASA/SAAQclic n’apparaît plus aux rapports annuels de la société d’État.
Du «fling-flang» politique
«Le fling-flang a eu lieu en toute connaissance de cause», a critiqué le chef par intérim du PLQ, Marc Tanguay. «Ce fiasco est signé François Legault, c’est un fiasco Legault. Il abrille ses ministres s’il leur dit: vous n’avez pas de responsabilité ministérielle, toute la faute est à la SAAQ.»
Le premier ministre s’est défendu, martelant que le contrat a été donné en 2017 par le gouvernement Couillard et qu’il s’agissait d’un fiasco libéral.
Pourtant, mardi dernier, François Legault avait déclaré que malgré le déploiement «inacceptable», il était «important de faire ce virage numérique» qui n’avait pas été réalisé par le PLQ et le PQ.
Responsabilité ministérielle?
Les partis d'opposition demandent au gouvernement Legault de prendre ses responsabilités. Selon L’Assemblée nationale, «un ministre doit répondre non seulement de ses propres actions, mais aussi de celles de ses fonctionnaires. Il pourrait même être forcé de démissionner en raison d’un cas important de mauvaise gestion», a répété le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon.
«Comme d’habitude avec la CAQ, avec le premier ministre, c’est la faute de tout le monde, sauf d’eux autres. Est-ce que c’est la faute des immigrants aussi, le scandale SAAQclic? Il ne l’a pas dit. Ça semble si facile de mentir, à la CAQ, puis de perdre 500 millions de dollars», a déclaré la cheffe parlementaire de QS, Ruba Ghazal.
Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, a également dû se défendre. Il plaide que les libéraux ont été «de simples spectateurs» lorsque la SAAQ «trafiquait l’appel d’offres avec des odeurs de commission Charbonneau».
La libérale Michelle Setlakwe a signalé que le ministre Caire est responsable de la transformation numérique depuis bientôt sept ans.
«Des centaines de millions de dépassements de coûts que doivent éponger les contribuables québécois. La réponse du ministre: C’est plate, mais ce n’est pas de ma faute», a-t-elle dit.
500 millions $ de plus pour SAAQclic
2017: Budget de 638 millions $ pour le projet
2022: En morcelant un dépassement de coûts de 222 millions $, la première tranche était sous la limite de 10% du contrat qui aurait forcé la divulgation publique.
Il n’a donc pas été possible pour le public de connaître l’ampleur de la hausse de la facture avant l’élection d’octobre 2022.
2025: Les coûts atteindront «minimalement» 1,1 milliard $.
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