Voici pourquoi fermer le ciel d’Ukraine pourrait mener à une 3e guerre mondiale (et nucléaire)
Gabriel Ouimet
Dans son discours livré devant la Chambre des communes, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé aux élus canadiens d’en faire plus pour contrer l’ennemi russe, en imposant notamment une zone d’exclusion aérienne. Depuis le début du conflit, l'OTAN rejette cette idée. Pourquoi l’OTAN s’oppose-t-elle à une zone d’exclusion aérienne en Ukraine? On vous explique.
«Cela pourrait mener tout droit à une troisième guerre mondiale et il y a de réels risques que ça dégénère en guerre nucléaire»: l’OTAN commettrait une grave erreur en accédant aux demandes du président Zelensky, prévient Éric Ouellet, professeur spécialisé en commandement militaire stratégique et en prise de décision au Collège des Forces canadiennes.
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Si une zone d’exclusion aérienne en Ukraine était instaurée, l’Ukraine et ses alliés devraient abattre tous les avions et les hélicoptères russes qui braveraient l’interdiction, ce qui pourrait faire basculer le conflit vers un point de non-retour. Une telle mesure, «ce serait une déclaration de guerre, il n’y a aucun doute là-dessus. Et la Russie mettrait son arsenal nucléaire en alerte maximum, c’est-à-dire qu’elle serait prête à utiliser ses missiles aussitôt que Vladimir Poutine en donnerait l’ordre», affirme le professeur.
Yann Breault, professeur d’études internationales au Collège militaire royal de Saint-Jean, partage ces inquiétudes, alors que la menace d’un conflit nucléaire est bien réelle.
«Depuis le 22 février, on est passé d’un régime autoritaire à une dictature. Poutine est seul au sommet de la pyramide du pouvoir et il dicte unilatéralement les décisions qui sont prises. Ce qui est très dangereux, puisque la Russie dispose de 6000 têtes nucléaires et de vecteurs de lancement hypersoniques très performants», analyse-t-il.
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Vladimir Poutine l’a d’ailleurs maintes et maintes fois répété : toute intervention directe de l’OTAN dans le conflit sera suivie d’une forte réponse russe.
«Ça ne se fait pas du jour au lendemain»
Même si les Occidentaux, dans un scénario «très peu probable», décidaient de bloquer le ciel ukrainien aux forces russes, l’opération serait longue et complexe, puisque le territoire Ukrainien est énorme et que les forces russes sont «assez puissantes». Il faudrait y déployer un grand nombre d’avions pour être capable de faire respecter l’interdiction, explique Éric Ouellet.
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«Les pays de l’OTAN en Europe de l’Est ont peu d’avions et ils ne sont pas tous de grande qualité. Il faudrait en transférer un grand nombre des États-Unis. Ce serait compliqué et ça prendrait un certain temps», détaille-t-il.
Puisque les pays de l’OTAN n’enverraient fort probablement pas leurs soldats se battre en Ukraine, il faudrait également former les pilotes ukrainiens, la plupart d’entre eux n’ayant aucune idée de comment utiliser l’arsenal américain. «Ce qui pourrait prendre jusqu’à un an», estime Éric Ouellet.
Une zone d’exclusion aérienne aurait d’ailleurs un effet modeste à court terme, puisque les Russes utilisent «relativement peu» leur puissance aérienne actuellement, préférant les attaques au sol.
La stratégie de l’OTAN
Est-ce dire que l’Occident laisse les Ukrainiens à leur sort? Non. En plus des sanctions économiques imposées à la Russie, qui devraient prendre un certain temps avant de faire pleinement effet, l’Occident utilise des moyens détournés pour aider l’Ukraine, souligne Éric Ouellet.
«Les pays de l’OTAN ont envoyé des forces supplémentaires dans les pays de l’Est, limitrophes de la Russie et de l’Ukraine. Le Canada a d’ailleurs augmenté son contingent en Lettonie, par exemple. Cela peut avoir comme effet de forcer la Russie à garder plus de forces sur son territoire, ce qui aide indirectement l’Ukraine», dit-il.
Cette présence militaire autour de la Russie montre au dirigeant russe que l’OTAN est prête à agir. Les Russes craindraient même une attaque, bien que ce scénario semble très peu probable.
«Il y a une paranoïa russe, nourrie par la paranoïa et la propagande du gouvernement, qui fait craindre aux Russes que l’OTAN ne les attaque», conclut Éric Ouellet.