Faut-il revoir les crédits d’impôt pour le Fonds FTQ?

Michel Girard
Est-il encore opportun pour Québec et Ottawa d’accorder leurs alléchants crédits d’impôt, de 15 % chacun, sur les contributions d’épargne-retraite effectuées dans le Fonds de solidarité de la FTQ ?
Voici pourquoi je pose cette question. Lors du dernier exercice financier allant du 1er juin 2021 au 31 mai 2022, le Fonds FTQ a émis des nouvelles actions pour une valeur de 1,06 milliard $. En retour de ces contributions au Fonds, Québec et Ottawa vont verser 300 millions $ en crédits d’impôt aux épargnants.
Or, sur l’achat d’actions de 1,06 milliard $, le Fonds FTQ a remboursé 662 millions $ en rachats d’actions aux actionnaires qui ont retiré leurs billes du Fonds.
C’est donc dire que sur le 1,06 milliard $, à peine 401 millions $ vont servir à investir dans les entreprises, ce qui est la raison d’être du Fonds.
À mon avis, il serait temps de se questionner sur le bien-fondé pour nos deux gouvernements de verser 300 millions $ en crédits d’impôt aux actionnaires d’un fonds qui n’investit que 401 millions $ sur le milliard $ donnant droit aux crédits d’impôt.
PIRE ENCORE...
Le Fonds de solidarité de la FTQ investit de plus en plus dans des entreprises implantées à l’extérieur du Québec.
Lors de son dernier exercice financier, terminé au 31 mai 2022, le Fonds FTQ a investi 168 millions $ dans de telles entreprises hors Québec. C’est 1,5 fois de plus que lors du précédent exercice financier, et près de 2,5 fois de plus qu’en 2017.
À eux seuls, ces 168 millions $ d’investissements extérieurs représentent ainsi 42 % des 401 millions $ que le Fonds a pu réinvestir sur le milliard $ des contributions REER récoltées en 2021-22.
La quasi-totalité de ces 168 millions $ a été investie dans :
Trois fonds d’investissement de capital de risque spécialisés en sciences de la vie : 5AM Opportunities II; 5AM Ventures VII et Amplitude Ventures II ;
Quatre autres fonds d’investissement : Fulcrum Capital Partners VI (secteurs d’activité variés) ; Georgian Growth Fund VI (secteur technologique); Lios I Fund (système alimentaire plus résilient et plus durable); Sagard Placements privés Canada ;
Une entreprise de distribution de piscines, spas et mobilier extérieur : 1000137577 Ontario inc.
Pour justifier ces 168 millions $ d’investissement hors Québec, la direction du Fonds FTQ affirme que ces placements génèrent « d’importantes retombées économiques pour le Québec » !
AUTRE EXEMPLE
Le Fonds de solidarité de la FTQ a aidé une société ontarienne à devenir l’actionnaire majoritaire de la société québécoise Club Piscine Super Fitness, dont les 26 franchisés exploitent 42 magasins.
Comment ? En prêtant 20 millions $ à la firme ontarienne VODA Backyard Leisure Gret, en plus d’investir 6,5 millions $ dans le fonds ontarien de Fulcrum Capital Partners qui détient VODA.
N’est-ce pas bizarre de voir le Fonds FTQ financer la prise de contrôle ontarienne d’une entreprise québécoise ?
Ça l’est, mais il y avait, cette fois-ci, une « bonne » raison : aucun acheteur québécois n’était intéressé à mettre la main sur Club Piscine à la suite du décès de son fondateur, a laissé entendre le Fonds FTQ dans le reportage de mon collègue Sylvain Larocque sur cette affaire.
En collaborant financièrement avec la firme ontarienne, le Fonds FTQ affirme vouloir protéger les 2500 emplois québécois liés à Club Piscine et ses franchisés.