Exclusif: «les Canadiens démontrent un très gros intérêt»
Anthony Martineau
Un défenseur québécois de 20 ans occupe actuellement le deuxième rang des pointeurs parmi tous les arrières de la Ligue canadienne de hockey (LCH). Et il serait dans la mire des Canadiens en vue du prochain repêchage de la LNH.
Son nom? Miguel Tourigny.
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Originaire de Victoriaville, le jeune homme, qui a fêté son 20e anniversaire le 9 février dernier, dispute actuellement son «année 19 ans» chez le Titan d’Acadie-Bathurst dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ).
Celui qui lance de la droite compte à ce jour 59 points, dont 23 buts (!) en 44 matchs et... est également le défenseur le plus puni du circuit Courteau.
Un rendement qui a complètement séduit le CH, avance l'agent de Tourigny.
«Les Canadiens démontrent jusqu’ici un très gros intérêt, lance le plus candidement du monde Mathieu Lacharité, qui est l'un des deux représentants du jeune homme avec Serge Payer, un ancien joueur de la LNH. Le club nous contacte de façon régulière, nous pose plusieurs questions et nous demande plusieurs suivis complets. Honnêtement, je ne serais vraiment pas surpris que Miguel soit repêché par Montréal.»
À ce moment-ci de votre lecture, vous devez être très nombreux à vous dire : «c’est bien beau, tout ça. Mais pourquoi un joueur avec de tels chiffres n’a pas été sélectionné à ses deux premières années d’admissibilité?»
La réponse, selon le clan Tourigny, est bien simple : il mesure 5 pieds 8 pouces et pèse 172 livres.
Mais comme vous le constaterez au cours des prochaines minutes, ces mensurations n’ont jamais empêché le patineur de compétitionner, voire même d’exceller plus souvent qu’autrement.
«C’est vraiment lui le patron sur la patinoire»
Il suffit de contacter quelques recruteurs de la LNH pour comprendre à quel point la cote de Miguel Tourigny est ridiculement élevée, en date d’aujourd’hui.
Le dépisteur d’une formation de l’Ouest n’hésite d’ailleurs pas à louanger le jeune homme de bout en bout.
«C’est un joueur qui est très confiant en ses habiletés, lance-t-il sans hésiter. Il aime avoir la rondelle sur son bâton. Certains soirs, tu as presque l’impression qu’il joue à l’attaque! Cette saison, c’est vraiment lui le patron sur la patinoire.»
Appelé à son tour à décrire son style de jeu, Tourigny, en entrevue avec le TVASports.ca, y va de cette réponse.
«Je suis un défenseur très offensif, mais il ne faut pas non plus négliger mon rendement défensif. Je me considère aussi comme un bon patineur doté d’un lancer précis et d’une belle vision.»
Si le jeune homme prend la peine de spécifier l’importance qu’il voue au jeu défensif, c’est qu’il sait pertinemment que la maîtrise de cette facette est primordiale pour ceux visant une longue carrière professionnelle. Et il assure y avoir mis beaucoup d’efforts dans les derniers mois.
À en croire son agent, toute cette besogne abattue dans l’ombre rapporte gros cette saison.
«Avant, et depuis ses débuts dans la LHJMQ, on me demandait si je croyais "qu’il allait être assez résistant pour faire face à un calendrier de la LNH contre des hommes". Ma réponse avait toujours été "oui", mais cette année, les clubs de la LNH ont changé leur fusil d’épaule à l’égard de Miguel, raconte l'homme de hockey oeuvrant pour la firme Unlimited Sports Management.
«Actuellement, et c’est un truc qui attire beaucoup les regards, il est le meneur parmi tous les défenseurs de la LHJMQ au chapitre des batailles à un contre un. Aux dernières nouvelles, il devance son plus proche poursuivant de plus de 30%. Il est devant plusieurs gars qui ont été repêchés. C’est un immense exploit pour un gars de 5 pieds 8 pouces! Et ça en dit long sur sa fougue et son éthique de travail.»
Parlant de fougue, Tourigny rigole lorsqu’on lui fait remarquer qu’il se classe numéro un du circuit Courteau au chapitre des minutes de pénalité reçues par un défenseur. Il a toutefois une explication.
«Avec mon petit gabarit, je dois foncer sans me poser de question. Parfois, les officiels semblent croire que j’y vais trop fort, mais j’avoue que je n’y vais pas à reculons, dans les coins! Les autres gars tombent souvent quand on se retrouve en duel, donc ça incite les arbitres à lever le bras, j’imagine.»
Avouez qu’on ne croirait pas lire les paroles d’un gars de 5 pieds 8 pouces...
Fait intéressant, le recruteur de l’Ouest sondé dans le cadre de ce dossier a aussi remarqué l’aisance de Tourigny quand vient le temps de batailler pour la rondelle.
«Son petit gabarit ne m’inquiète pas vraiment, car il a justement un centre de gravité très bas et une bonne force brute qui lui permet de remporter plusieurs luttes. C’est un jeune homme extrêmement compétitif, c’est évident.»
Et foi de Mathieu Lacharité, cette ténacité perceptible sur la glace est exactement le reflet du jeune homme qu’est Miguel Tourigny dans la vie de tous les jours.
«Miguel est un travailleur de tous les instants. C'est juste complètement fou! Depuis deux ans, dès que sa saison se termine, il revient deux semaines à la maison pour se reposer un peu, puis part pour l’été en entier à Gatineau, où se trouve notre préparateur physique. Ce gars-là choisit depuis deux ans de sacrifier ses étés et du temps de qualité en famille pour demeurer au sommet de sa forme. Il veut une chance et il la mérite. Son frère Jordan (Cataractes de Shawinigan) a la même attitude. Ils mettent vraiment tout en oeuvre pour réussir. C'est une belle famille.»
Dans la mire des Canadiens
Cette combinaison de talent/hargne/acharnement est donc, comme on le disait, tombée dans l’œil des dirigeants des Canadiens. Et pas juste un peu.
Mathieu Lacharité raconte.
«Dès que Martin Lapointe a eu plus de responsabilités il y a quelques mois, il nous a contacté et nous a dit : "écoutez, je sais comment on a géré votre dossier dans le passé, mais on repart maintenant à neuf. Je veux que vous sachiez que Miguel Tourigny est vraiment dans notre mire. Nous aimons sa confiance et sa témérité avec la rondelle."
«Présentement, et je te le dis franchement, Montréal est clairement parmi les équipes les plus actives concernant Miguel. Je suis heureux, parce qu’avec la nouvelle mouture du CH, mené par Martin St-Louis qui est aussi un homme de petite stature, je pense que le fit serait très bon.»
Si Lacharité prend soin de spécifier «parmi les équipes», c’est que le CH n’est pas seul dans le dossier Miguel Tourigny. Il en est même très loin.
«Les Maple Leafs sont également très intéressés, tout comme les Panthers, les Canucks et les Ducks, qui n’ont visiblement pas lâché le morceau, spécifie-t-il. Si j’avais à miser ma maison, j’opterais sois pour le CH, soit pour l’une de ces quatre équipes.
L'agent mentionne également Buffalo, Boston, New York (Islanders), Seattle, Las Vegas et Colorado dans un groupe où «l'intérêt est important, mais moins que chez les cinq équipes nommées précédemment».
Dans les dernières années, Montréal a repêché quelques joueurs qui en étaient à leur troisième année d’admissibilité au repêchage amateur. Du nombre, on compte notamment les Québécois Rafaël Harvey-Pinard et Xavier Simoneau, deux patineurs remplis de talent qui peuvent légitimement aspirer à une carrière dans la LNH.
«Les Canadiens, je les suis depuis que je suis tout petit, donc ce serait spécial. C’est sûr que je ne leur dirais pas non!», lance Tourigny, qui a reçu le titre de joueur par excellence du dernier mois dans la LHJMQ.
Pour son agent, il était grand temps que les différents clubs du circuit Bettman s’ouvrent les yeux.
«Mon partenaire et moi sommes heureux de voir que les équipes commencent à y voir plus clair dans le cas de Miguel. Honnêtement, nous étions vraiment écoeurés de cette gamique où on nous revenait constamment avec le fait qu’il était petit. Il faut passer à un autre appel, à un moment donné! Surtout quand le gars domine autant...»
À l'heure actuelle et s'il maintient la cadence, Tourigny concluerait sa saison avec 36 buts et 92 points (!) en 68 matchs.
«Ça n’a ni queue ni tête!»
Cette dernière déclaration de Mathieu Lacharité évoque clairement de vieilles blessures qui n’ont toujours pas cicatrisé. Trop souvent depuis trois ans, clame le représentant de Tourigny, son client a été victime de son atypique stature.
Ignoré deux années consécutives à l’encan de la LNH, il a également été retranché du camp des Ducks d’Anaheim l’été dernier sans avoir réussi à y obtenir un contrat professionnel. Il y avait pris part en tant que joueur invité.
Puis, en décembre dernier, Hockey Canada n’a même pas cru bon d’inviter le patineur à son camp de sélection final, même s’il était parmi les meilleurs pointeurs au pays à sa position. Cette décision, Mathieu Lacharité n’hésite pas à la qualifier de véritable affront envers son poulain.
«Hockey Canada, c’est toute une gamique! Je sais que tu m’enregistres, mais il faut que ces choses-là sortent. Quand tu choisis de ne pas inviter à ton camp final le meilleur pointeur de ton pays chez les défenseurs juste parce qu’il est plus petit que les autres, ça n’a ni queue, ni tête! Miguel était loin devant la plupart de ces gars-là au niveau du talent. Et ce n’est pas une opinion, mais bien un constat.»
Lorsqu’on lui rappelle ce rendez-vous manqué avec l’équipe canadienne, Miguel Tourigny offre une réponse courte qui en dit long.
«On ne m’a donné aucune raison. Oui, j’étais déçu sur le coup, mais je n’ai pas vraiment porté attention à ce qu’a fait l’équipe ensuite, pour être franc. Je me suis concentré sur ma saison et sur ce que je pouvais contrôler.»
Lacharité, bien en verve, y va ensuite d’une longue envolée sur l’attitude des équipes de la LNH concernant Tourigny, ces deux dernières années.
«L’an dernier, Miguel a été ignoré lors du repêchage amateur. C’était la deuxième année de suite que ça lui arrivait. Mais 15 minutes après l’encan, nous avions déjà reçu 17 appels pour des invitations à des camps d’entraînement. Comprends-tu à quel point ça démontre une grande faiblesse de la part de tous ces gens? "On ne veut pas le repêcher parce qu’on a peur de son gabarit, mais on veut tous l’inviter à notre camp parce que ça ne nous engage à rien." Wow. Bravo!»
Questionné sur les nombreuses déceptions vécues par Miguel Tourigny, le dépisteur de l’Ouest offre un avis plus nuancé, mais non moins pertinent.
«C’est un gars qui n’a jamais arrêté de progresser. À 17 ans (30 points en 61 matchs), il était bon, mais n’était pas exceptionnel. À 18 ans (36 points en 32 matchs), il a eu une bonne saison, mais la campagne a été écourtée et plusieurs recruteurs n’ont pas eu l’occasion de le voir autant qu’ils auraient voulu. Cette année, il est allé au camp estival d’Équipe Canada et j’ai senti qu’il avait vraiment pris son momentum à partir de là. Il connaît une sublime saison.»
«Si jamais le CH passe encore son tour cette année...»
«Quand Miguel a été retranché à Anaheim, Martin Madden fils lui a dit que son talent offensif allait un jour faire de lui un bon joueur de la LNH.»
Intéressante confidence de la part de l’agent de Tourigny. Surtout que Martin Madden fils n’est pas le dernier venu et que depuis l’été dernier, le jeune homme n’a fait que gagner en valeur auprès des différentes équipes.
La question, dans ce contexte, n’est donc plus de savoir si Tourigny aura sa chance dans la LNH. Il faut plutôt se demander à quel endroit il aboutira.
«Je pense sincèrement qu’il va se faire repêcher, lance le recruteur avec conviction. Avec la saison qu’il a, je serais extrêmement surpris qu’il n’entende pas son nom. Un défenseur qui marque au-dessus de 30 buts, ce n’est pas arrivé souvent ces dernières années dans le monde du hockey junior québécois (Sébastien Bisaillon est le denier à l’avoir fait, en 2005-2006) et Miguel risque d’y parvenir.»
Mathieu Lacharité, lui, profite de la porte ouverte pour lancer un message clair au CH.
«Avant d’être échangé à Bathurst, Miguel évoluait à Blainville avec l’Armada. Ça, c’est à 15 minutes du Centre Bell! Si jamais le CH passe encore son tour cette année, on aura le meilleur exemple possible du fait que la représentation québécoise n’est pas si importante que ça pour l’équipe. Je le rappelle, mais il est le deuxième meilleur pointeur parmi tous les défenseurs au pays! Quelle est l’excuse?»
L’agent, tant qu’à être dans la distribution de messages clairs, en envoie également un aux autres formations de la LNH.
«Cette année, à 19 ans et avec le rendement qu’il offre, tu repêches Miguel et tu le signes, sinon tu ne le repêches pas. Tu invites Miguel et le signes, sinon tu ne l’invites pas.»
Voilà qui ne laisse place à aucune interprétation.
Lacharité confie du même souffle que son client ne reviendra pas dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec l’an prochain.
«Il n’évoluera pas dans le circuit Courteau en tant que 20 ans, non. Nous avons beaucoup d’offres en Europe en ce moment. S’il n’est pas repêché ou invité dans la LNH, nous allons nous diriger vers le Vieux Continent. C'est une option plus viable pour améliorer ses lacunes, à notre avis.»
Le mot de la fin revient à Miguel Tourigny. Comment entrevoit-il les prochaines semaines?
«Dans la vie, on ne m’a jamais offert un beau chemin en asphalte pour marcher. J’ai constamment dû avancer sur des chemins escarpés et plein d’obstacles. Je vais continuer à travailler fort et les bonnes choses finiront par arriver. Oui, je crois que ma grandeur a pu jouer contre moi. Mais j’ai toujours prouvé que mon jeu et mes prestations allaient bien au-delà de ça. L’équipe qui me fera finalement confiance un jour ne le regrettera pas.»
Et si cette équipe était le CH?