Étude fédérale sur le 3e lien: un gaspillage de fonds publics inutile, selon Legault
Raphaël Pirro et Marc-André Gagnon | Agence QMI
Le nouveau ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, va gaspiller des fonds publics inutilement en effectuant sa propre étude d’impact sur le 3e lien, déplore le premier ministre François Legault.
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Lors d’un point de presse, vendredi, le nouveau ministre de l’Environnement du gouvernement Trudeau a annoncé qu’il y aura une étude d’impact environnemental pour le projet de 3e lien, et ce même si Québec s’y oppose.
«C’est un projet qui traverse l’un des plus grands cours d’eau au pays, alors c’est clair qu’il va y avoir une évaluation d’impact fédérale sur ce projet-là », a soutenu le ministre Guilbeault, avant de mettre le cap sur Glasgow, en Écosse, pour participer à la COP26.
Le premier ministre du Québec n’a pas tardé à réagir. «Une de nos demandes, c'est que le gouvernement fédéral ne dédouble pas les études environnementales», a rappelé François Legault. Et cela vaut notamment pour le projet de troisième lien entre Québec et Lévis, dont les coûts sont estimés entre 6 à 10 milliards $.
L’argent des contribuables
Même si l’environnement est une compétence partagée entre Ottawa et les provinces, il ne croit pas qu’une évaluation fédérale est nécessaire.
«Je pense que le Québec fait des bonnes études environnementales, donc je ne vois pas pourquoi il faudrait dédoubler le travail», a dit M. Legault.
Le chef caquiste en a profité pour répéter «que le gouvernement Trudeau est très centralisateur».
«C’est l’équipe de M. Trudeau qui semble vouloir continuer à faire du dédoublement, ce qui gaspille l’argent des contribuables», a-t-il déploré.
M. Legault a fait valoir «qu’il y a une majorité des gens de Québec, puis de Chaudière-Appalaches» qui réclament un troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis.
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Une «confrontation directe»
Les députés conservateurs fédéraux Gérard Deltell et Pierre-Paul Hus ont abondé dans le même sens.
«Encore une ingérence du gouvernement Trudeau dans les affaires de juridiction provinciale. Le Québec a tous les outils nécessaires avec le [Bureau d’audience publique sur l’environnement ] BAPE pour faire l’étude environnementale», a déclaré le député de Charlesbourg–Haute-Saint-Charles.
«Le premier geste du ministre Guilbeault [en tant que ministre fédéral de l’Environnement] est une confrontation directe avec le Québec», a dénoncé pour sa part M. Deltell.
«Contre-productif», dit Charrette
Pour le ministre québécois de l'Environnement, Benoit Charette, ce n’est «certainement pas» le rôle du gouvernement fédéral d’y aller avec sa propre étude. Cela serait «contre-productif» et «contre-intuitif», puisque le BAPE doit déjà se pencher sur le dossier.
«Il ne faut pas dédoubler les évaluations environnementales. [...] Au Québec, clairement, on a les évaluations environnementales les plus complètes. Dans le cas du 3e lien, on va couvrir tous les aspects de ces impacts environnementaux», a-t-il lancé dans les couloirs de l’Assemblée nationale vendredi.
Or, une dizaine de minutes avant l’intervention du ministre, l’adjoint parlementaire de M. Charrette, Richard Campeau, avait laissé tomber qu’il «devra» y avoir évaluation environnementale fédérale du projet de 3e lien étant donné que «c’est un projet tellement majeur».
Le député québécois du NPD et porte-parole adjoint en matière de changement climatique, Alexandre Boulerice, estime que «nous n’avons pas besoin d’évaluation environnementale d’Ottawa».
La raison est simple: pour M. Boulerice, il faut qu’Ottawa s’oppose tout simplement au projet, car celui-ci va à l’encontre des objectifs climatiques que se fixe le Canada.
La ministre québécoise responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel, avait déclaré mardi que le projet de 3e lien était «gagnant pour l’environnement».
Legault critiqué par les environnementalistes
Alors que certains groupes environnementalistes critiquent le premier ministre François Legault pour ne pas les avoir consultés dans le cadre de sa participation à la grande messe internationale pour le climat, le ministre Guilbeault, lui-même issu du milieu, a fait valoir l’importance pour son gouvernement de recevoir l’avis d’une pluralité de joueurs.
«Je pense que le mouvement écologiste joue un rôle très important dans une société comme la nôtre. Et c’est parfois inconfortable. Je serai à certains moments, probablement critiqué, je l’ai été par certains de mes ex-collègues, et dans une démocratie, c’est tout à fait sain. C’est très important», a-t-il déclaré.
C’est dans cette optique que des représentants de groupes écologistes, de jeunes et de communautés autochtones se grefferont à la délégation canadienne.
«Je ne dirai pas à M. Legault comment faire son travail», a toutefois lancé Steven Guilbeault. Ce dernier a dit avoir «très hâte» de rencontrer M. Charrette.
«J’ai déjà parlé à M. Charrette à plusieurs reprises [...] dans mon ancien comme ministre du Patrimoine. Nous ne nous sommes pas encore parlés « [depuis son arrivée à l’Environnement], mais j’ai très hâte de le voir. C’est quelqu’un que je connais depuis longtemps et avec qui je m’entends très bien.»
Une décision «responsable», dit Marie-Josée Savard
La candidate à la mairie de la Ville de Québec, Marie-Josée Savard estime pour sa part que le fédéral a pris la bonne décision. «C'est tout à fait responsable. C'est une bonne position. C'est un projet majeur et qui, au niveau environnemental, soulève beaucoup de questions. Je pense que c'est une très bonne idée que M. [Steven] Guilbeault ait avancé son idée d'aller plus loin dans ce processus-là.» Selon elle, il est «tout à fait normal que le gouvernement fédéral se questionne et se positionne là-dessus».
Quant à Bruno Marchand, de Québec Forte et Fière, il n'a pas voulu s'immiscer dans ce débat. «Je n'avais ni attente ni espérance, dans le sens que c'est une décision du fédéral. À eux d'expliquer pourquoi ils s'y contraignent et pourquoi c'est important.» Pour lui, l'enjeu «dépasse la ville de Québec».
- avec la collaboration de Vincent Larin et Stéphanie Martin