Être religieux et pro-choix, c’est possible
Anne-Lovely Etienne
BILLET - La fin du droit à l’avortement chez nos voisins du Sud : j’y pense tous les jours depuis vendredi dernier. Plusieurs des Américains qui sont scandalisés par l’avortement le sont au nom de la Bible. Moi qui crois en Dieu, puis-je être à la fois religieuse, spirituelle et être pro-choix?
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Je suis me rendue à l’église de mon quartier pour remercier Dieu de vivre au Canada et de ne pas avoir à me battre pour mes droits fondamentaux de femme. Et c’est à ce moment exact, sur mes genoux, que je me suis demandée qu’en penseraient les chefs religieux?
Qu’en penserait ma grand-mère qui a eu 11 enfants? Qu’en penserait ma mère, qui a une foi inébranlable et qui connaît les versets de la Bible par cœur?
J'ai eu une discussion intéressante avec la rabbin montréalaise Lisa Grushcow, reconnue pour être la première rabbin ouvertement homosexuelle d’une grande synagogue.
Contrairement à celle d’autres communautés religieuses, sa perspective par rapport au droit à l’avortement est libérale.
«Comme d'autres rabbins de la communauté juive progressiste, je crois fermement au droit d'une femme de faire des choix concernant son propre corps. En tant que membre de la communauté LGBTQ+, je crois également fermement que les droits des femmes, des personnes LGBTQ+ et des autres groupes historiquement marginalisés et opprimés doivent être protégés», avance-t-elle.
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«Le rôle des tribunaux devrait être d'aider à établir et à protéger les droits, et non de les supprimer. De plus, je suis préoccupée par la façon dont la décision de la Cour suprême des États-Unis sur Roe v Wade impose des valeurs chrétiennes conservatrices à ce qui est censé être un pays laïc », juge-t-elle.
Comme elle fait partie de l’administration du Temple de Montréal, je lui ai demandé si le judaïsme protégeait le droit à l’avortement et j’ai été agréablement surprise de sa réponse.
«Oui. Nous avons un grand amour et respect pour la vie. Et nous croyons que les droits de quelqu'un qui porte un fœtus priment sur les droits de ce fœtus. Nous ne croyons pas que la vie commence à la conception. La santé physique et mentale de la mère est la priorité absolue», explique-t-elle.
D’ailleurs, une enquête du Pew Research Center de 2017 révèle que 83% des Juifs américains pensaient que l'avortement devrait être légal dans tous ou la plupart des cas.
Et ce n’est pas juste dans la communauté juive.
Dans une vidéo TikTok que j’ai vue récemment, la révérend Gerlyn Henry de l’Église anglicane à Toronto, invite des Américaines à être hébergée par sa communauté s’ils viennent se faire avorter au Canada.
@rev.gerlynhenry God supports safe access to abortions. God supports woman’s right to choose. Reversing Roe is an unholy union of power and religion. Its Christian Supramacy, and it must go. #roevwade #progressiveclergy ♬ What would you do - Bitch
Elle partage à ses abonnés le message que Dieu soutient l’accès sécuritaire aux avortements et que Dieu soutient le droit des femmes de choisir. Elle va jusqu’à dire que la fin de Roe vs Wade est aussi la suprématie du christianisme et que cela doit cesser.
Moi je dis, AMEN to that!
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«Aimez-vous les uns les autres»
Aussi, autour de moi, j’ai parlé avec Viviane, une conseillère en communication qui, comme moi, a la foi, a grandi dans un foyer religieux, a lu la Bible et est pro-choix.
«Je me sens tellement à l’envers par rapport à cette décision renversée de Roe», se choque-t-elle d’emblée.
«Je prends la pilule, mais s’il m’arrivait quelque chose et que je tombais enceinte, pour moi le droit à l’avortement est un droit fondamental. C’est un choix qui m’appartient et Dieu nous accepte tel que l’on est», m’a dit la trentenaire montréalaise.
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«La base de la religion c’est d’être dans l’amour et dans le respect. Ça n’a pas rapport avec la couleur de peau ou encore l’orientation sexuelle. La Bible dit : aimez-vous, les uns, les autres», dit-elle.
«Je ne comprends pas pourquoi être catholique est incompatible avec la contraception, le divorce, le mariage homosexuel... On peut être scientifique et être catholique alors est-ce qu’être pro-choix veut dire qu’on ne peut être religieux? Je ne pense pas. La société a évolué. Je prône un catholicisme moderne», poursuit-elle.
Après mes entrevues, j’étais rassurée, je ne me sentais pas seule. Je suis convaincue que plusieurs femmes qui ont la foi ont eu la même réflexion : «Aimez-vous les uns les autres» et ça signifie qu’on n’a pas à dicter ou à juger le choix des autres femmes.
Et sur ce, je scande Alléluia!