Et si le gouvernement vous donnait 200$ par mois pour acheter bio? C’est ce qui passe en Europe


Gabriel Ouimet
Des gouvernements européens envisagent de donner des centaines d’euros aux familles les moins nanties chaque mois pour qu’elles s’achètent des aliments biologiques. L’objectif: combattre l’insécurité alimentaire. Le Québec pourrait-il mettre en place une telle mesure?
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Les villes de Montpellier, en France, et de Bruxelles, en Belgique, testent actuellement des projets de «sécurité sociale alimentaire» qui visent à assurer l’accès à des aliments sains et biologiques à leurs citoyens, peu importe leur revenu.
Le principe est simple: chaque citoyen cotise volontairement entre 1 euro et 150 euros par mois, selon ses moyens, et reçoit en retour un montant d’argent compris entre 100 et 150 euros (environ 150 à 220$) pour les adultes et entre 50 et 75 euros (environ 70 à 110$) pour les enfants.
Seuls les aliments sains, qui répondent à certains critères, notamment des aliments biologiques, peuvent être achetés avec l’allocation, qui peut être utilisée partout où ces produits sont disponibles.
Pour l’instant, en plus de la cotisation citoyenne, les projets sont principalement financés par des subventions publiques, auxquelles s’ajoute une contribution du secteur privé. À terme cependant, les montants de cotisation seraient fixés en fonction des revenus de chacun, un peu comme les impôts. Tout le monde recevrait ensuite une centaine d’euros par mois, peu importe sa cotisation, ce qui contribuerait à redistribuer les richesses des plus riches vers les plus démunis.
Un financement supplémentaire pourrait éventuellement être obtenu par une contribution de l’État, sous la forme de taxes sur les bénéfices des multinationales du milieu de l’alimentation ou d’une augmentation des taxes sur les produits nocifs pour la santé, comme l’alcool ou le tabac.
Le Québec pourrait-il s’en inspirer?
Pour qu’un projet du genre soit véritablement intéressant au Québec, il faudrait qu’il puisse répondre à plusieurs objectifs à la fois, estiment des experts.
Comme en Europe, l’initiative pourrait permettre de garantir une certaine sécurité alimentaire, tout en stimulant la production agricole locale et en assurant une certaine rentabilité aux agriculteurs, indique le chercheur à l’Institut de recherche et d’information socioéconomiques (IRIS), Colin Pratte.
«On pourrait imaginer des programmes qui tireraient avantage du réseau de producteurs maraîchers où l’État pourrait, en quelque sorte, garantir l’achat des récoltes à un prix qui assure une rentabilité pour les producteurs, des conditions de travail adéquates pour la main-d’œuvre, tout en garantissant l’accès à ces aliments aux ménages moins nantis», indique-t-il.
Mais donner accès à des aliments de qualité ne réglerait pas tout, insiste-t-il.
«Il faut aussi réfléchir aux angles morts. Pour certaines familles, il pourrait y voir des contraintes logistiques. Si tu n’as jamais cuisiné avec certains aliments, c’est possible que tu ne saches comment les utiliser à leur plein potentiel», explique-t-il.
Un problème qui pourrait selon lui être réglé à l’aide d’atelier d’aide à la préparation des aliments proposés.
Le professeur Sylvain Charlebois estime de son côté qu’un tel programme, s’il n’est pas parfaitement ficelé, pourrait carrément aggraver le problème qu’il tente de régler.
«Le projet ciblé du genre a beaucoup de potentiel, mais le problème c’est qu’on vient souvent créer une demande artificielle pour certains produits, et ça peut influencer les prix à la hausse. Par exemple, ici, le prix des aliments pourrait augmenter pour tout le monde», avertit-il.
Au Québec, l’insécurité alimentaire, qui avait déjà atteint des sommets pendant la pandémie, s’est accrue avec l’inflation des derniers mois. Si bien qu’elle a atteint des niveaux inégalés en mai 2022, alors qu’elle affectait 1,3 million de personnes dans la province, selon un rapport publié à l’automne 2022 par l’Observatoire québécois des inégalités.
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