Transition verte : il ne faut pas oublier les travailleurs des industries polluantes
Gabriel Beauchemin
La lutte au réchauffement climatique viendra avec la transformation – voire la disparition – de certains secteurs économiques, et donc avec des pertes d’emplois. Ce changement de cap est nécessaire, mais il faut faire attention à ne pas abandonner des gens en route : cette idée, c’est celle de la «transition juste».
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«Pour lutter contre les changements climatiques, il va falloir opérer un changement important dans l’organisation de notre économie», indique d’emblée Julia Posca, chercheuse à l’Institut de recherche et d’information socioéconomiques (IRIS).
Pour elle, ce premier constat est évident, mais il est rapidement suivi d’un deuxième, tout aussi central : celui de considérer ceux et celles qui travaillent dans ces secteurs plus polluants.
«Cette transition-là vers un modèle économique qui est plus résilient, plus écologique, plus respectueux de l’environnement, doit se faire en tenant compte de l’impact que ça va avoir sur les travailleurs et les travailleuses », lance celle qui est également co-autrice de la publication Qu’est-ce que la transition juste?, publiée par l’IRIS en automne dernier.
Par exemple, les gouvernements pourraient faciliter pour les employés d'une industrie polluante l'accès à des programmes de requalification professionnelle pour qu’ils puissent ensuite se diriger vers des secteurs plus verts.
On pourrait aussi décider de subventionner des industries et des secteurs d’activités qui peuvent améliorer notre empreinte carbone, comme l'agriculture.
Protéger nos régions et nos communautés
Cette transition juste viserait à soutenir les travailleurs des industries polluantes, mais également leur communauté toute entière.
«Par exemple, dans des régions ou des villes qui sont mono-industrielles, si une usine ferme, ç’a un impact direct sur les travailleurs de cette usine-là, mais ç’a un impact aussi sur l’ensemble de la communauté», poursuit Julia Posca.
Après tout, ces travailleurs sont ceux qui dépensent dans les commerces de la ville, qui y ont des familles et qui paient des taxes.
«Si on pense à l’industrie des pâtes et papier au Québec, très polluante, cette industrie-là va devoir revoir ses façons de faire, mais il faudrait aussi qu’on accompagne les communautés qui en dépendent pour que leur économie soit plus diversifiée, et donc que ça profite à tout le monde, pas juste aux employés de ces secteurs-là spécifiques», dit-elle.
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L’agriculture pourrait être une solution
Plusieurs pistes sont possibles pour amorcer une transition juste, même si la chercheuse Julia Posca admet qu’on en est encore au stade de l’idée, du moins au Canada.
Le secteur de l’agriculture pourrait par exemple représenter un domaine d’emploi très intéressant pour rediriger des travailleurs et des travailleuses des secteurs plus polluants.
Pourquoi? Parce qu'il pourrait directement contribuer à diminuer notre empreinte environnementale collective : manger des fruits et des légumes qui viennent de partout à travers le monde, ça pollue, alors qu’on peut en faire pousser ici.
«Il faudrait revoir ce modèle-là pour favoriser l’agriculture locale davantage, favoriser la production en serre, et favoriser aussi une agriculture qui serait moins industrielle, où on utiliserait moins de pesticides notamment, où on irait vers des cultures qui seraient plus diversifiées, et non pas des monocultures comme on le voit actuellement», explique Julia Posca.
«Dans une perspective de transition, s'il y a des secteurs qui doivent disparaître ou être réduits, il faut se demander quels secteurs on veut développer au contraire, poursuit-elle. L'agriculture, il me semble que c'en est un où on a un besoin important en main-d'oeuvre, et où il y a moyen d'avoir une politique à la fois économique, sociale et environnementale.»