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Est-ce une bonne idée de retirer le passeport vaccinal? Deux expertes se contredisent

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Photo portrait de Gabriel  Ouimet

Gabriel Ouimet

2022-02-10T22:00:00Z
2022-02-15T20:33:54Z
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Le gouvernement du Québec annonce officiellement le retrait graduel du passeport vaccinal, jusqu’à sa disparition complète le 14 mars prochain. Mais est-ce une bonne idée? Les points de vue des experts à qui nous avons parlé divergent.

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«Le contexte de la pandémie ayant évolué de manière favorable, on doit commencer à se préparer à vivre avec le virus. [...]Pour l’instant, nous avons une marge de manœuvre qui nous permet d’envisager un retour à une vie plus normale», a affirmé le ministre de la Santé, Christian Dubé, pour expliquer la décision du gouvernement.

Après avoir tendu la main aux non-vaccinés en annulant la «contribution santé» pour préserver la paix sociale récemment, le gouvernement fait donc un pas de plus et annonce que le passeport vaccinal ne sera plus exigé dans les magasins à grande surface ni dans les magasins de la SAQ et la SQDC dès demain. Les lieux de culte et les lieux où se tiennent les funérailles suivront dès le 21 février prochain. Il sera ensuite complètement retiré pour tous les lieux et toutes les activités le 14 mars.

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Mais est-ce une bonne idée?

«Oui, ça devient de l’acharnement» – Nimâ Machouf        

Pour l’épidémiologiste Nimâ Machouf, le constat est clair: à 85% de doublement vaccinés au Québec, le passeport vaccinal a contribué à faire de la campagne de vaccination un succès dont il faut se réjouir, mais il est temps de passer à autre chose.

«La vaccination est la meilleure arme que nous avons contre le virus et le passeport a été un bon incitatif, mais, là, ça devient de l’acharnement. Ce n’est simplement plus pratique de l’imposer», dit-elle.

Nimâ Machouf
Nimâ Machouf Photo Agence QMI, Joël Lemay

Mme Machouf estime que tout a été fait pour convaincre ceux qui hésitaient à se faire vacciner. Les autres, qui sont réfractaires au vaccin, ne prendront jamais rendez-vous, estime-t-elle. 

«Il reste environ 5% de gens qui sont vraiment anti-vaccin. Ils sont un fardeau, mais ça ne vaut pas la peine de se déchirer sur la place publique pour eux. Ça ne vaut pas l’énergie que le gouvernement est en train de déployer pour obliger cette infime minorité à se faire vacciner.»

Elle note que, parmi les non-vaccinés, on retrouve des gens qui se protègent autrement, qui ne sont donc pas un danger, en plus de personnes vulnérables. 

«Certains de ces gens sont démunis mentalement, socialement, en termes d’organisation ou autre. Ils ne sont pas dans la même réalité. Ce ne sont pas eux qui représentent les personnes qu’on essaie de convaincre de se faire vacciner avec le passeport vaccinal», argumente-t-elle. 

Omicron change la donne

Mme Machouf rappelle aussi qu’un des objectifs du passeport vaccinal était de protéger la population en freinant la propagation du virus. Malheureusement, l’arrivée du variant Omicron, beaucoup plus contagieux, a bouleversé les plans. 

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Cette réalité fait en sorte que le nombre de cas rapportés entre le mois de décembre et aujourd’hui serait largement sous-estimé. Alors que le gouvernement ne rapporte que 500 000 infections pour cette période, Nimâ Machouf estime que le nombre réel d’infections se situerait plutôt «autour de trois millions», soit presque sept fois plus. 

Photo AFP
Photo AFP

Comme plusieurs de ces infections touchaient de gens doublement vaccinés, ils ont obtenu une troisième immunisation en contractant le virus, ce qui est suffisant pour repousser une troisième dose de vaccin, avance-t-elle. 

«On va gaspiller des millions de vaccins et toutes les ressources nécessaires simplement pour les vacciner afin qu’ils aient leur passeport [si le gouvernement l’étend à trois doses pour tout le monde]? On pourrait garder ces vaccins pour plus tard.»

Joël Lemay / Agence QMI
Joël Lemay / Agence QMI

Elle rappelle d’ailleurs que le masque, exigé dans la grande majorité des commerces où le passeport vaccinal est en place, est suffisant pour que les lieux publics soient sécuritaires. 

«Son imposition ne doit pas dépendre du climat social» – Vardit Ravitsky        

De son côté, Vardit Ravitsky, présidente de l’Association internationale de bioéthique et professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal et à la Harvard Medical School, rappelle que la raison d’être du passeport vaccinal est de protéger le système de santé. 

«Ultimement, il est là pour faire en sorte que, si vous avez un accident de voiture et que vous avez besoin d’un respirateur, vous y ayez accès, au lieu qu’ils soient occupés par des patients COVID qui ne sont pas vaccinés», affirme-t-elle. 

Pour elle, afin de justifier le retrait du passeport vaccinal, il aurait fallu attendre que le système de santé montre «qu’il n’est plus fragile et qu’il est capable de soutenir la cadence». 

Photo Agence QMI, Joël Lemay
Photo Agence QMI, Joël Lemay

Et le climat social?

«La justification éthique du passeport vaccinal ne dépend pas du climat social et surtout pas du bruit fait par une petite minorité violente qui tente d’influencer le climat social pour des raisons qui ne sont elles-mêmes pas éthiques. Il faut arrêter de leur donner autant d’attention», lance-t-elle. 

Mme Ravitsky termine en rappelant que le passeport vaccinal a toujours été une mesure temporaire que l’on a imposée par nécessité et non par choix. Rien ne sert de forcer les choses, selon elle.

«Qu’est-ce que nous allons faire si nous assistons à une remontée des cas et que, parallèlement, un variant aussi dangereux que Delta et aussi contagieux qu’Omicron fait surface?» demande-t-elle.

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