Essai: voyage au cœur du conspirationnisme

Jacques Lanctôt
Le complotisme, vaste sujet des temps actuels. Ce mot n’existait pas il n’y a pas si longtemps. Les pyramides n’auraient pas été construites par les Égyptiens, il existerait d’autres formes d’énergie moins polluantes et illimitées que les puissants lobbys pétroliers refusent de dévoiler. Que dire du 11 septembre, de l’assassinat de Kennedy, etc. ? Ces théories abondent sur la plateforme YouTube.
Nous avons tous dans notre entourage, affirme l’auteur, une personne, un être cher qui participe à ces théories conspirationnistes. Pour l’auteur, c’est son frère aîné qui s’est laissé embrigader dans des groupes bien structurés qui carburent à la haine et au ressentiment et qui diffusent, à longueur de journée, de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux. Journaliste d’enquête, l’auteur a décidé de découvrir qui manipulent ainsi les crédules et comment ils s’y prennent, afin de pouvoir, un jour, déprogrammer son frère et le ramener à la vie normale.
Première étape : la plateforme Telegram, « le service de messagerie privilégié de la mouvance », où il décide de s’inscrire sur différents réseaux.
La pandémie à la COVID-19 servira de déclencheur. On préparerait la vaccination obligatoire des enfants, peut-on lire. « Ils veulent tuer nos enfants avec ces vaccins mortifères. » On s’affiche ouvertement contre le port du masque et le confinement, on favorise la thérapie avec l’hydroxychloroquine et on accuse le gouvernement de profiter de la crise pour soumettre les populations et refaçonner l’économie mondiale. Le frère de l’auteur est un lecteur assidu de ces sites alarmistes de la complosphère et il s’en inquiète.
Jouer le jeu
Jouant le jeu des complotistes, il réussit à se faire embaucher comme journaliste dans un journal qui diffuse ce genre de propos et où les journalistes ne sont pas tenus de signer leurs articles. « Mon objectif, explique-t-il, est d’approcher au plus près le cœur nucléaire de la machine à fake news, sans diffuser moi-même d’informations fausses. »
Trois mois plus tard, notre journaliste infiltré met fin à son expérience au sein du journal complotiste. Il a fait le tour du jardin et sait désormais comment fonctionne de l’intérieur un tel organe d’information davantage orienté vers la propagande que vers la nouvelle. Il se mettra ensuite au service, à titre de bénévole, d’un parti d’extrême droite français, toujours dans le but de connaître les rouages de la machine à complot.
Finalement, l’auteur ne réussira pas à convaincre son frère d’abandonner ses théories complotistes. Après avoir consulté des spécialistes en déradicalisation, il adoptera une autre attitude : éviter d’aborder les questions qui fâchent, trouver des sujets de conversation plus consensuels, partager de bons moments et faire des activités en commun.
Le seul reproche que je peux faire à ce passionnant voyage au cœur du conspirationnisme, c’est que l’auteur ait dû changer plusieurs noms, y compris celui du journal où il a travaillé, y compris son propre nom d’auteur. Il en résulte une certaine frustration.