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L'article provient de TVA Nouvelles
Monde

Espionnage russe au Québec: une mystérieuse demeure à Saint-Colomban

Photo le Journal de Montréal, Dominique Cambron-Goulet
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Dominique Cambron-Goulet | Bureau d'enquête

2022-05-02T13:07:50Z
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La Fédération de Russie possède un riche patri- moine totalisant plus de 16 M$ en immeubles dans la région de Montréal. Ces propriétés, toutes acquises à l’époque de la guerre froide, sont liées à des opérations d’espionnage et de contre-espionnage.

Notre Bureau d’enquête a découvert plusieurs informations intéressantes sur ces propriétés, dont certaines sont entourées de mystère. Le consulat n’a pas répondu à nos questions sur celles-ci.


Un homme d’origine ukrainienne a légué à l’URSS une petite propriété du village de Saint-Colomban, dans les Laurentides, au début des années 1970. Et le gouvernement russe a tenu à la conserver jusqu’à aujourd’hui, bien qu’il ne s’y déroule pratiquement aucune activité depuis des années. 

«Les seules personnes que j’ai vues, c’était il y a cinq ans, des travailleurs pour des rénovations», explique Guy Perron, qui habite la même rue depuis près de 10 ans. 

France Bergevin, qui a habité la maison voisine pendant une vingtaine d’années, dit que des gens semblaient résider de manière permanente à cet endroit «il y a vingt ans». 

«Mais après, ça a toujours été du va-et-vient les fins de semaine, et beaucoup moins ces dernières années», relate-t-elle. 

Le mystère entourant cette propriété alimente ainsi les rumeurs dans la petite ville des Laurentides. Certains parlent d’une ancienne demeure de pilotes d’avions soviétiques, d’autres d’un chalet de diplomates. 

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Même à la municipalité, on ignore l’histoire complète de cette maison désignée comme «service gouvernemental» dans le rôle d’évaluation. 

LOUÉE PAR LE CONSUL   

Notre Bureau d’enquête a découvert que la propriété avait été louée dès 1968 par un membre du gouvernement soviétique. 

Cette année-là, le consul général de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) à Montréal, Pavel Safonov, l’a louée au coût symbolique de 1 $ par an pour une durée de dix ans. 

Pavel Fedorovitch Safonov, consul général soviétique à Montréal de 1967 à 1971.
Pavel Fedorovitch Safonov, consul général soviétique à Montréal de 1967 à 1971. Photo Courtoisie

Le diplomate était arrivé à Montréal environ un an plus tôt et dirigeait le tout nouveau consulat soviétique montréalais. 

Lors de sa précédente mission à l’étranger, il était intervenu dans une histoire d’espionnage. 

En 1963, alors qu’il était chargé d’affaires à l’ambassade soviétique en Australie, M. Safonov avait dû placer un de ses collègues, piégé pour espionnage par une agente double des services secrets australiens, sur un vol express vers Moscou. 

UN HÉRITAGE À L’URSS   

C’est en 1974 que l’URSS est devenue propriétaire de l’immeuble. En 1970, Siméon Kindelvich, un Ukrainien d’origine, a signé un testament spécial pour le léguer au gouvernement soviétique.

On ignore pourquoi il ne l’a pas cédée à sa famille qui habite ici. Son petit-fils n’a pas souhaité nous accorder d’entrevue. Et son arrière-petit-fils ignorait cette histoire.

M. Kindelvich est décédé en Ukraine en 1972, après avoir vécu presque toute sa vie ici. Sa femme, Anna Shadko, a travaillé pour l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), à Montréal.

L’URSS est passée à deux doigts de perdre sa propriété en 1977, après avoir omis de payer ses taxes. Un certain René Labelle l’avait réclamée à l’encan. Mais dix jours plus tard, un employé de la compagnie d’aviation nationale, Aéroflot, est venu régler le compte de 215,77 $.

La demeure actuelle n’a été construite qu’en 1991. Lors de notre passage la semaine dernière, il n’y avait pas âme qui vive.

Toutefois, le drapeau de l’« Infomanistan » apposé sur le garage par l’animateur de l’émission Infoman, Jean-René Dufort, quelques semaines plus tôt, n’y était plus.

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