Entre santé démocratique et diarrhée autoritaire
Richard Latendresse
Un vœu géopolitique pour commencer la nouvelle année, ça pourrait ressembler à quoi ? Apparemment, souhaiter que la démocratie tienne le coup face aux tentations autoritaires, dictatoriales. Réel, le danger tyrannique ? Pas si sûr.
C’est le grand classique : « Bonne année ! De la santé tout plein ! » Je me le suis fait dire et l’ai répété comme tous les ans, mais de manière – m’a-t-il semblé – encore plus sentie en ce début de 2022 avec l’Omicron venu chambouler nos plans des Fêtes.
Aux États-Unis, le président Biden a multiplié les vœux de santé à ses compatriotes depuis le 1er janvier et ils en ont bien besoin, eux qui fracassent à la grandeur du pays des records de contaminations et d’hospitalisations dues à la COVID.
Jeudi, toutefois, premier anniversaire de l’assaut contre le Capitole, c’est clairement la santé de la démocratie américaine qui l’inquiétait. « Ne vous y trompez pas : nous vivons un tournant de l’histoire. Tant ici qu’à l’étranger, nous sommes engagés dans une lutte entre la démocratie et l’autocratie, entre les aspirations du plus grand nombre et la cupidité de quelques-uns, entre le droit du peuple à l’autodétermination et l’autocrate égoïste. »
DE TRUMP AU KAZAKHSTAN
Pour la première fois aussi directement et aussi durement, il s’en est pris à son prédécesseur à la Maison-Blanche, qu’il tient responsable pour cette folie destructrice au Capitole. Donald Trump joue le jeu, croit-il, des Chinois, des Russes et d’autres qui « parient que l’Amérique est un endroit pour un autocrate, un dictateur, un homme fort ».
J’ai mes doutes sur le flirt des Américains avec l’autoritarisme tel que le conçoit Joe Biden. Au moment même où il prononçait son discours, le président du Kazakhstan – une ex-république soviétique qui n’a jamais adéquatement engagé son virage démocratique – s’apprêtait à permettre aux forces de sécurité de briser les manifestations contre la hausse du prix du gaz en « tirant pour tuer ». Pas très inspirant comme modèle.
Kassym-Jomart Tokaïev, le président kazakh, a demandé l’aide de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance tirée des ruines de l’URSS. Du nombre, d’autres despotes sulfureux : le biélorusse Alexandre Loukachenko, par exemple, lui-même croulant sous les sanctions pour son traitement du mouvement démocratique.
LES RUSSES, LES CHINOIS, DES MODÈLES ?
Vladimir Poutine, le président russe, a aussi envoyé des troupes au Kazakhstan. C’en est un autre qui peut difficilement se présenter en idéal politique.
Ses opposants – coïncidence – souffrent ou meurent : la journaliste Anna Politkovskaïa a été criblée de balles dans le hall de son immeuble ; Alexandre Litvinenko a été empoisonné au polonium, une substance radioactive, et Alexeï Navalny croupit en prison, coupé du reste du monde.
Joe Biden aime également soulever la menace idéologique chinoise avec sa liberté économique couplée à une soumission politique. Pourtant, la Chine communiste, ce sont des milliers de morts sur la place Tien An Men en 1989, des minorités persécutées au Tibet et au Xinjiang et toute une vie démocratique broyée à Hong Kong. Un modèle, vraiment ?
Le saccage du Capitole le 6 janvier 2021 donne des haut-le-cœur. De là à ce que « l’Amérique devienne plus comme eux et moins comme nous », comme le craint le président Biden, il y a une marge.