Entre climat et densité, les villes de plus en plus menacées par les chaleurs extrêmes
Agence France-Presse
La hausse de l'exposition aux chaleurs extrêmes dans les zones urbaines, provoquée par leur densité et le réchauffement climatique, risque de priver les populations pauvres d'une vie meilleure dans ces villes, selon une étude scientifique publiée lundi.
«En Afrique et en Asie du Sud, où vivent déjà des centaines de millions de pauvres en milieu urbain (...) sans investissements suffisants, sans intervention humanitaire et sans soutien des gouvernements, la chaleur extrême peut limiter de manière décisive la capacité des populations pauvres à réaliser les gains économiques associés à l'urbanisation», écrivent les auteurs de l'étude, parue dans la revue «Proceedings of the National Academy of Sciences».
En cause, les «îlots de chaleur» dus à la densité des villes, où le béton, l'asphalte et la moindre végétation tendent à enfermer la chaleur.
Pour parvenir à leurs résultats, les chercheurs ont étudié plus de 13 000 villes, en fixant un seuil de chaleur extrême à 30°C en température au thermomètre-globe mouillé («Wet Bulb Globe Temperature»), un indice qui prend en compte la chaleur et l'humidité.
À partir de ce seuil, «même les personnes les plus saines ont du mal à rester longtemps à l'extérieur, et les personnes en mauvaise santé peuvent tomber très malades ou même mourir», explique l'Institut de la Terre de l'université de Columbia (New York), associé à l'étude.
Sur 13 115 villes étudiées, le nombre de personnes/jours (le nombre de personnes concernées multiplié par le nombre de jours) est passé de 40 milliards en 1983 à 119 milliards en 2016, calculent les scientifiques des universités de Californie Santa Barbara, Minnesota Twin Cities, Arizona et Columbia.
1.7 milliards de personnes touchées
Parmi les villes les plus touchées figure Dacca, la capitale du Bangladesh, qui a connu une augmentation de 575 millions de personnes-jours de chaleur extrême pendant la période étudiée (1983-2016), une exposition accrue due à 80% à l'explosion de sa population (de quatre à 22 millions), selon l'Institut de la Terre.
En 2016, 1,7 milliard de personnes ont été exposées à ces températures plus d'un jour par an, ajoute cet institut.
«Cela ne signifie pas que Dacca n'a pas connu un réchauffement substantiel, mais que la croissance démographique a été encore plus rapide», écrit l'Institut.
D'autres villes présentent des tendances similaires, comme Shanghai, Guangzhou (Chine), Rangoun (Birmanie), Bangkok (Thaïlande), Dubaï (Émirats arabes unis), Hanoï (Vietnam), Khartoum (Soudan) ou encore plusieurs villes du Pakistan, d'Inde et de la péninsule arabique.
D'un autre côté, certaines autres grandes villes ont vu près de la moitié ou plus de leur exposition causée par le seul réchauffement climatique par rapport à la croissance démographique. Il s'agit de Bagdad (Irak), Le Caire (Égypte), Koweït City, Lagos (Nigeria), Calcutta, Bombay (Inde) et d'autres grandes villes d'Inde et du Bangladesh.
Les auteurs soulignent l'importance de parvenir à différencier les facteurs démographiques et climatiques pour mieux définir des politiques locales.
Aux États-Unis, une quarantaine de villes importantes ont vu leur exposition «augmenter rapidement, principalement au Texas et sur la côte du Golfe» du Mexique (Alabama, Floride, Louisiane, Mississippi, Texas), alors que l'étude, qui s'est arrêtée à 2016, ne prend pas en compte les records de chaleur meurtrière qui ont frappé le nord-est des États-Unis et le sud du Canada durant l'été 2021.