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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Révolution COVID: Nouvelles pédagogies et partage des savoirs

Un dossier spécial

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Photo portrait de Dominique  Scali

Dominique Scali

2021-12-24T05:00:00Z
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Bon nombre de profs continueront d’utiliser la technologie en classe ou donneront des cours à distance dans certaines circonstances. La façon de ventiler les locaux et d’encadrer la réussite pourrait aussi changer.

Révolution
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Éducation et recherche

Des profs plus technos        

Illustration: Nathalie Samson
Illustration: Nathalie Samson

«Pas de géant», «saut dans le temps», «vitesse grand V». Les acteurs sont unanimes : la pandémie aura forcé le milieu de l’éducation à accélérer son virage numérique. 

Avec le confinement, les enseignants qui étaient « moins habiles » avec la technologie n’ont pas eu d’autre choix que de s’y mettre, remarque Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement.

Pendant ce temps, des profs ont découvert les avantages de certains outils technos, au point de continuer à les utiliser une fois de retour en classe. 

«On ne remettra pas la pâte à dents dans le tube», image Nancy Brousseau, directrice générale de la Fédération des établissements d’enseignement privés. 

Par exemple, certains logiciels permettent de suivre la progression de tous les élèves et donc d’aller aider ceux qui traînent de la patte dans l’exercice.

Ironiquement, la pandémie a aussi forcé les dirigeants du réseau à réaliser à quel point le système électrique de certains établissements était désuet. 

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«Tu sais, quand tu branches un certain nombre de choses et que tu te fermes les yeux [en espérant que ça ne saute pas]...», illustre Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement.

Des écoles mieux ventilées        

Illustration: Nathalie Samson
Illustration: Nathalie Samson

La pandémie a poussé le système scolaire à prendre conscience de l’importance de la qualité de l’air et de bien ventiler les classes, observe Caroline Dupré, présidente de la Fédération des centres de services scolaires. 

Québec s’est d’ailleurs engagé à installer des lecteurs de CO2 dans toutes les classes d’ici la fin de l’année.

«C’est un facteur qui pourrait aider à contrôler d’autres virus dans le futur», abonde Benoît Mâsse, professeur l’Université de Montréal. 

Le chercheur en santé publique peut même imaginer la qualité de ventilation devenir un critère dans les normes des nouvelles constructions de lieux où un grand nombre de personnes sont réunies.

Plus de rencontres virtuelles de parents        

Illustration: Nathalie Samson
Illustration: Nathalie Samson

Forcées à faire leurs rencontres de parents en virtuel, les écoles privées ont réalisé que cette formule plaisait à plusieurs. 

«On a eu des présences records. On n’a jamais eu autant de monde», s’exclame Nancy Brousseau, directrice générale de la Fédération des établissements d’enseignement privés.

Les parents tiendront peut-être encore à ce que la première rencontre annuelle se fasse en personne, mais les suivantes pourraient se faire de façon à ce qu’ils n’aient pas à se déplacer, suggère-t-elle. « Je ne pense pas qu’on va revenir à [toujours] faire déplacer tout le monde le même soir. »

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Moins de bulletins        

Illustration: Nathalie Samson
Illustration: Nathalie Samson

Avant, les élèves avaient trois bulletins par année, rappelle Nicolas Prévost, de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement. Avec la pandémie, celui de l’automne a sauté. Maintenant, le premier bulletin arrive donc en janvier ou février. 

«On souhaite que ça reste», dit-il.

Cela permet une « pratique plus pédagogique et moins évaluative », explique-t-il. Autrement dit, cela laisse plus de temps aux enseignants pour passer la matière, puisqu’on consacre moins de temps à faire des examens ou des tests déterminants.

En contrepartie, il faudrait améliorer la communication avec les parents, car le premier bulletin servait tout de même d’information sur le cheminement de l’élève, souligne M. Prévost.

Plus d’éducation aux fausses nouvelles    

Illustration: Nathalie Samson
Illustration: Nathalie Samson

La pandémie et l’explosion de contenus antivaccin ont mis en lumière l’importance d’éduquer les jeunes aux médias et aux fausses nouvelles. 

Des organismes qui offrent des formations sur le sujet ont d’ailleurs vu une croissance de l’intérêt de la part des écoles.

«On reçoit de plus en plus de demandes de groupes communautaires sur comment distinguer les fausses nouvelles, ou comment être un parent à l’ère du numérique», note Marc Alexandre Ladouceur, spécialiste en éducation aux médias chez HabiloMédias.

«Je pense qu’il y a quelque chose qui va rester de ça, parce qu’on ne s’en va pas vers un monde plus simple [...] Il y a tellement d’information qui circule», abonde Line Pagé, du Centre québécois d’éducation aux médias et à l’information.

La citoyenneté numérique devrait d’ailleurs faire partie du nouveau cours d’éthique et culture religieuse concocté par le gouvernement Legault, qui sera en vigueur dans l’ensemble du réseau à la rentrée 2023.

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Un enseignement hybride au cégep et à l’université    

Illustration: Nathalie Samson
Illustration: Nathalie Samson

Les cégépiens et universitaires du futur vont probablement étudier dans un contexte où la technologie est beaucoup plus présente qu’avant, avec certains cours donnés à distance notamment.

«Pour les [étudiants] adultes, l’enseignement à distance, c’est wow ! Il n’y a pas de doute», s’exclame Bernard Tremblay, président de la Fédération des cégeps.

À l’Université de Montréal, les modules théoriques en médecine vétérinaire sont maintenant présentés de façon asynchrone, c’est-à-dire que les étudiants peuvent les visionner quand ils veulent, ce qui facilite la gestion de leur horaire chargé, illustre Louise Béliveau, vice-rectrice aux affaires étudiantes et aux études.

Autre exemple : en littérature, un outil permet la collaboration en ligne des étudiants lorsqu’ils lisent et annotent les textes. 

«Ça vient modifier la dynamique», notamment en facilitant la participation des jeunes plus introvertis, remarque Louise Béliveau.

Reste que la présence physique est importante, notamment pour le réseautage et le bien-être. 

«On ne va pas se transformer en université à distance», assure-t-elle.

Le son de cloche est le même du côté des cégeps. Plus les étudiants sont jeunes, plus la présence sur le campus est importante, résume M. Tremblay.

«C’est un outil additionnel [...] On se dirige vers des moyens variés. La question à se poser : dans quel contexte [la technologie] aide à la réussite?»

Une cote R repensée        

La pandémie a forcé les cégeps et universités à assouplir certaines règles, ce qui pourrait inspirer des réformes durables. Par exemple, il n’est plus nécessaire d’avoir un billet du médecin pour s’absenter d’un examen à l’Université Montréal. Il faut plutôt remplir un argumentaire pour justifier l’absence. 

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«On s’est aperçu qu’en général, il n’y a pas eu d’abus», explique Louise Béliveau.

Au début de la pandémie, la crise sanitaire a aussi forcé le gouvernement à suspendre la cote R, cette cote de rendement qui compare chaque cégépien à la moyenne de son groupe et qui est utilisée comme critère de sélection dans les programmes universitaires contingentés. Elle est régulièrement critiquée par les associations étudiantes et taxée d’alimenter l’anxiété et une culture de performance malsaine.

«Je ne crois pas que la cote R va disparaître, mais on peut réfléchir à la place qu’elle occupe. Parce que c’est devenu un peu obsessionnel chez les étudiants», dit Bernard Tremblay, de la Fédération des cégeps.

Les modalités d’abandon d’un cours ont aussi été revues. 

«Il y a des choses à revoir parce que notre modèle est un peu rigide», concède M. Tremblay.

Une diffusion plus rapide des découvertes        

Il ne s’est jamais écrit autant d’articles scientifiques à l’échelle mondiale que pendant la première année de la pandémie, tous domaines confondus, indique Vincent Larivière­­­, de l’Université de Montréal. 

En 2020, six millions d’arti­cles ont été diffusés, soit un million de plus qu’ en 2019. 

«C’est comme si tout le monde avait eu son moment “pandémie”», résume-t-il.

Étant donné l’urgence, des chercheurs ont décidé de diffuser les résultats de leurs études sans attendre que leurs articles soient approuvés par une revue, dont les délais peuvent être très longs. Le but était que les recherches puissent être réutilisées par d’autres chercheurs ou encore dans des politiques publiques. Il pouvait s’agir de recherches sur la ventilation dans les écoles ou sur la réactivité à un vaccin.

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Cette façon de diffuser ses résultats sur les médias sociaux ou sur des serveurs de «prépublication» pourrait rester, croit M. Larivière.

À l’Institut et hôpital neurologique de Montréal – le Neuro, on va encore plus loin en matière de science ouverte. L’institut offre à tous les chercheurs le libre accès à sa banque d’échantillons biologiques afin d’accé­lérer la collaboration. 

«Espérons que ça va être un peu plus la norme maintenant», souhaite Guy Rouleau, directeur de l’institut.

Avec Mathieu-Robert Sauvé

Des congrès internationaux qui se feront en ligne        

«Si j’avais dit il y a trois ans que des gens organiseraient un congrès de médecine virtuel, on m’aurait répondu : c’est un fou ! Qui va vouloir assister [à ça]?», ironise le Dr Karl Weiss.

Une multitude de congrès et d’événements internationaux se sont tenus en ligne dans les deux dernières années. Et même avec le déconfinement et la réouverture des frontières, les chercheurs vont sans doute voyager moins souvent pour participer à ce genre de conférences.

«Le fait d’être en ligne, ça permet une plus grande participation de gens qui n’ont pas les moyens de se payer le billet d’avion ou qui ont des contraintes familiales», explique Vincent Larivière, professeur à l’École de bibliothéconomie de l’Université de Montréal.

L’utilisation accrue de la visioconférence permet aussi à des enseignants d’inviter des chercheurs étrangers qui sont une sommité dans leur domaine à faire des présentations dans le cadre d’un cours, ou encore à une infirmière d’échanger avec des étudiants en soins infirmiers sans avoir à quitter l’hôpital, ajoute Louise Béliveau, vice-rectrice à l’Université de Montréal.

La Covid bouleverse nos vies, mais pas que négativement. Dans ce dossier, Le Journal met en lumière l’héritage que laissera dans nos vies ce virus.

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