«En colère et solidaires», manif à Montréal pour le droit à l'avortement
Julien Bouthillier
Céline Bianchi et Karina Mariano se rendaient ensemble à des manifestations pour le droit à l’avortement lorsqu’elles étaient à l’université dans les années 1990. Trente ans plus tard, elles estiment que la lutte est loin d’être terminée. «Il va falloir se battre éternellement et c’est insupportable. C’est pour ça que je suis là, parce que je suis en tabarnak», affirme Céline.
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Le 24 heures a rencontré les deux amies lors d’une manifestation pro-choix qui se tenait dimanche midi devant le palais de justice de Montréal. Quelques centaines de personnes ont répondu à l’appel lancé sur les réseaux sociaux à se mobiliser contre le renversement du jugement Roe c. Wade par la Cour suprême des États-Unis. Des rassemblements semblables se sont tenus dans plusieurs villes du Québec.
Malgré la chaleur accablante ressentie au centre-ville de Montréal, plusieurs participantes et participants se tenaient en plein soleil vêtus de noir, en signe de deuil face à ce recul des droits des femmes.
Accès à l’avortement
Isabelle Guillemette se souviendra toujours de la fois où elle est allée se faire avorter il y a plusieurs années alors qu’elle habitait en Colombie-Britannique. «Il y avait des femmes pro-vie qui étaient devant la place, alors j’étais comme gênée d’aller me faire avorter. [...] Je ne me sentais pas bien, j’étais jeune, j’étais timide. Tu te remets en question, tu perds confiance en toi.»
Selon la mère de famille, cet exemple montre bien que l’accès à l’avortement est déjà difficile au pays. Elle dit ressentir beaucoup de peine et de colère dans la foulée de la décision de la Cour suprême américaine.
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Diane Lamoureux manifeste depuis 50 ans pour le droit des femmes à disposer de leur propre corps. Elle estime que la décision de la Cour suprême américaine impactera d’abord les femmes défavorisées.
«Avec l’interdiction de l’avortement dans beaucoup d’États, ce que ça va donner, c’est que les plus riches pourront voyager d’un État à l’autre ou se faire venir des pilules abortives. Mais les autres vont mourir d’avortements botchés parce que clandestins», se désole-t-elle.
Quel impact au Québec?
Selon plusieurs militantes à qui nous avons parlé, l’impact de la décision de la Cour suprême des États-Unis dépassera largement les frontières de nos voisins du sud.
«Avec une décision comme cela aux États-Unis, ça va vraiment contribuer à légitimer le discours des personnes qui veulent contrôler le corps et le choix des personnes enceintes», affirme Mélanie Ederer, présidente de la Fédération des femmes du Québec.
«Ça me semble être un recul horrible pour les États-Uniennes et je pense qu’il faut montrer au gouvernement qu’on ne veut pas qu’il les imite», estime pour sa part Diane Lamoureux.
«Les droits, c’est fragile. Si on ne les défend pas, ils ne sont plus acquis. On les a obtenus de haute lutte et il faut les défendre aussi avec un peu d’acharnement malheureusement.»
Le rôle des hommes
Plusieurs hommes étaient présents à la manifestation de dimanche afin de démontrer leur solidarité envers leurs sœurs, leurs amies ou leurs conjointes. C’est le cas de Simon Sourières, qui accompagnait sa copine.
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«C’est vraiment d’être présent, de les écouter et puis de laisser la place aux femmes de prendre leurs propres décisions tout simplement», estime-t-il.
La réalité des personnes LGBTQ+
Gabriel Paquette est une personne non binaire et a un utérus. Iel estime que ce recul affectera particulièrement les personnes déjà marginalisées, notamment les membres de la communauté LGBTQ+.
Selon Gabriel, l’accès à l’avortement est déjà plus difficile pour les gens qui se présentent à la clinique et «n’ont pas l’air d’une madame». «Éduquer son professionnel de la santé, c’est une expérience que je ne souhaite pas à personne!»
«Personnes non binaires, hommes transgenres, femmes cisgenres, on a toutes été, on est tous opprimés à cause qu’on a un utérus. C’est le temps d’être ensemble, c’est le temps d’être unis, c’est le temps d’agir», conclut Gabriel.