En attente d’une opération: une femme de 25 ans forcée de manger mou depuis 6 mois
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Florence Lamoureux
Une femme de 25 ans vit un calvaire depuis six mois en attendant une chirurgie puisque sa mâchoire figée par l’arthrite l’empêche de parler et de manger autre chose que de la purée.
Depuis le 21 octobre 2024, Audrey Arseneault attend désespérément son opération à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, alors que son état ne cesse de se détériorer.

«J’ai perdu 30 livres à cause de ma malnutrition. Je me nourris de shake de protéines et de purées. Je dois mettre le tout dans une bouteille, car la cuillère n’entre pas dans ma bouche», explique par courriel, celle qui est infirmière auxiliaire à l’Hôpital Sainte-Justine, au bloc opératoire.

En plus de cette diète sévère, la mâchoire figée de Mme Arseneault lui crée des spasmes musculaires, des maux de tête constants, de l’insomnie, de l’anémie et de l’apnée du sommeil.
- Écoutez le résumé de l'histoire à l'émission d'Isabelle Maréchal, ainsi que les témoignages de la soeur et du conjoint d'Audrey :
De la torture
«Je suis anéantie. Je ne fais qu’exister. Sourire me cause de la douleur, je suis couchée toute la journée et j’alterne entre des compresses froides et chaudes, affirme-t-elle par écrit. Je me nourris pour survivre seulement. Je pleure tous les jours. Être incapable de m’exprimer, c’est de la torture.»
La jeune femme de 25 ans est atteinte d’arthrite temporo-mandibulaire sévère avec ankylose fibreuse et osseuse, ce qui gruge les articulations et les tissus.
Elle a déjà eu deux chirurgies en lien avec cette maladie en 2021 et en début 2024.
Mais voilà qu’à cause de sa maladie chronique, sa mâchoire s’est figée en octobre dernier.
Un mois après, elle n’avait toujours pas eu d’appel pour faire un scan et débuter le processus de fabrication de son orthèse d’avancement mandibulaire, qui est la seule solution pour qu’elle puisse espérer parler et manger comme avant.
«J’ai dû aller au privé pour faire le scan et ça m’a coûté 430$. La création de l’orthèse qui va venir avancer ma mâchoire a finalement été approuvée au public le 5 décembre 2024», explique Audrey Arseneault.
Pas un cas prioritaire
Convoquée par l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont pour une batterie de tests préopératoires en mars, elle a été surprise de constater qu’elle n’est pas un «cas prioritaire».
Son opération est pour l’instant prévue le 8 mai prochain, mais l’hôpital peut l’annuler à la dernière minute, comme c’est souvent le cas.
«Je suis sur des antidouleurs et des opiacés pour m’aider à survivre et m’aider à dormir, même si je ne réussis qu’à dormir 4 à 5 heures par nuit. La douleur est inimaginable», affirme la jeune infirmière auxiliaire.
L’hospitalisation de Mme Arseneault va aussi nécessiter une place aux soins intensifs pour au moins quelques jours, avant qu’elle puisse obtenir son congé.
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Pas la seule à attendre
Selon les plus récents chiffres du tableau de bord de performance du réseau de la santé, plus de 18 000 patients attendent une chirurgie en oto-rhino-laryngologie (ORL), dont près du tiers est à Montréal. Malgré l’ampleur des listes d’attente, une légère amélioration se profile: le total des chirurgies en attente est passé de 153 000 à 151 600 en un mois.
Selon le Dr François Marquis, intensiviste à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, les délais actuels sont dus à une mauvaise gestion et au manque de personnel.
«Un patient admis va avoir besoin d’une surveillance. Actuellement, j’ai sept lits physiques fermés aux soins intensifs, car il manque d’infirmières », déplore le Dr Marquis.
Le médecin mentionne que cette patiente peut malheureusement se faire déloger par un cas plus prioritaire jusqu’à ce qu'elle soit endormie.
Cependant, il précise que les priorités d'accès aux places électives des soins intensifs sont une décision de l'équipe des salles d'opération et que cela n'a rien à voir avec les intensivistes.
« Je me bats chaque jour pour faire entrer plus de patients », explique le Dr François Marquis, aussi chef du service des soins intensifs de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.
De graves conséquences financières
Depuis qu’elle est en arrêt de travail, Audrey Arseneault n’a accès qu’à 75% de son salaire. Au départ, on lui avait mentionné qu’il y avait de grandes chances qu’elle soit de retour au travail en avril 2025. Actuellement, elle est loin de penser à un retour et ne cesse de s’endetter.
«J’ai dû payer mon scan au privé, de l’acupuncture, de la physiothérapie, les nombreux médicaments qui ne sont pas couverts, les traitements orthodontiques. J’ai aussi mes paiements réguliers comme mon loyer», explique Audrey Arseneault.
Nicolas Viau dit ne jamais avoir vu sa copine dans cet état en huit ans de relation.
«Son état se dégrade de jour en jour. Elle n’arrête pas de perdre du poids. Audrey n’a plus aucune autonomie. Elle ne peut rien lever de lourd ni conduire ou appeler quelqu’un», explique M. Viau.

Même son de cloche de sa sœur Laurie Arseneault, qui mentionne l’impuissance des proches dans ce genre de situation et la frustration de voir sa sœur souffrir dans l’attente quotidiennement.
Selon l’intensiviste François Marquis, cette patiente illustre une grande problématique du système de santé actuel.
«Une jeune femme prospère qui serait capable de retourner au travail, si elle pouvait être soignée rapidement. En ce moment, elle perd de sa qualité de vie, monopolise ses proches, sa santé se dégringole et elle pourra en payer les conséquences à long terme», se désole le médecin de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal n’était pas en mesure de répondre aux questions de QUB Radio avant publication.
La famille d’Audrey a créé un Gofundme pour subvenir à ses besoins, comme elle ne peut pas travailler depuis des mois.