En 2025, priorité au logement à Québec pour le maire Bruno Marchand
Il garde le cap sur l’objectif d’atteindre 500 nouvelles unités à construire
Stéphanie Martin
En 2025, la priorité du maire Bruno Marchand sera consacrée au logement, alors que la ville fait face à un taux d’inoccupation famélique et que la crise demeure aiguë.
En entrevue éditoriale de fin d’année, le maire de Québec n’hésite pas une seconde quand on lui demande sur quoi il veut concentrer ses efforts pour la dernière année de son mandat actuel. «Logement. On est dans une situation où on a une erre d’aller. Je suis très fier de la façon dont la ville s’est transformée», affirme-t-il.
«On veut répondre aux besoins impératifs de logements pour tous les types de revenus et de citoyens.» Il garde donc le cap sur l’objectif de 2025, soit d’atteindre 500 nouvelles unités à construire.
Les réussites des derniers mois en matière de logement font d’ailleurs partie de ses principales fiertés, qu’il nomme même avant le tramway. En 2024, la Ville a mis en chantier 906 nouvelles unités de logements sociaux et abordables, soit 8,6% de mises en chantier de plus par rapport à 2023 pour les 11 premiers mois.
Travail «complexe»
C’est un sommet, depuis au moins 10 ans, qui le rapproche de l’objectif de construire 80 000 nouvelles unités d’ici 2040. Un travail «complexe» et de longue haleine, dit-il, qu’il se félicite d’avoir pu accomplir avec son équipe.
Mais le taux d’inoccupation demeure quand même infime, à 0,8%, très loin du seuil d’équilibre à 3%. C’est pourquoi il compte exécuter le plan que son administration s’est donné pour atteindre les objectifs ambitieux. Cela se traduit par l’accélération de l’émission de permis, les discussions continues avec les promoteurs, la création d’un guichet unique, des ajustements dans les normes concernant les hauteurs et les marges latérales, par exemple. On fait de la «densité heureuse», illustre M. Marchand.
Plus d’agilité
Il souligne que plusieurs promoteurs se réjouissent d’une nouvelle «agilité» de la municipalité. Les développeurs sont vus comme des «partenaires», et cela apporte des «gains énormes». «Un changement de culture» qui s’est mis en place à la vitesse grand V, se réjouit-il.
Il n’est pas question pour lui de reporter des projets de logements après la campagne, pour éviter de froisser les voisins de futurs édifices, comme il peut être tentant de le faire pour sécuriser des votes. «Si je suis déjà en mode électoral, pour chaque projet controversé, je vais dire: “Attendons, on fera ça après la campagne.” Mais pendant ce temps-là, on aurait une année 2025 très difficile en logement.» Il dit préférer avoir «le courage» de faire avancer les projets pour accueillir le nombre grandissant de nouveaux résidents dans la ville.
Patience, pour le tramway
Même s’il se dit «impatient» de réaliser le tramway, le maire Marchand accepte les trois ans de délai imposés au projet, pour éviter de faire les choses «tout croche».
En juin, la Caisse de dépôt et placement du Québec Infra (CDPQI), qui est maintenant officiellement maître d’œuvre du mégaprojet, avait prévu une mise en service en 2030. Cette semaine, elle a changé l’échéancier pour 2033.
Le maire de Québec assure que le report «n’est pas du tout une demande politique» du gouvernement de la CAQ. «La Caisse, le politique, oui, ils travaillent avec, mais ils ne font pas de courbettes politiques à personne. Ils travaillent pour réaliser un projet, avec la science.»
Bruno Marchand aurait voulu le maintien de la ligne d’arrivée en 2030. «2033, je trouve ça loin, c’est sûr. Mais la Caisse, je suis obligé de lui faire confiance. Je ne me substituerai pas à leur expérience.»
Éviter les erreurs d’Ottawa
Il rappelle que d’autres projets ont été «poussés» par les politiciens, avec des résultats malheureux. «L’expérience qu’on a apprise d’Ottawa, c’est que les politiciens ont poussé et ça a fait une mise en service plus rapide. Au final, ça n’a servi personne. Le projet n’était pas prêt, les portes gelaient, tout le monde a travaillé tout croche. On ne veut pas vivre ça. Au final, je suis un impatient, mais pas au prix de mal faire les choses.»
Dépolitiser le projet
Il est convaincu que la gouvernance établie dans les deux ententes signées récemment pour le projet va contribuer à le «dépolitiser». Il souligne que les comités qui vont gérer le projet sont surtout composés d’experts. «Il ne reste plus beaucoup de politiciens. C’est un gain de la gouvernance et c’est grâce à la Caisse. S’il arrive un écueil, il va y avoir un politicien qui va choisir.»
Sur ce point, le fait que le gouvernement ait le dernier mot en cas de litige ne l’agace pas. «Il le fallait. C’est le gouvernement qui paie la majeure partie.» Cependant, l’intervention politique ne devrait plus survenir dans les détails liés au trajet, aux trottoirs, aux arbres ou aux rues partagées, assure-t-il, ce sont des enjeux qui seront pris en charge par la CDPQI, en collaboration avec la Ville. M. Marchand promet de défendre ses citoyens si la communication est défaillante.
Financement fédéral
Quant au financement fédéral, il presse le ministre Jean-Yves Duclos et le premier ministre Justin Trudeau de sécuriser le financement à hauteur de 40% des 7,6 G$ du projet. Si Pierre Poilievre venait à prendre le pouvoir, il serait «puéril» de revenir sur les ententes signées, selon lui. «Il n’a pas le choix» de respecter au moins les 1,5 G$ déjà promis. Sinon, dit-il, «il lui faudra expliquer l’injustice pour Québec».
Marchand attend les recommandations sur le crucifix
Le maire de Québec a «une position personnelle» sur le débat entourant le possible retrait du crucifix de la salle du conseil municipal. Mais il ne souhaite pas l’exprimer pour le moment, préférant attendre les recommandations de la Commission pour une ville inclusive. La question sera soumise à cette instance lors de sa prochaine rencontre, le 20 février. «On va laisser la Commission faire le travail et après ça, je vais décider. [...] Leur avis va beaucoup m’influencer.» Si possible, cette décision sera communiquée à la population avant la prochaine échéance électorale, qui a lieu en novembre 2025. Le maire est conscient que le débat «soulève les passions», mais il se garde de se lancer dans l’arène. «On va voir.»
Des fleurs pour Labeaume
«M. Labeaume avait fait une excellente gestion financière. La Ville s’est retrouvée en très bonne posture par rapport à d’autres», a louangé le maire Marchand. C’est la deuxième fois cette semaine qu’il lance des fleurs à son prédécesseur, Régis Labeaume, la première étant pour saluer le fait qu’il a porté le projet de tramway avant lui. Bruno Marchand se dit fier d’avoir poursuivi dans le même cadre financier et d’avoir tenu serrés les cordons de la bourse, dans un contexte financier difficile. «Ça aurait été facile de bénéficier de ça et de laisser un peu aller. Augmenter un peu la dette, ça n’aurait pas trop paru. J’ai refusé ça.» Il se félicite que la Ville de Québec ait connu les plus faibles hausses de taxes de toutes les grandes villes du Québec. «Je suis super fier de ça. Super fier de cette rigueur financière, où on a une dette qui baisse.» Quant au tramway et au choix de «le payer cash», «c’est un tour de force incroyable». M. Marchand rappelle que 500 M$ sont ainsi épargnés en intérêts, et ce, grâce à la bonne santé financière dont il a hérité comme maire.
Pas de surprise attendue pour la campagne
Sans les nommer, Bruno Marchand dit déjà connaître ses adversaires pour la prochaine course à la mairie, même si ces derniers ne se sont pas encore dévoilés. «Je ne pense pas [avoir de surprise]. Il peut y en avoir, mais on connaît déjà quatre, cinq, six candidats qui vont se lancer.» Toujours sans le nommer, il semble viser l’ancien libéral Sam Hamad, qui «va proposer une vision très différente» de la ville, selon lui. Il lance d’ailleurs une pointe à ses futurs adversaires, qui «ne proposent aucune solution» pour lutter contre la congestion. Il s’attend par ailleurs à ce qu’une majorité de ses conseillers se représentent pour la prochaine campagne. Une équipe qu’il qualifie d’«extraordinaire» parce que les élus «viennent ici pour la Ville» et non pour des visées personnelles. Il est très fier que son équipe soit «une coalition», de trois partis différents, même si cela comporte des défis, reconnaît-il.
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