Émile Poirier : «un recul nécessaire» pour atteindre le rêve
Louis-André Larivière
Si Émile Poirier voulait voir l’Europe après un passage dans l’organisation des Jets de Winnipeg, le périple n’a pas déçu : Slovaquie, Lettonie (via la Russie) et la Suède. Trois pays (quatre avec la Russie) en moins de deux ans. C’est presque une tournée d’artiste pop, à l’instar de Billie Eilish ou du toujours fringant quatuor Duran Duran.
Mardi, l’ancien choix de premier tour des Flames de Calgary a mis fin au volet globe-trotter de sa carrière en paraphant un contrat d’un an à deux volets avec le Rocket de Laval. Il a lui-même offert ses services au Club de Hockey Canadien afin de se rapprocher de sa famille.
Ci-dessus, voyez l'entrevue avec Émile Poirier.
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«J’avais des options. Ça faisait deux ans que je jouais en Europe et j’ai tâté le terrain à savoir quelle était l’opportunité qu’ils pouvaient m’offrir ici, a-t-il raconté mercredi le temps d’une discussion virtuelle avec le TVA Sports.ca.
«Je suis extrêmement content de rester ici et de pouvoir jouer devant ma famille et mes amis depuis... je ne me rappelle même plus de la dernière fois!»
Poirier est originaire de Montréal, mais réside à Gatineau avec la concubine qu’il a rencontrée pendant son stage junior avec les Olympiques de Benoit Groulx. Le couple a donné naissance à des jumelles qui fêteront leur deuxième anniversaire en septembre.
Cinq ans de sobriété (et de courage)
Pendant son passage dans le circuit Courteau, où son talent brut et sa robustesse en faisaient l’un des plus prometteurs patineurs, les Flames ont sélectionné l’attaquant de 6 pi 5 po et 196 lb au 22e rang de l’encan amateur de 2013. Il venait d’amasser 70 points avec 101 minutes de punition en 65 sorties.
Peu après ses débuts dans le pipeline albertain, dont huit matchs au total avec le grand club, Poirier n’était plus que l’ombre de lui-même, en 2017. Ses problèmes d’alcool l’ont peu à peu plongé dans la noirceur. Sa carrière était en péril et son développement a souffert.
«À ce stade-là, c’était nécessaire pour moi, dans ma vie, de prendre un recul et de penser à autre chose que le hockey», raconte-t-il avec sérénité.
![AFP](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2Fc39167f0-60e2-11e5-8449-3754d797ab8c_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Cinq ans plus tard, Poirier a grandi, certes, et il n’a que 27 ans. Comment transformer une ténébreuse tranche de vie en atout sur le plan professionnel? Nul n’a la réponse, mais le principal intéressé veut se servir ce «bagage d’expérience» pour aider des jeunes, comme l’avaient fait Micheal Ferland et Brian McGrattan lorsqu’il a broyé du noir.
«Depuis ce temps-là, j’ai grandi. Ça va super bien. J’ai une jeune famille et je me suis placé. À ce niveau-là, je suis très content, rassure-t-il.
«C’est sûr que mon expérience peut apporter aux jeunes ou aux plus vieux, à ceux qui passent des moments plus difficiles. Ce serait mentir de dire qu’on ne vit pas tous des moments difficiles. Moi j’en ai eus, je l’ai admis et je suis passé à autre chose. J’en suis très fier.»
Soutien inestimable à Calgary
Ferland et McGrattan, en ce sens, lui ont offert un soutien inestimable à Calgary. Ils étaient tous deux en terrain connu, puisqu’ils ont aussi dû surmonter des problèmes de consommation d’alcool au cours de leur carrière.
«Ce sont des gars à qui je parle encore aujourd’hui. Micheal est encore un de mes bons amis. Ça t’aide à savoir que tu n’es pas tout seul là-dedans. Des fois tu penses que si tu le fais seul, tu ne vois pas le bout. C’est juste que ça t’aide à voir qu’il y a du monde pour toi.
«Je ne sais pas s’il le fait encore, mais Brian travaillait là-dedans. C’est très important pour une équipe.»
Maintenant qu’il entame ce chapitre de sa carrière, les jetons sont tombés en place pour Poirier afin qu’il se fasse valoir dans l’organisation de son enfance. Quant au rêve de la LNH, les jeux sont loin d’être faits, bien au contraire.
Le Québécois a suffisamment traversé d’écueils sur son chemin pour savoir que l’espoir nourrit toute ambition.
«C’est sûr. Quand tu joues dans la Ligue américaine, l’objectif est toujours de jouer au niveau plus haut. Si tu n’as pas ça en tête, tu n’es peut-être pas à la bonne place. C’est sûr que c’est ce que j’ai en tête.
«Je contrôle ce que je peux contrôler. Je vais donner mon 100 pour cent et on verra ce qui va arriver.»
L’effet Zubov
Poirier a discuté avec le directeur général Kent Hughes, mais il n’avait pas encore parlé à l'entraîneur Jean-François Houle de son rôle au moment d’écrire ces lignes.
Il se qualifie de joueur «très intense», robuste, «bon défensivement, puis offensivement» au style complet et capable d’être employé dans toutes les situations. Cette polyvalence, il la décrit avec la confiance qu’il a ramenée avec lui dans ses valises. Plus précisément, de la Lettonie.
Avec le Dynamo, il a joué sous les ordres de l’ex-défenseur Sergeï Zubov, double gagnant de la coupe Stanley et membre du Temple de la renommée qui a disputé plus de 1000 matchs dans le circuit Bettman. Une aventure qu’il dit avoir «adorée».
«L’année passée en KHL m’a vraiment aidé à retrouver ma confiance. J’ai eu une bonne année, dit celui qui a amassé 18 points en 39 matchs.
![Martin Chevalier / JdeM](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F46229e70-07f4-11ea-b2fe-c921705e7f3a_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
«Il n’était pas qu’un Russe, il était comme un Nord-Américain. J’étais content d’avoir Sergeï, il a été bon pour moi. Malheureusement, il nous a quittés peu avant Noël. C’était un peu bizarre la situation, là-bas.»
D’accord avec Dea
Après l’été torride à Laval, le camp d’entraînement se mettra en branle et Poirier montera ce qu’il a dans le ventre. Il se dit déjà impressionné par ce qu’a accompli le club-école des Canadiens en finale de l’Association de l’Est.
«J’ai regardé les séries. Je me suis un peu familiarisé avec les joueurs. Il y a eu des arrivées et des départs aussi, donc c’est un peu comme ça que ça marche dans la Ligue américaine et je suis habitué.»
Même s’il n’avait pas eu vent des propos de Jean-Sébastien Dea, qui a illustré, lors d’un point de presse viral pendant les éliminatoires, l’importance de recruter du talent québécois et que «le Canadien devrait prendre exemple là-dessus», Poirier ne s’inscrit pas en faux face à une telle affirmation.
«Je pense qu’il a raison, fait-il savoir. C’est sûr que ça représente bien le Québec s’il y a plus de Québécois. Cent pour cent.»
Le Rocket ouvrira sa saison locale le 14 octobre à la Place Bell.